3| huit temps

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Après une fin d'après-midi relativement tranquille, me voici totalement transformée en Aurore.

Mon tutu rose sur les hanches, mon justaucorps de la même couleur j'ai l'impression d'étouffer. Cette sensation qui m'envahit à chaque début de spectacle est très handicapante la plupart du temps. Les danseurs qui m'accompagnent depuis le début de la tournée sont en train de réaliser le prologue de cette histoire et dans quelques secondes, je devrais faire mon apparition sur la scène.

Dans huit temps.

On respire, on se concentre tout en faisant abstraction de tout notre entourage. Un baiser déposé sur mon front par Estelle, je me place à la deuxième coulisse côté cour et entre en enchaînant les pas répétés. Pas de bourré, sauts, déboulés.

Cinq, six, sept et huit.

J'arrive à ma place et me place en cinquième position. Respire Laurel, respire. Tu as déjà affronté un public bien plus vaste que celui-ci. La musique marque une pause et reprend dans la seconde qui vient, je me lève sur mes pointes et commence à danser. Les comptes dans ma tête résonnent et ils se trouvent être les seuls points de concentrations qu'il me reste. L'étouffement de tout à l'heure commence à refaire surface, une boule se forme dans ma gorge et je dois serrer les dents pour me convaincre de ne pas la laisser sortir de ma bouche. Mon sourire faux collé sur mon visage, je termine la première scène à bouts de forces et je patiente jusqu'à ce que ma sortie se fasse côté jardin d'un jeté. Estelle m'attend, un seau à côté d'elle, sans attendre plus longtemps, mon estomac fait ressortir tout ce que j'ai pu avaler au cours de la journée.

- Je... je vais pas pouvoir, je gémis en me laissant tomber contre la rambarde qui me soutient et qui me permet de ne pas tomber de la scène.

- Non non non, déclare Estelle en m'aidant à rester debout à son tour. Je vais m'écrouler j'en ai conscience, mais je ne peux pas. Elle a raison, je me suis engagée à terminer cette tournée, il ne me reste que cette scène où danser et ensuite je serais tranquille pour plusieurs mois.

- Qu'on lui apporte de l'eau s'il vous plaît ! Allez ma belle reprends toi, ça va bien se passer.

*

Une heure et demie de souffrance intense plus tard, le public nous acclame. Une dernière danse, une dernière et j'ai terminé. Inspiration, je me replace au centre de la scène et patiente le temps que la musique se déclenche. Bien que nous ayons ré inventé Aurore et toute l'histoire de ce conte, il serait bête de ne pas se rappeler ce qu'il est à l'origine. C'est donc pour cela que la bande son du disney la belle au bois dormant retentit dans la salle. Je suis d'abord seule sur la scène, puis peu à peu, tous les autres danseurs et danseuses qui m'ont accompagnés se joignent à moi. Je sens la fin approcher, et lorsque la dernière note résonne, je monte sur mes pointes tandis que tous mes accompagnateurs sont à mes côtés dont deux qui m'apportent leur aide pour tenir plus longtemps que prévu.

Un grand silence s'abat sur la salle.

Puis une triomphe s'en dégage.

Nous pouvons enfin tous nous relâcher et respirer. Le temps de la révérence a sonné et je suis la première à m'incliner face à tout ce monde en délire. Je dois l'avouer, cela m'a manqué. Toute cette euphorie, cette joie et cette fierté d'avoir régalé le public. La directrice de l'académie s'avance avec un micro à la main et s'apprête à nous délivrer un speech du tonnerre.

- Mesdames et messieurs, je suis Madame Craig, la directrice de cette académie. C'est un véritable honneur pour nous de recevoir Laurel Miller et toute sa troupe dans notre école. C'est un bien beau spectacle qu'ils nous ont offert et cela nous a montré le fruit des efforts, des sacrifices et des années de travail qu'ils ont tous fournis pour leur vocation. Souhaitez vous dire un mot ?

Accorde moi cette danseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant