22| vérité amère

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                             Le lendemain de notre entrevue avec Bastian et nous ne nous sommes toujours pas reparlés. Je me suis réveillée avec une nausée qui me rappelle de mauvais souvenirs... Je n'ai pas le cœur ni l'envie de manger quoi que ce soit, c'est pour cela que je m'habille directement et attends sagement Estelle en me balançant dans mon fauteuil suspendu, dans l'ancienne salle de danse. Tournant sur lui même, j'ai l'impression d'effectuer une pirouette si lentement que ça m'en ferait presque mal, pourtant je suis bel et bien assise au fin fond du coussin qui recouvre l'osier. Je ferme les yeux l'espace d'un instant, la nuit a été courte pour moi, d'autant plus que les insultes sur twitter ne s'arrêtent pas, elles s'amplifient même depuis l'article sur le "baiser" entre Isaac et moi. Les gens ont rallié ça avec les théories de mon potentiel couple avec Bastian, depuis c'est un peu plus hard. Je sens mon téléphone vibrer, je l'extirpe de ma poche et y lis un message d'Estelle me disant qu'elle m'attend dehors. J'enfile mon manteau, une écharpe et ferme la porte à clé.

Il pleut aujourd'hui, je déteste ça, ça rend la ville maussade. Mais ça reflète bien mon humeur d'aujourd'hui. Je culpabilise de ne pas avoir dit à Bastian ce que je voulais lui dire l'autre jour. Non, à la place, je l'ai laissé se rapprocher encore plus de mon cœur par pur égoïsme, parce que je n'étais pas capable de réfléchir rationnellement et ça m'agace au plus haut point parce que ça ne m'arrive jamais. Absolument jamais. Des larmes de frustration perlent au coin de mes yeux, je place mes doigts pour les empêcher de couler et me cache d'Estelle qui n'a pas décroché un mot. Les larmes que j'ai effacé à l'instant reviennent de plus belle et je répète mon geste pour éviter d'alerter ma meilleure amie mais c'était sans compter sur mes cordes vocales qui laissent échapper un son malgré mes lèvres scellées, la main d'Estelle vient se poser sur ma cuisse avant de trouver ma main. Les spasmes de mes sanglots viennent secouer mon corps et je ne peux plus m'arrêter. Aujourd'hui aurait dû être l'anniversaire de Lauron. C'est comme cela que Léon a nommé notre duo le jour où nous avons donné notre premier ballet à succès.

"Quelques jours avant le 31 octobre, comme ça on pourra fêter ça dignement le soir du 31 !"

Je sens le pouce d'Estelle caresser le dos de ma main pour me calmer mais ça ne marche pas. J'ai besoin de me vider de toute cette tristesse qui m'habite aujourd'hui. La voiture s'arrête et je me replie sur moi-même comme pour me protéger de la foule qui m'attend dehors. En, presque, position fœtale; je peine à respirer. Pourtant, je vais bien devoir sortir de la voiture au bout d'un moment, sauf que je doute d'en avoir la force. Tous ces commentaires que je prends en pleine face ces derniers temps, mes gestes et pensées irrationnelles, ma stupidité face à Bastian qui se montre si prévenant avec moi... je suis en train de vriller complet. Soudain, je sens ma main être posée sur le ventre d'Estelle et sens un mouvement au contact de son abdomen. Mon attention est déviée et mes sanglots se calment ne laissant place qu'à des larmes et des complaintes silencieuses. Un autre coup est porté et lorsque je me rends compte qu'il s'agit du bébé, de son bébé, je parviens à reprendre ma respiration. C'est comme si ce petit être me disait de me relever, de ne pas me laisser submerger par cette mer de souffrance qui s'abat encore et encore sur moi. Je tiens bon au milieu de cette tempête qui se déchaîne, sur mon petit rocher je peine à rester accrochée et pourtant je persiste. Je ne dois pas inquiéter Estelle, maintenant qu'elle m'a annoncé la nouvelle, son petit ventre de trois mois commence à se former, et je vais devoir faire attention à sa santé désormais.

- Pardon, pardon je...

- Sh... me répond-t-elle en me caressant la joue du dos de son autre main pour balayer mes larmes. Je sais, continue-t-elle en me souriant tristement, c'est un jour compliqué pour nous tous.

- Je n'ai pensé qu'à moi, je réponds d'un ton rempli de culpabilité, encore une fois...

- Sèche tes larmes, ça va aller...

Accorde moi cette danseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant