Nous nous installons dans sa chambre. Elle est simple et à son image: Un double lit collé au mur, près de sa fenêtre. Un bureau à l'opposé, avec une chaise et une grande bibliothèque à côté. Le tout est coloré avec du bois clair pour la plupart des meubles, et de bleu clair pour ses rideaux et ses draps. Sa penderie est incrustée dans son mur et est cachée avec une porte coulissante blanche. Ses murs sont blancs sauf celui qui porte la fenêtre; ce dernier est bleu marine. Tout est propre, même son tapis à motif au sol semble neuf.
Je suis déçue de Joshua. Et énervée contre moi-même: depuis quand je parle de ma famille à des inconnus ?! Maintenant qu'il sait ça, il va vouloir en savoir plus... Je n'ai pas envie d'avoir à me justifier ! Ma vie, mes problèmes. C'est tout, il n'a rien à savoir. J'attrape mon sac, l'ouvre et sors ma pochette où j'ai regroupé mes notes pour notre exposé. Il s'installe sur son lit tandis que je me mets à son ordinateur qu'il a déverrouillé. J'ouvre un fichier PowerPoint et marque notre titre.
—Tu veux quelque chose à boire ?
—Une limonade si tu as, s'il te plaît.
—D'accord je reviens.
Il ressort de sa chambre et j'avance la première diapositive. Je télécharge des images lorsque la porte se ferme. Je ne relève pas la tête et continue mon travail. Un verre se pose sur le bureau, je le prends sans quitter des yeux l'écran.
—Merci.
Je bois une gorgée et m'apprête à reprendre l'écriture de mon texte, mais une main repousse une mèche de cheveux derrière mon oreille. Je tourne la tête et découvre Mason, sur un tabouret, penché vers moi. Son regard vert me transperce, je me fige. Il caresse ma joue, sûrement toujours rouge et marquée.
—Qu'est-ce-que tu fais ? Dis-je dans un souffle.
Mon regard dérive vers ses lèvres, dangereusement proches des miennes. Je me reconcentre sur son regard.
—Il faut la soigner.
—Ce n'est rien.
Je détourne la tête et fuit son regard. Sa main fait tourner la chaise par le siège et vient se poser sur ma cuisse. Je frissonne, pour son contact est-il si... étrange ?
—Viens.
Il prend ma main et m'entraîne dans le couloir, puis dans une salle de bains. Somme toute petite, mais efficace. Je suis surprise par ses bras, qui emportent et me déposent sur le plan de travail, dont il a poussé les affaires sur le côté. Il ouvre le placard mural à côté de ma tête: au-dessus du lavabo. Il sort une compresse qu'il déballe et y met du désinfectant. Les bagues de ma mère m'ont fait quelques égratignures mais pas de quoi en faire autant. Elle était furieuse car les affaires de la chambre de mon frère avaient été déplacées. Et il est vrai que j'ai amené à Jeremy une peluche à l'hôpital, mais apparemment, ça a été assez pour qu'elle s'en prenne à moi. Mason continue de sortir tout son grand attirail. Je m'apprête à répliquer mais il me jette un regard désapprobateur, à glacer le sang. Je le laisse nettoyer ma joue. Tous ses mouvements sont délicats et précis. Mon souffle s'est bloqué depuis que mon regard a dérivé à la contemplation de son visage. Ses yeux fixent ma joue, sa mâchoire n'est plus aussi marquée que dans la voiture, où il devait serrer les dents, ses lèvres sont rosées et...
Je cligne des yeux plusieurs fois pour me ramener à la réalité. Mason pose sa main sur ma joue valide pour m'inciter à tourner le visage, je m'exécute. Il garde sa main et sa chaleur me fait fermer les yeux. Je me sens bien, en sécurité. Pour une fois je n'ai pas le poids de mes émotions ou de mes secrets. Il applique une pommade tandis que je me rends compte de ce que ma tête fait refouler à mon cœur depuis cet été.
Une larme glisse, du côté où Mason me soigne. Je lève ma main pour l'essuyer rapidement mais je sens ses lèvres sur ma joue. Là où la goutte coulait, se sont les lèvres de Mason qui sont à présent posées. Il se détache, et je sens immédiatement le manque de ce contact. Sa seconde main vient se poser sur ma joue, à présent soignée. Il a mon visage en coupe et me force à le regarder. Il essuie mes larmes de ses pouces et me dit d'une faible voix:
—Parle moi, montre moi ce que tu ressens Oly. Appuie toi sur moi, tu en gardes trop en toi pour le supporter.
C'était la phrase de trop, mon cœur explose et mes larmes ruissellent. Je suis prise de spasmes violents et je peine à trouver de l'air entre mes larmes. Mason me serre contre lui. Ses deux bras me tiennent contre lui. Les miens se sont enroulés autour de son cou. Ma tête est cachée dans son cou. Il a réussi. Il m'a fait craqué. Je le sens alors me porter, mes jambes s'enroulent à son bassin. Ses mains ne bougent pas et me maintiennent contre son torse. Mes sanglots ne s'arrêtent pas, contenus depuis trop longtemps.
Il s'assoit sur son lit et m'assoit sur ses jambes. Il me berce et passe ses mains dans mon dos. J'ai toujours la tête dans son cou, et mes bras me tiennent à ses épaules. Je reprends peu à peu le contrôle. Mes spasmes se calment mais persistent, mes larmes cessent. Mason me décolle de lui et lève avec son doigt, mon visage vers le sien.
—Je suis là Oly, pour le meilleur comme pour le pire.
Je renifle et réponds d'une petite voix:
—Désolée... On devrait travailler. Pas gérer mes états d'âme.
—Arrête.
—C'est vrai, Mason. Tu n'as pas à voir ça, ce n'est pas ton rôle, c'est à peine si on est ami !
Ma remarque le blesse et il me dépose sur le bord du lit avant de faire les cents pas dans sa chambre. Il se tient la tête comme un fou. L'atmosphère a changé en un instant. J'essuie mes larmes maladroitement et essaye de trouver les mots pour rattraper ma bêtise. Il parle avant moi en plantant son regard dans le mien:
—'C'est à peine si on est ami' ?! Parce que te servir de moi pour faire fuir ton ex ça ne fait pas de moi ton ami ?
—Mason... C'est pas-
—Merde Oly ! Merde ! J'essaye, je te jure que j'essaie ! T'es une putain de casse-cou et j'ai du mal à te suivre ! Tu ne te rends pas compte de ce que tu portes sur ta conscience !
Il est furieux. Je ne l'ai jamais vu comme ça, lui qui était doux comme un agneau il y a quelques minutes: j'ai vraiment dû le vexer...
—Ne parle pas de quelque chose que tu ne connais pas...
Ma voix est un murmure.
—Oh je t'en prie ! J'ai pas besoin d'avoir un diplôme en psychologie pour savoir que ce genre de comportement ne te mènera qu'à des pratiques malsaines ou au suicide !
Je sursaute à ces mots. Mason le remarque et son regard vire au noir. Il s'approche de moi et s'agenouille devant moi. Ma tête est baissée. J'ai les yeux qui piquent à cause des larmes. Ces dernières reviennent.
—Oly... Qu'est ce que tu as fait ?
—Rien.
Il ne me croit pas. Ses mains viennent prendre ma main droite. L'une maintient mon bras tendu et l'autre remonte peu à peu la manche. Malheureusement pour moi, les cicatrices datant d'août n'ont pas disparu.
Alors que j'étais au fond du trou, j'ai essayé. C'est vrai. Mais j'ai vite arrêté. Ce n'était pas bien pour moi, et je voulais m'en sortir. Je l'ai fait. Puis lorsque j'ai rencontré Ayden, j'ai su que j'avais surmonté cette période. Personne n'a jamais su, dès la rentrée, tout était devenu invisible. Il faut regarder de près pour les voir. Mason serre ma main et remonte la manche de mon autre bras. Il ne reste presque rien: seulement des cicatrices blanches ici et là mais rien de vraiment impressionnant.
—Dans ton cas, je vois que l'automutilation a déjà été expérimentée...
—Mason...
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Grab My Hand (Auto-Publié)
Teen FictionBeaucoup disent que l'adolescence est la naissance de l'adulte que deviendra l'enfant. Autrement dit, la période la plus compliquée. Et pour Olympe, c'est une véritable bataille entre elle-même et le monde qui se livre. Après l'été qui a bouleversé...