Chapitre 1

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La vie est une garce. J'ai très vite appris à mes dépens que c'est mangé ou être mangé. Mon père est mort dans un tragique accident de la route quand j'avais 13 ans. Ma mère ne s'en est jamais remise. Physiquement, je ressemble énormément à mon père. Mes cheveux sont noirs comme étaient les siens. J'ai les yeux verts de ma mère, mais leurs formes et leurs expressions me viennent de mon père. Tout comme mon sourire.

Je pense que c'est pour ça qu'il était aussi dur pour ma mère de me regarder. Après la mort de mon père, ma mère ne me regardait plus. Vu son état, je pense aussi que les rôles étaient inversés. Alors pendant plus de deux ans, j'ai pris soin d'elle. Quand j'ai eu 16 ans, un jour, je suis rentrée du lycée et j'avais trouvé l'appartement vide. Ça m'avait frappé direct, ma mère ne sortait jamais. Et puis j'avais découvert un simple mot accroché sur le frigo : "Désolée". C'est tout ce qu'elle m'avait laissé. En partant, elle avait même embarqué le contenu du réfrigérateur.

Malheureusement pour moi, l'argent laissé par mon père a fini par se tarir. J'avais pris mes vêtements, vendu tout ce qui avait un peu de valeur et pris un bus direction la Floride. Voilà comment ça se fait qu'à l'âge de 19 ans, je vis seule dans la rue. Quand j'ai quitté le Vermont, il y a trois ans, je me disais que je prenais très bien soin de moi par moi-même depuis un moment et que je n'avais aucune envie de me retrouver en foyer. Par moments, il m'arrive de me demander si c'était la bonne chose à faire. Enfin, soyons honnête, je me pose cette question tous les jours... Je me la pose tous les matins en me demandant où je vais passer la nuit...

Pour survivre dans la rue, il ne faut pas avoir peur et le crâne dur. Je sais de quoi je parle. Durant un temps, enfin, deux mois, j'ai eu une certaine stabilité, j'avais trouvé un petit boulot de croupière dans un casino clandestin, mais un soir les flics ont fait une descente et l'ont fermé. Sinon, pour avoir de quoi manger, je fais des combats dans ces matchs, il n'y a aucune règle, tous les coups sont permis. Mais lors de mon dernier combat, mon adversaire m'a carrément écrasé.

Étant HS pour les combats, il me reste trois solutions pour me trouver de l'argent sans avoir à faire la manche comme la clodo que je refuse avouer d'être. Option 1 : trouver un job, pas évident quand on est étiqueté comme SDF qui doit se laver avec les douches de la plage de Miami Bach. Option 2 : voler, chose que je déteste faire, de plus, c'est loin d'être mon terrain d'excellence. Option 3 : celle que je hais le plus, donner de ma personne, et par là, je parle de mon corps.

Lors de mon arrivée à Miami, je me suis prostitué pendant six mois. Je me détestais de faire ça, mais j'avais à tout prix besoin d'argent et à l'époque, je ne savais pas me battre et je n'avais que cette solution pour me faire du fric. Et un jour, je suis tombée sur un mac qui voulait que je rentre dans son réseau et je l'ai envoyé se faire foutre. Je peux vous dire qu'il n'avait pas aimé. J'avais passé trois jours à l'hôpital. Et dès que j'avais pu, j'ai filé à l'anglaise de l'hosto. De toute façon, je n'avais pas quoi payer mes frais. Et j'avais décidé que ça ne m'arriverait plus. Je m'étais trouvé un squat près d'une salle de boxe. Et tous les soirs, je me glissais à l'intérieur avant la fermeture et je m'entraînais une bonne partie de la nuit avant de me barrer avant l'ouverture.

Alors option 1, 2 ou 3... Commençons par la 1. Je rassemble mes forces et devant la devanture d'une boutique tente de me rendre présentable avant de me présenter dans un restaurant où il y a un panneau "help wanted".

??? : bonjour, je peux vous aider ?

Moi : je suis à la recherche d'un travail. J'ai vu sur la devanture que vous recherchiez du personnel ?

??? : en effet, nous recherchons des serveuses, mais vous n'avez pas les... Vous ne répondez pas à nos... Critères de sélection.

L'homme me regarde de haut en bas. Il a une moue dégoûtée en voyant mes vêtements qui ont plus que fait leurs temps. Et mes cheveux rassemblés à l'arrache en une queue de cheval. Et en même temps, je vois bien, cet éclat lubrique dans ses yeux au moment son regard s'arrêtent sur ma poitrine généreuse. Je tourne les talons, amère, même si je m'y attendais.

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