Épisode 44 : Partie une.

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Il paraît que c'est reparti entre Teito et Ren ?
—C'est ce qu'il faut croire.
Tant mieux. Ils sont faits pour être ensemble ces deux là.

Comme chaque soir, je suis au téléphone avec ma sœur. Haruka est actuellement à Dubaï pour un important shooting photo. Mais trop attachés l'un à l'autre, on ne passe pas une soirée sans s'appeler.

Et alors, avec Keno ?
—Eh bien...

En ce moment, c'est un peu difficile. Après des années passées ensemble, notre couple bat un peu de l'aile. De plus, je suis très pris par mon travail et lui par ses études. Keno a de plus en plus de mal à supporter mon ascension, pensant que je m'éloigne de lui. Mais tout ce que je fais, c'est pour nous. J'ai même acheté cette bague pour lui demander sa main mais je n'arrive pas à la lui donner. Je ne trouve jamais le bon moment.

Ca va aller, m'encourage Haruka par téléphone.

Je sais que nous nous aimons encore avec Keno, mais c'est difficile d'entretenir la flamme quand lui hésite à ce point. Combien de temps s'est écoulé depuis notre dernier baiser ? À quand remonte son dernier sourire et je t'aime ? Je ne pourrais même plus dire la dernière où on l'a fait... j'ai l'impression que Keno me déteste.

Depuis ma tendre enfance, je prête image aux plus grandes marques. Si pour moi c'est plus qu'un métier, Keno lui commence à en avoir plus qu'assez. Je peux le comprendre. Depuis que nous vivons sous le même toit, nous ne passons plus de temps ensemble. À la fac, c'est le seul endroit où il peut être tranquille. Mon travail me prend tout mon temps c'est vrai, mais Keno aussi est très occupé. C'est sa dernière année avant son concours pour devenir professeur.

Keno est encore amoureux de toi, Sosuke.
—Parfois, j'en doute...

Si seulement...

Ma sœur tente de me réconforter mais elle n'y parvient pas. Je préfère raccrocher après l'avoir salué que de lui faire perdre son temps avec mes histoires. Dans la voiture de mon chauffeur, je regarde la ville qui semble suspendue par le temps. Les feux prennent du temps à passer au vert, les piétons à traverser la route et la pluie à tomber du ciel. J'ai beau chercher des solutions, j'ai surtout l'impression que c'est inutile. Malgré tout, je prends l'initiative d'envoyer un SMS à Keno qui m'attend à la maison.

Je souffle désespérément en attendant sa réponse, mais je m'assoupie sur le trajet.

J'arrive devant le paquet de la porte après être sorti de l'ascenseur. Nous habitons ensemble depuis la fin du lycée et si au début notre idylle ressemblait à celle de jeunes mariés, tout est différent quand on est adulte.

Je paie intégralement les charges puisque Keno ne travaille pas. Ses parents qui ont fini par accepter notre relation financent ses études. Une fois à l'intérieur, il ne vient pas m'accueillir. Nous sommes en froids et petit à petit, nous nous perdons de vue. Mais Keno fuit incontestablement la confrontation pour se murer dans le silence. Il lui arrive de quitter notre lit pour aller se coucher sur le canapé. Nous sommes à un point de non retour tous les deux et je sens la rupture se proliférer au loin.

Une énième fois, je mets ma fierté de côté pour faire le premier pas. Devant la télé, c'est à peine s'il me répond. Je prends sur moi et enlève le surplus de vêtements pour me mettre à mon aise. Tous les jours malgré tout, il me laisse une assiette de côté que je réchauffe. Je m'installe seul à table pour regarder Keno depuis la cuisine ouverte. Je réalise qu'il m'attend. Je suis peut être un peu trop dur avec lui.

Si Teito croit que la fin du monde lui tombe sur les épaules, il se trompe. Lui a la chance de pouvoir renouer avec son amour de jeunesse. Pour Keno et moi, nous sommes surtout au bord de la rupture. Je pensais que notre amour était plus fort que tout, ce n'est pas faute d'avoir essayé. Si je n'ai pas envie qu'on se sépare, j'y songe depuis un certain temps.

Une fois le repas terminé, je décide d'aller me coucher en premier. Mais en voyant le calendrier sur mon bureau, je découvre que demain, je ne travaille pas. Un éclair traverse mon esprit en constant que c'est aussi, la Saint Valentin. C'est l'occasion ou jamais de tenter une approche avec Keno et d'organiser quelque chose rien que pour nous deux. Je m'installe sur mon siège de bureau et me met sur l'ordinateur pour faire des recherches. Si les repos sont rares dans mon boulot, pas question de me reposer ! Plus d'une heure passe quand Keno me rejoint, surpris de me voir encore éveillé.

—Tu ne dors pas ?
—Non, réponds-je à Keno.

Silencieusement, on se regarde. Je le trouve toujours aussi beau avec ses cheveux roses. Mon cœur n'a jamais cessé de battre même si entre nous rien ne va plus. Mais je veux y croire, alors doucement, je lui fais signe de s'approcher. Sans réfléchir, il s'exécute et vient s'asseoir sur mes cuisses pour regarder ce que je fais.

—Étant donné que demain je suis libre, je me disais qu'on pourrait passer un peu de temps tous les deux ?

Mais il tourne le regard en se levant. Notre étreinte n'aura durée qu'une seule et misérable seconde.

—Je suis désolé, mais je suis déjà pris demain. M'avoue-t-il. Et j'ai bientôt mes partiels.
—Quoi ?
—Je pars me coucher.

Quand il s'apprête à gagner le lit, je le rattrape par le poignet. Et même s'il demande de le lâcher, je ne cède pas.

—Pour une fois qu'on se retrouve, comment peux-tu me faire ça, Keno !?

La colère me gagne mais je lâche son poignet pour ne pas me laisser aller et le blesser. Il finit par retirer ses lentilles avant de se glisser sous les draps.

—Je ne suis plus à ta disposition, Sosuke. Bonne nuit.

Merde, fait chier ! Je serre des poings avant de décolérer. J'éteins mon ordinateur, prends mon oreiller et m'en vais de la chambre pour dormir dans le salon.

***

Mon réveil sonne dans le salon quand le soleil se lève. Pour la première fois, j'ai pris l'initiative de ne pas m'endormir à ses côtés, encore vexé par son attitude. Mais il n'a pas tort, je ne peux pas lui en vouloir. Je n'ai pas le droit de m'imposer alors que je ne suis jamais là pour lui. Mais je regrette que nous n'avons pas pu parler plus longuement tous les deux. Peut-être devrions-nous prendre de la distance pour réfléchir chacun de notre côté ? J'y pense de plus en plus, nous ne pouvons pas continuer comme ça tous les deux.

Je laisse le sujet de côté et me fais un café pour me réveiller. J'allume la télé et tombe sur le journal du matin qui évoque la sortie de la série.

—Quel égoïste je fais, me dis-je à moi-même.

J'éteins la télé et me laisse tomber sur le canapé sans savoir quoi faire de ma journée. Comme Keno a déjà des choses de prévues, je pense en faire de même. Mais cela fait une décennie que je n'ai pas eu de temps pour moi alors je ne sais par où commencer.

Il est encore tôt alors j'en profite pour faire le ménage. Dans la chambre, je m'aperçois que Keno a oublié son téléphone sur le bureau. Si à la première vibration, je n'y touche pas, je le prends en main quand il vibre de nouveau. En déverrouillant son écran, je réalise qu'il à reçu un message de la part d'un autre homme. D'après le message, il... il lui confirme un rendez-vous d'aujourd'hui.

Je commence à comprendre pourquoi Keno est si distant avec moi. D'après ces messages, ils se voient dans... dans mon dos.

Je n'avais jamais pensé à faire une chose pareille alors que les occasions ne manquent pas dans mon métier. Pris au dépourvu, je n'ai même pas la force de m'effondrer devant cette évidence.

TROP GRAND POUR MOI ! (2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant