S'il suffisait

Épilogue 🟡

Jadae

12 janvier 2020

Je marche à travers les allées silencieuses, presque à l'aveugle tellement c'est devenu une habitude de venir ici.

Depuis début décembre, je viens régulièrement, c'est devenu une sorte de routine de venir dans cet endroit quand je me sens noyé par mes émotions.

Au départ, je ne voulais plus poser un pied ici, mais les choses ont changé quand je me suis rendu compte que ça m'aidait.

Au début du mois de décembre, j'ai eu une sorte de craquage, je n'arrivais plus à faire semblant et sans réelle raison, je suis venue ici et j'ai lâché tout ce que j'avais sur le coeur. À ma grande surprise, je me suis sentie mieux le lendemain. Comme apaisée, comme débarrassée d'un poids qui pesait lourd sur mes épaules, mon esprit et mon cœur.

Depuis ce jour-là, je viens assez souvent. Et plus je viens, plus je me rends compte que je me sens mieux. Alors bien évidemment, la tristesse et la douleur sont toujours présentes, mais ça apaise mon esprit de venir me livrer ici.

Je ne suis pas quelqu'un qui aime parler de ce qu'elle ressent, mais ici, je lâche tout, ma carapace tombe. Et ça me soulage, je crois même que ça m'aide à guérir.

C'est peut-être que c'est parce que j'ai l'impression qu'il m'écoute ? Je n'en sais rien, tout ce dont je suis sûr, c'est que venir ici, même sans forcément parler m'aide.

J'arrive enfin devant sa stèle et comme toujours je m'assoit devant en tailleur.

-Désolée, je suis en retard, je serais bien venu plus tôt, mais je pense que tu comprends que les deux derniers jours ont été speed, je lance en posant une couronne de fleurs devant sa pierre. Ton album est enfin sorti, et même si ça ne fait que deux jours les réactions sont majoritairement positives. En même temps, il est vraiment incroyable alors ça ne m'étonne pas. On a fait une fête pour l'occasion, tous tes proches étaient là, c'était une jolie fête. J'aurais vraiment aimé que tu sois là pour voir ça. Ça t'aurait plu, c'était à ton image, simple. Ta maman est très fière de cet album, elle a fait un discours super émouvant, te connaissant t'aurais certainement lâcher une larme ou deux, je dis dans un petit rire en séchant moi-même une larme suis est échappée de mes yeux. J'aurais vraiment aimé que tu sois là pour voir ça, ça t'aurait plu... Mais, mais je sais que c'est impossible, et même si ça me rend triste, je crois que je commence à l'accepter... C'est encore difficile, mais heureusement, nous somme tous soudés les uns avec les autres et on arrive à se relever ensemble. Je sais que c'est ce que tu aurais voulu, j'espère que ça te fait plaisir de savoir qu'on arrive tous petit à petit, à sortir des abysses dans lesquelles tu nous a tous involontairement plongé... Tu sais, on a tous compris que... Qu'il fallait qu'on avance pour honorer ta mémoire. Parce que c'est ce que tu aurais souhaité. C'est difficile et je doute qu'on en voit le bout tout de suite, mais avec le temps, on y arrivera. J'en suis sûre...

Mon téléphone sonne ce qui me coupe. Je souffle en le sortant de mon sac. Doums. Il attendra. Je mets mon téléphone en mode avion et me re concentre sur la pierre.

-Comme par hasard, c'est ton acolyte de toujours qui m'appelle ! Il est chiant quand même. Je l'adore, mais il est chiant, il choisit jamais bien son moment. Je ne sais même pas ce qu'il veut encore. Mais bref, je sais plus ce que je disais du coup... Ah si ! Je disais qu'on allait tous réussir à se relever avec le temps, même si ça doit prendre plusieurs mois, on y arrivera. J'ai déjà dû te le dire, mais ça me fait du bien de venir ici, ça m'aide à extérioriser ce que je ressens. Tu me connais, tu sais que je n'aime pas trop dire ce que je ressens ici, je lance en touchant mon cœur. Mais être là, c'est apaisant parce que je sais que tu ne me jugeras pas, même si techniquement t'es physiquement pas là, fin t'as compris. Mais ouais, j'ai l'impression d'être avec toi, alors je me sens déjà mieux. Puis comme je te l'ai dit avant que ton con de pote ne me dérange, on essaie tous d'avancer. D'ailleurs, dans une vingtaine jours je part avec Ken, Naomie et toute l'équipe de tournage pour réaliser Sundance, j'ai hâte de tourner ça, même si j'appréhende un peu, puisque c'est le premier clip que je vais faire pour toi sans que tu sois là. J'espère qu'il te plaira, je vais faire tout mon possible pour que tu en sois fier de là où tu es, je le promets. Pour continuer sur la lancée du boulot, je bosse sur pas mal de chose depuis début janvier, j'ai repris sérieusement le boulot et en vrai ça me fait du bien, ça m'avais manqué. Je l'ai dit à personne encore, mais je réalise la pochette du prochain album de Laylow, il sort fin février normalement. Il m'a contacté un peu en panique parce que celui qui devait initialement faire la pochette a eu un accident. C'est triste pour lui, après pour moi, c'est quand même un truc de dingue faut se le dire. Malick m'a aussi demandé pour réaliser sa pochette, son album est supposé sortir en avril donc j'ai encore un peu de marge. Mais tout ça pour dire que je bosse de nouveau à fond, comme... Comme avant et ça m'aide aussi beaucoup, mon esprit n'est pas tiraillé quand je suis concentré sur quelque chose. C'est agréable de ne pas penser à la tristesse. Tu sais, je crois que je commence réellement à sortir du gouffre dans lequel j'étais. Je ne t'oublie pas, car je ne pourrais jamais le faire, tu seras à jamais dans mon cœur et dans mes souvenirs, mais j'ai l'impression que j'arrive peu à peu à surmonter le fait que tu n'es plus là. La route est encore longue, j'en suis consciente, mais j'ai le sentiment d'avoir déjà réussi à franchir la première grosse marche et d'un côté ça me donne de la force pour la suite. Je vais réussir, avec le temps. Un jour, j'arriverai à remplacer la tristesse et la douleur par la fierté et la chance de t'avoir eu dans ma vie. Le soleil se couche, je vais rentrer parce que Mehdi nous invite à manger Julian et moi ce soir. Oh ! Il est déjà 19h, ça passe trop vite, je dis en regardant mon téléphone. Bon, je vais y aller, je reviens bientôt de toute manière, j'amènerai un bouquet de tes fleurs préférées parce que là, je n'ai pas eu de chance il n'y en avais plus. Mais bref, je reviens bientôt, tu me manques chaque jour et je t'aime mon frère... Je dis avant de me lever.

Je secoue mon pantalon rapidement pour que les petites saletés tombent avant de regarder la sépulture de mon ami, un petit sourire triste sur les lèvres.

-Je t'aime, jusqu'à l'infini.

Je lance un dernier regard à son nom et me retourne pour sortir du cimetière, à nouveau plus légère qu'à mon arrivée. J'arrive dans le parking où j'ai laissé mon skate. Je le récupère, mets mes écouteurs et l'album fabuleux de mon ami et commence à rouler, un peu plus apaisé que la veille.

Comme le dit si bien Ken : « Maintenant, je m'accroche à la lumière quand les nuages sortent. »

Et t'inquiète pas Clément, c'est ce que je vais faire.

Fin