Soirée entre filles

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« Do you ever feel like a misfit ?
Everything inside you is dark and twisted
Oh, but it's okay to be different
'Cause baby, so am I
Do you ever feel like an outcast ?
You don't have to fit into the format
Oh, but it's okay to be different
'Cause baby, so am I »

So Am I — Ava Max

          DJ Alex instaura une ambiance d'enfer sur la route du retour. Le son de sa musique pulvérisa au loin le souvenir mélancolique de notre visite au cimetière.

Nous chantâmes à tue-tête sans nous soucier ni du ridicule ni de la pluie qui allait sûrement finir par se déverser sur nos têtes.

J'étais bien entourée et c'est tout ce qui comptait.

           Alex freina devant le lotissement de William. Je sortis de la voiture pour lui dire au revoir. Je le remerciai de m'avoir accompagnée et de ne pas m'avoir ricané au nez.

Il sembla étonné comme si mon besoin de me confier à mes défunts parents lui paraissait normal. Je n'avais pas l'habitude de ce genre de réaction, car Antoine, lui, ne cessait de crier au ridicule lorsque j'osai parler de mon père et de ma mère.

Ça faisait pourtant tellement de bien de se sentir comprise et respectée, juste ça, tout simplement.

Alors, pour le remercier, je l'embrassai tendrement. Ses lèvres effleurèrent les miennes reconnaissantes. Mais quelque chose n'allait pas dans ce baiser : une sensation d'étouffement qui faisait anormalement battre mon cœur.

Je sentis mes entrailles se comprimer, retournées par une odeur anormale de soufre. Un liquide chaud et humide fraya son chemin sur ma langue, jusque dans ma tranchée. Alarmée, je m'éloignai de William et fus immédiatement secouée par l'horreur de la situation.

Son visage, consumé de spasmes, était d'un blanc cadavérique. Du sang s'écoulait à flot de sa bouche. Des bleus, il avait des bleus de partout.

Je me précipitai sur lui pour lui venir en aide, perdue, dans l'incompréhension totale. Je me mis alors à hurler comme une dératée, complètement dépassée par la tournure des événements. Je ne pensais plus qu'à une chose, faire stopper cette soudaine hémorragie. Il fallait que j'y parvienne. Sinon ? L'issue serait probablement fatale.

J'eus l'impression horrible de le voir dépérir dans mes bras, une impression d'impuissance plus douloureuse que ce que j'avais pu ressentir jusqu'alors.

À deux doigts de l'évanouissement, j'osai enfin le regarder dans les yeux. Puis, aussi soudainement qu'il était arrivé, le mirage s'évapora.

Le visage de William retrouva sa fraicheur, ses expressions, sa vie. Je clignai des yeux, encore perturbée par la violence de ma vision et m'assis un instant sur le sol.

Je ne fis même pas attention à l'agitation que j'avais créée autour de moi trop bouleversée pour exprimer quoi que ce soit.

— Tu saignais énormément, finis-je malgré tout par articuler en indiquant William du bout des doigts.

           Il fut le premier à réagir, un peu plus habitué à l'étrangeté de mes visions. Il m'aida à me relever et chercha à en savoir plus. Il me rassura ensuite, m'indiquant qu'il s'agissait juste de ces « connasses de visions » qui continuaient de me harceler et qu'il ne lui arriverait rien.

— Arrête de t'inquiéter pour moi et elles cesseront, me somma-t-il.

          Je vis Alex hocher la tête en accord avec les paroles de mon compagnon. Il semblait perdu, se rendant enfin compte de l'ampleur des dégâts faisant rage dans mon crâne.

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