Le noir total

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« No fair
You really know how to make me cry
When you give me those ocean eyes
I'm scared
I've never fallen from quite this high
Falling into your ocean eyes
Those ocean eyes »

Ocean Eyes — Billie Eilish

          Il avançait encore, toujours, mais je n'osais pas le toucher. Will tendit la main pour effleurer doucement mon visage, mais je ne sentis rien. Comme si une force l'en empêchait. C'est alors qu'apparut une vitre, une vitre si transparente que je ne l'avais pas remarquée plus tôt.

J'essayai de la briser, de toutes mes forces, mais rien à faire : le verre ne cédait pas.

De l'autre côté de la fenêtre le regard de William s'était assombri, plus un rayon de malice ne brillait dans ses yeux où je ne voyais que peine et haine.

— Je pars, articula-t-il.

          Je secouai la tête et frappai de plus en plus fort ne pouvant me résigner à le laisser filer.

— Laisse-moi, ça ne sert à rien. Tout est perdu d'avance, continua-t-il. Il n'y a plus rien à dire.

         « Jamais ! » voulus-je crier, mais mes lèvres sèches et tremblantes ne purent se résoudre à s'entrouvrir pour prononcer ces mots, malgré la force de ma volonté.

Je plaquai alors mes mains sur la vitre, le front contre la froideur du verre, le plus proche de lui que je le pouvais. William me regarda enfin. Il plaça la paume de ses mains à la hauteur des miennes et plongea ses yeux dans les miens.

Il avait l'air brisé, mais je ne pouvais plus rien y changer.

— Tu aurais dû comprendre, murmura-t-il tandis que de la buée se formait sur la glace au fil de ses paroles. Tu devais me croire, je pensais que tu me croirais.

           Excuse-moi, voilà ce que je voulais hurler sans qu'aucun son ne parvienne à sortir de ma bouche.

Une sonnerie retentit alors, emplissant le silence du lieu où je me trouvais. C'est là que je remarquai la présence de gens autour de moi. J'analysai un instant le monde environnant comprenant enfin que je me trouvais dans une gare.

Le train commença à démarrer.

Je retournai mon attention sur Will, de l'autre côté de la glace, dans le train. Des larmes roulèrent sur mes joues, aussi lourdes que des perles d'hématite.

William ne me quitta pas des yeux lorsque le train commença à s'éloigner, il accrocha mon regard sans le quitter.

— Ne pars pas, parvins-je enfin à crier, me quitte pas, Will me quitte pas. Tu m'avais promis, t'avais juré de ne jamais me laisser tomber.

           Il baissa un instant les yeux comme s'il réfléchissait, mais lorsqu'il releva le regard je ne réussis à y lire qu'un mot, un seul mot « désolé ».

Je me mis alors à courir, courir, courir après le train pour ne pas le perdre de vue, la main sur la vitre, contre la sienne. Mes jambes devenaient lourdes, la fatigue s'emparait de chacun de mes muscles.

Alors ma main fut arrachée à la sienne.

Alors je me rendis compte que je l'avais perdu.

Je continuai de courir un moment sans jamais parvenir à le rattraper : le train était parti sans moi.

*

*            *

            C'est seulement lorsque j'ouvris les yeux le lendemain que je compris que je m'étais endormie. Ce fut un tel soulagement de comprendre que j'avais simplement rêvé que je faillis me mettre à rigoler comme une folle : Will n'était pas parti, pas encore.

ImpossibilitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant