Chapitre 12

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Fatigué, crasseux, blessé,  affamé et assoiffé. Il était dans un sale état. Cela faisait des mois qu'il ne se nourrissait que de racines et de petites baies. Il buvait dans les flaques d'eau. Et fuyait les pokemon, ainsi que les hommes. Ces derniers pensaient qu'il était encore dans la région de Sinnoh et continuaient de ratisser les villes enneigées.

Il n'avait aucune idée du jour ou du mois qu'il était. Il lui semblait cependant que c'était une période de fête. La nuit, quand il se faufilait dans les ruelles pour échapper aux regards, il sentait de douces odeurs sucrées. Il avait même aperçut des décorations blanches dans les vitrines des boutiques pokemon.

Il était sûr d'une chose : il se trouvait dans la région de Johto. Comment le savait-il, ça, il n'aurait su le dire. Mais c'était la seule certitude qu'il avait.

Ses visions étaient devenues plus violentes et l'affaiblissaient. Elles se manifestaient la nuit, et il ne dormait presque plus à cause de cela. Il s'était réveillé un matin en hurlant, de peur et de douleur. De peur, car il avait vu avec une netteté effrayante la région de Hoenn plonger dans les ténèbres. C'était là-bas que tout commencerait. Là-bas que tout se déchaînerait en premier. De douleur, car à son réveil, il était couvert de blessures et de brûlures. Dans sa vision, il courait, éperdu, au travers du feu et des attaques. Il avait été touché plusieurs fois, mais jamais il n'aurait imaginé que ses rêves puissent le blesser dans la réalité.

 Il entendit un grondement sourd et sursauta. Il tendit une oreille. On aurait dit une eau déchainée. Curieux, il se guida au bruit et arriva au bord d'une falaise. Devant lui, la mer s'étendait à perte de vue. D'une couleur bleu foncé quand elle s'écrasait contre la roche, elle s'éclaircissait jusqu'à devenir blanche au loin, tout au loin. Une puissante odeur salée lui envahit les narines. Que cela faisait du bien !

Il sortit de sa torpeur en percevant un cri. Paniqué à l'idée d'être repéré, il fit volte-face. Puis il regarda avec étonnement la scène qui se déroulait sous ses yeux.

Une jeune fille se ruait au travers des bois. Elle boitillait mais était rapide. Juste derrière elle, les feuilles et les branches s'écartaient furieusement. Il frissonna. Un Arbok. Blessée, la jeune fille tentait de lui échapper. Tout comme lui, elle arriva au bord de la falaise, et se retourna pour faire face à l'ennemi. Il la regardait, hypnotisé par ses longs cheveux noirs dansant au vent. Son regard d'un bleu glacé le fit frissonner de nouveau. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas vu une aussi belle humaine.

Arbok la saisit par la jambe. Elle parvint à se dégager. Soudain, contre toute attente, elle sauta de la falaise. Arbok poussa un sifflement furieux, contrarié de voir sa proie s'échapper. Lui, il regardait avec angoisse la jeune fille, emportée par les vagues. Il fixait l'eau durant de longues minutes. Pourquoi ne remontait-elle pas ? Elle n'était tout de même pas... ?

Tout à coup, il vit quelque chose de sombre flotter. Un corps. Avant de réaliser pleinement ce qu'il faisait, il se jeta à l'eau lui aussi.

La mer était glacée. Le froid lui mordait le visage, lui brûlait les yeux. Luttant contre la douleur glaciale, il nagea avec difficulté vers la jeune fille. Le visage dans l'eau, elle était inconsciente. Incapable de flotter sans continuer d'agiter ses membres dans l'eau, il la saisit par le col avec ses dents et lui ôta la tête de l'eau. Essoufflé, les muscles endoloris, il continua de nager vers une petite rive légèrement surélevée. Il y déposa la belle humaine et s'affala, à bout de souffle. Elle respirait. Quel soulagement, elle respirait ! Il était heureux. Et profondément étonné de son propre geste. Pourquoi avait-il fait ça ? Il n'en savait rien, mais le bonheur de son action lui suffisait à passer outre cette question.

A contrecœur, il décida de s'éloigner de la jeune fille. Dès son réveil, elle serait certainement épouvantée de le trouver à ses côtés. Mieux valait pour lui qu'il parte.

Il remonta difficilement les pentes de la falaise. Incapable d'en escalader les parois, il avait emprunté un long chemin sinueux. Son ascension fut longue et douloureuse. Il sentait les blessures se rouvrir. Un liquide chaud glissait le long de sa jambe.

Arrivé en haut, il souffla. Il s'était vraiment affaibli ces derniers temps. Trop. Il marcha dangereusement le long du vide. Sa vue se brouillait, et une migraine commençait à assaillir son esprit. Il comprit qu'une vision se manifesterait bientôt. Il devait se trouver un endroit sûr le plus vite possible.

Au bout de quelques minutes pénibles de marche, il vit de grandes silhouettes apparaître. Il ne réalisa pas immédiatement ce que c'était. Puis il reconnut des humains. Quatre hommes. Il recula d'un pas mal assuré. Un des individus le héla. Affolé, il continua de reculer. Et chuta dans le vide. Il poussa un grand cri effrayé. Avant de sombrer, il vit deux des hommes plonger avec lui.

Quand il ouvrit un œil, il vit une humaine en blouse blanche penchée sur lui. Plein d'autres personnes s'affairaient autour de lui.

-Des bandages ! Et une compresse ! Il saigne encore.
-Il faut recoudre !
-Désinfectez d'abord.

Seuls ses yeux voulaient bouger. Le reste de son corps était paralysé. Il repéra une foule autour des médecins. Son regard tomba sur un jeune homme qui l'observait avec des yeux qu'il n'aurait su décrire. Ses prunelles étaient d'un vert intense, tantôt clair, tantôt foncé selon la lumière. Ses cheveux blonds encadraient son visage. Doucement, il s'approcha.

-Restez éloigné ! l'apostropha un des médecins.
-Je peux vous aider, rétorqua le jeune homme. J'ai travaillé dans un centre pokemon.

Il se pencha et posa une main douce sur sa tête.
-Absol ? Absol, je suis Lómion. M'entends-tu ?

Il sombra dans l'inconscience avant de pouvoir répondre.

Destins (livre 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant