Chapitre 3

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La nuit était glaciale. Sans pitié, le froid mordait chaque recoin de sa peau nue. Il n'en pouvait plus, ses jambes hurlaient de fatigue, sa gorge était sèche, horriblement sèche. Mais il ne devait pas s'arrêter de courir : si il le faisait, ils le tueraient sans pitié. Il pensa à sa camarade qu'il avait perdue quelques semaines plus tôt ; depuis, il ne l'avait plus revue. L'avaient-ils réellement capturée ? Il espérait que non. Les tortures qu'on subissait là-bas étaient si terribles que la mort apparaissait comme la plus douce des libérations. Mais si réellement elle était prisonnière, les chances de la revoir en vie étaient plus que minimes.

-Je le vois ! Là, entre les arbres !
"Merde !"

Il pensait les avoir distancés ! Il sentit la panique grandir dans le creux de son estomac : il ne pouvait pas aller plus vite, ses jambes supportant à peine l'effort qu'il leur imposait ; il n'avait plus aucun pokemon pouvant se battre pour les ralentir. La seule solution qui s'imposa alors à lui était de se cacher. Grimper aux arbres ? Non, il se ferait aisément encercler et il ne lui resterait plus aucun moyen de fuir. Il y avait un lac pas loin, mais par cette température, il entrerait en hypothermie en moins de deux minutes ; de plus, ses vêtements le feront couler. Non, il devait trouver quelque chose de malin, qui lui donnerait un sursis en cas de découverte...

Son esprit tournait à plein régime, mais demeurait vide de solution.

"Trouve quelque chose !"

Les hommes derrière lui criaient et se rapprochaient dangereusement. Ils cherchaient à le cerner. Il était traqué comme un animal.

"Sauve ta peau !"

Il trébucha et se rattrapa maladroitement à une branche qui se trouvait à sa hauteur. Ses jambes tremblaient, mais il se força à courir de nouveau. Il n'avait toujours aucune idée en tête. Rien, seulement son affolement le rongeant de l'intérieur.

"Allez, allez, ALLEZ !"
-On le tient !

Il s'arrêta brusquement en voyant surgir devant lui une ombre massive. Réagissant vivement, il fit demi-tour mais trop tard : deux autres silhouettes apparurent. Haletant, n'arrivant pas à retrouver une respiration normale, il laissa la panique faire place à la peur. Malgré le froid, il transpirait ; maintenant qu'il s'était arrêté, il sentit la faiblesse envahir tout son corps, l'empêchant de se mouvoir correctement. De l'aide, quelqu'un, quelque chose, n'importe quoi !

-Saloperie ! grogna un des hommes. Nous faire galoper ainsi dans les bois, tu vas le regretter !
"Au secours..."

Il se redressa brusquement, les yeux grands ouverts ; ses vêtements lui collaient à la peau à cause de la sueur. Il regarda autour de lui, mais aucune trace de ses poursuivants. Il se frotta les yeux et secoua la tête pour mieux reprendre ses esprits.

Encore ce rêve.

Les mains tremblotantes, il souleva sa couverture et décida de marcher un peu. Il jeta un coup d'œil à son amie allongée plus loin, près du feu éteint. On ne pouvait distinguer que sa maigre silhouette sous la couverture, ainsi que ses longs cheveux châtains cacher son visage. Il observa minutieusement les alentours. Rassuré de voir la forêt endormie et calme, il se détendit un peu ; cependant, son instinct lui soufflait qu'un danger approchait.

"Ce n'était qu'un rêve, calme-toi."

Il se répétait cette phrase sans cesse depuis quelques nuits déjà, mais cela n'apaisait pas ce sentiment de menace constant qui l'envahissait.

N'y tenant plus, il s'accroupit près de son amie et la secoua doucement.
-Réveille-toi, murmura t-il. Réveille-toi.

Elle râla et remua lentement, émergeant difficilement d'un profond sommeil. Deux yeux bleus et brillant le fixèrent avec contrariété.

-Qu'est-ce que tu veux ?
-Il faut qu'on parte.

Elle se redressa, mécontente.
-Quoi ? C'est une blague ?
-Non, il faut vraiment qu'on bouge.
-C'est encore ce rêve ?

Il se releva et commença à ranger ses affaires, sans répondre à sa question. Il sentit son regard dans son dos, et se prépara aux reproches.

-Je comprends que ça t'angoisse, mais il ne faut pas devenir paranoïaque ! On est à bout de force, on marche sans cesse, on est confronté à la peur et au danger sans relâche, il faut qu'on se repose ou on ne pourra jamais aller jusqu'au bout !

Il plia sa couverture et la fourra dans son sac.
-Blue, je n'ai vraiment pas envie qu'on se dispute maintenant, alors remballe tes affaires et partons d'ici. S'il te plaît.

La jeune fille se leva, l'air énervé, et mit rageusement ses affaires dans son sac à dos sans se donner la peine de les plier. Elle prit soin d'éteindre les braises, laça ses chaussures et enfila sa petite veste tâchée par l'herbe et la terre.

-C'est bon, on peut y aller.

Ils s'enfoncèrent plus loin dans la forêt sombre et silencieuse. Seul le bruit des feuilles craquant sous leurs pas perturbait la sérénité de ce lieu. Il sentait le mécontentement de son amie ; d'habitude bavarde et enjouée, elle gardait résolument les lèvres serrées et évitait son regard.

-Je suis désolé, commença t-il.
-Tu l'as déjà dit hier.
-Je sais, mais je préfère le redire.
-C'est inutile de le répéter si c'est pour recommencer la prochaine nuit.
-Tu es dure sur ce point là.

Blue s'arrêta, outrée.
-Dure ? Dure ? Ça fait trois nuits qu'on ne dort pas à cause de tes cauchemars ! Je peux comprendre qu'ils soient perturbants, mais tu n'es pas devin Red ! L'avenir ne t'apparaît pas dans des rêves, c'est juste ta peur qui se manifeste dans ton sommeil ! Tu veux nous faire mourir de fatigue, c'est ça ?
-Tu sais très bien que ce n'est pas le cas.
-Alors arrête de réagir ainsi.
-Il faut qu'on reste sur nos gardes, Blue ! On peut être attaqué à tout moment. Régis est mort à cause de notre imprudence, on ne peut pas prendre le risque de perdre la vie à notre tour.
-On n'a aucune preuve qu'il soit mort ! s'exclama la jeune fille d'une voix aiguë.
-On a entendu les rumeurs sur cet endroit, se voiler la face est inutile.

Les yeux de Blue s'emplirent de larmes et un lourd silence s'installa entre eux. Red s'en voulait d'être aussi dur, mais il ne pouvait pas lui donner de faux espoirs. Il voulut s'excuser, mais préféra s'abstenir. C'était inutile, ce n'était pas cela qui allait la réconforter. Si Régis avait été là, il aurait tout de suite trouvé les bons mots pour la rassurer. Malheureusement, il avait été pris dans une embuscade et emmené dans un sinistre endroit : Nuru. D'après les rumeurs, ce lieu se trouvait dans la région de Johto, caché dans les profondeurs marines. Le seul moyen d'y accéder était de se faire capturer par de sombres individus ; seulement, les chances de revenir en vie étaient équivalentes à zéro. Nul ne savait ce qui se tramait là-bas, et les histoires allaient bon train.

-On le retrouvera, dit finalement Red. On le retrouvera et on le ramènera.

Destins (livre 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant