Chapitre 13

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Il fallut deux semaines à Absol pour récupérer ses forces. Lómion veilla à ce que le pokemon ne manque de rien et le soigna le plus possible à l'aide de plantes.  Les autres infirmiers étaient ravis de cette aide ; cela leur permettait de s'approcher le moins possible du pokemon. Lómion trouvait leur superstition ridicule et cela l'agaçait. Pokemon porte-malheur ou non, Absol avait besoin d'aide.

Un matin, le jeune homme fut convoqué dans le bureau de Chris. Il s'y rendit, angoissé. Le souvenir de sa défaite contre Red remonta en force. Chris lui annoncerait qu'il n'était pas accepté, qu'on allait lui effacer sa mémoire ou lui faire un lavage de cerveau, et il rentrerait chez lui, n'ayant aucun souvenir d'Abi, de Blue ou de Red. Il sentit un sentiment d'injustice poindre en lui : comment pouvait-il battre Red ? C'était – à ce qu'il savait – le Maître Pokemon. Comment aurait-il pu vaincre le meilleur des dresseurs alors que lui-même n'avait qu'une piètre expérience des combats ? Il ne s'était pas posé toutes ces questions avant le combat, et il le regrettait à présent : cela lui aurait peut-être permis de négocier. Mais à présent, c'était trop tard.

Il toqua à la porte. Quand il entra dans le bureau, Lómion tenta d'avoir l'air digne, mais il rentra vite la tête dans les épaules quand il croisa le regard perçant de Chris. Cet homme était plein d'arrogance et de fierté. Il était intimidant et pourtant, avec ses cheveux grisonnants et son corps tout maigre, il semblait être un homme vieillissant tout à fait normal. Mais Chris n'était pas un simple homme. C'était le chef de l'organisation. Il dirigeait ce groupe qui tentait de sauver les pokemon de la folie, et les humains victimes de ses pokemon. Et pour cela, rien que pour cela, Lómion le respectait.

Le jeune homme s'asseyait, mal à l'aise, fixant le coin d'un cadre photo devant ses yeux.

-J'ai soigneusement suivit tes évaluations, dit Chris. Je dois dire que je suis surpris que tu t'en sois aussi bien sorti. Vraiment, en te voyant pour la première fois, je pensais que Chuck aurait ta peau. Mais tu es passé au travers de tous les filets. Jusqu'à Red.

Lómion pinça les lèvres. Oui. Jusqu'à Red.
-Il m'a conté votre combat. Tout comme Blue. Tu les as étonnés. Tout comme tu as étonné Erika, Koga et Ondine.
-Mais j'ai perdu contre Red, répliqua Lómion un peu acide. Alors pourquoi n'allez-vous pas droit au but ? Pourquoi ne me dites-vous pas que c'est fini, que je vais devoir partir, mais qu'avant, il vous faudra me faire tout oublier ?

Chris le dévisagea.
-Cette défaite t'est vraiment restée en travers de la gorge, n'est-ce pas ?

Le jeune homme acquiesça.
-Le combat était inégal, et vous le savez. Maintenant, faites-ce que vous avez à faire.

Il s'étonna de sa propre audace. Parler ainsi à Chris, si on le lui avait dit, il ne l'aurait jamais cru. Et pourtant, il le faisait, il employait un ton sec, froid et tranchant. Chris esquissa un maigre sourire.

-Tu es reçu.
-Oh, parfait ! Je suis recalé. Où est-ce que je dois me rendre pour me faire effacer la... ?

Le jeune homme s'interrompit dans son discours.
-Attendez un peu, souffla-t-il. Je suis reçu ?
-Oui.

Lómion cligna des yeux.
-Vraiment ?
-Vraiment.
-Ce n'est pas une blague, n'est-ce pas ?
-Je n'aime pas faire de l'humour, répliqua Chris.

L'homme le fixait avec des yeux froids, mais l'adolescent jurait qu'il cachait son sourire derrière ses mains.

-Mais... je n'ai pas battu Red, s'exclama Lómion.
-Pensais-tu réellement pouvoir le battre avec ton niveau actuel ?
-Non, mais...
-Ecoute jeune homme, tu es reçu. Qu'attends-tu de plus ?
-Une explication ! Je suis certain que Red m'ai dit que je devais le battre pour rejoindre l'organisation.
-Il dit cela à tout le monde.
-Et c'est tout ? Il dit ce genre de chose à chaque fois que quelqu'un arrive à la dernière étape ?

Chris se redressa un peu.
-Red voulait mettre à l'épreuve tes nerfs et ton sang-froid, ainsi que ta capacité à te battre lorsque tu es sous pression. Et tu l'as convaincu, comme tu as convaincu tous les autres membres. Moi y comprit. Pour cela, tu es accepté au sein de l'organisation. Mais cela ne veut pas dire que tu dois vivre sur tes acquis : tu vas devoir apprendre. Les règles, les combats, notre style de vie, c'est sur tout cela que tu vas devoir travailler.

Ils discutèrent longuement jusqu'à ce qu'ils soient interrompus par un appel urgent. Chris le congédia.

Ce soir là, le jeune homme refusa de se joindre à Red et Blue pour fêter son admission. Il ne réalisait pas encore ce qui lui était arrivé. Il était reçu... Aussi étrange que cela pouvait paraître, Lómion ne ressentait rien devant cette nouvelle extraordinaire. Il se sentait vidé. Pendant de longues heures, il fixa le plafond de sa chambre avant de s'endormir.

Les jours qui suivirent, il s'évertua à prendre soin d'Absol. Le pokemon était craintif et méfiant. Il le fuyait du regard et tressaillait chaque fois que Lómion posait une main sur lui. A force de patience, le jeune homme parvint à rassurer son nouveau compagnon. Une confiance fragile s'installa entre eux.

Il faisait de nombreuses missions avec Red et Blue et s'améliora rapidement dans les combats pokemon. Il ne s'était fait blesser que deux fois : de simples égratignures sur les bras.

Erika l'aida à approfondir ses connaissances dans le domaine des plantes. Ils se retrouvaient deux fois par semaines dans la Pièce Naturelle, comme se plaisait à l'appeler Lómion. Ensemble, ils repéraient les herbes toxiques et médicinales. Ces moments plaisaient au jeune homme qui pouvait discuter tranquillement avec la jolie jeune fille.

Chuck le contraint à travailler ses aptitudes physiques. Le contraint, car il venait le tirer du lit aux aurores pour le faire courir sur de longues distances, le faire soulever des poids et nager dans l'eau glaciale. Ondine l'aidait également avec ses pokemon eau. Ainsi, il put travailler son esquive et les contre-attaques. Ce qui lui fut fort utile pour les missions. Koga, lui, ne lui apprit rien ; l'homme estimait qu'il maîtrisait suffisamment l'art de se camoufler.

Un jour, Lómion décida d'aller se promener avec Absol. Il souhaitait voir quelles attaques le pokemon connaissait. Le froid s'était rapidement installé. L'hiver commençait à glacer le sol herbeux, et le vent mordait les joues du jeune homme. De gros nuages couvraient le ciel.

Lómion s'accroupit pour se mettre à la hauteur d'Absol et le regarda droit dans les yeux.

-Je souhaiterais voir quelles attaques tu as apprises, dit-il d'une voix douce. Tu veux bien me montrer ?

Absol sembla hésiter un instant. Comme s'il se demandait si l'adolescent était digne de confiance. Il dût juger que oui, car il s'éloigna de quelques pas et commença à attaquer un arbre. En un coup de griffes, il coupa net le tronc. Lómion resta bouche bée. Le pokemon venait d'utiliser Tranche avec une efficacité redoutable.

Absol s'approcha d'un second arbre, au tronc plus épais. Après un rapide coup d'œil dans sa direction, il leva la patte. Ses griffes acérées passèrent au travers du bois facilement dans un sillage noir, découpant l'arbre sans effort. Avec un fracas assourdissant, les branches craquèrent quand elles atteignirent le sol. Absol venait de lui montrer Tranche-Nuit.

Ce fut la fin de la démonstration, bien que Lómion sût que le pokemon avait d'autres tours dans sa poche. Mais ce qu'il venait de voir l'avait laissé sans voix. Absol était fort. Très fort. La force d'Evoli paraissait ridicule en comparaison.

-Tu es incroyable, murmura Lómion.

Il approcha doucement sa main de la tête d'Absol. Ses doigts passèrent dans son pelage blanc. Il était doux, et soyeux. La chaleur de son corps réchauffa ses doigts gelés. Soudain, Absol sursauta. Lómion lui, ressentit comme une décharge lui parcourir le bras. Sa vue se brouilla.

Il était dans un endroit totalement différent. La neige recouvrait tout. Absolument tout. Il n'y avait pas un centimètre qui eût été épargné par la poudre blanche. Alors qu'il baissait les yeux, fasciné et perdu, il vit des empreintes fraîches. Quelqu'un était passé par ici. Et il y avait peu de temps car les flocons n'avaient pas encore recouvert les marques de pas. Par endroit, la neige était tâchée de couleur vermeille. De fines gouttes qui s'élargissaient de plus en plus. Cette personne devait être gravement blessée. Mais où était-il ? Que se passait-il ? Pourquoi avait-il si mal à la tête ? Pourquoi se sentait-il si loin ? Pourquoi ne ressentait-il pas le froid ? Ni la neige qui mouillait ses chaussures ? Pourquoi la fumée ne sortait-elle pas de sa bouche quand il respirait ?

Soudain, il vit une silhouette. Il plissa les yeux. De longs cheveux bruns. Il cria le nom d'Abi. Instinctivement. Pourquoi ne se retournait-elle pas ? Pourquoi ne l'entendait-elle pas ? Il était pourtant à trois brasses d'elle ! Il cria de nouveau. C'était bien Abi. Il reconnaissait sa démarche fière. Sa façon de lever légèrement le menton quand elle était plongée dans ses pensées. Sauf que... Quelque chose clochait. Elle titubait. Elle trébuchait. Ses yeux se posèrent sur une large tâche sombre se trouvant sur son flanc. Et sa cuisse. Et son bras. Le sang perlait sur la neige. Un petit nuage sortait de façon saccadée des lèvres de la jeune fille. Il paniqua. Que lui était-il arrivé ? Il voulut s'approcher pour le savoir. Il tendit une main.

Absol poussa un hurlement et s'éloigna vivement. Lómion remarqua qu'ils avaient tous deux le souffle court. Le jeune homme posa deux mains au sol, tremblant. Il avait envie de vomir. Il avait l'impression qu'on lui creusait le crâne.

-Qu'est-ce... qu'est-ce qui s'est passé ?

Il n'arrivait pas à calmer ses soubresauts. Les larmes lui montèrent aux yeux tellement il avait mal. Absol tenait soigneusement ses distances. Il paraissait effrayé. Ses pupilles étaient dilatées. Lui aussi tremblait.

-Absol ! Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce que c'était ?

Lómion avait peur. Ce n'était pas le fait d'avoir eut une vision qui le terrifiait. Il était affolé à la simple idée qu'elle soit vraie. Abi... Voilà des semaines qu'il ne l'avait pas vue. Maintenant qu'il y pensait, elle n'était pas rentrée à la base depuis qu'il avait commencé ses épreuves. Personne ne semblait savoir où elle était.

Personne ne lui avait reparlé d'elle. Personne ne la mentionnait.

Le jeune homme se leva doucement. Sa tête lui faisait si mal... Sans y résister plus longtemps, il s'appuya contre un arbre et vomit. Absol poussait des gémissements. Lómion tourna son regard vers lui. Il ne pouvait pas lui en vouloir. Lentement, il s'approcha du pokemon qui lui lança des yeux suppliants.

-Absol... Ce n'est pas grave... Ce n'est pas grave... Je vais bien, regarde, je vais bien. Mais il faut rentrer. Tu peux marcher ? Non ? Je vais te porter, tu veux bien ? Là, doucement. Laisse-toi faire. C'est bien.

Lómion parlait seul. Et inutilement. Absol se laissa porter et posa sa tête blanche sur son épaule. Mais le jeune homme continua son monologue. Cela lui permettait de se rassurer, de ne pas avoir sans cesse ces images qui lui revenaient en tête.

Les premières personnes à qui il en parla furent Red et Blue. Il ne connaissait pas suffisamment les autres membres de l'organisation. Les deux dresseurs l'écoutèrent attentivement, sans l'interrompre. A la fin du récit, Blue intervint la première :

-Il faut qu'on aille à sa recherche.
-Blue, ce n'est pas aussi simple, commença Red.
-Et quoi ? Red, Abi est blessée ! Elle aurait dû rentrer il y a déjà des semaines, mais personne ne l'a vue ou croisée ! Tout le monde s'inquiète.
-Abi est peut-être blessée, mais c'est quelqu'un d'expérimenté, répliqua son ami. Elle sait ce qu'elle fait. Si elle était en grand danger, elle nous aurait contactés. Et nous savons tous ici qu'une mission ne dure pas un temps donné. De plus, nous n'avons aucune preuve que cette vision soit réelle.

Blue resta muette.
-J'ai une question, intervint Lómion. Comment Absol et moi avons pu avoir vu la même chose ? C'est un pokemon Ténèbres, non ?

Red jeta un regard compatissant au pokemon.
-Absol est tristement connu sous le nom de « Pokemon Désastreux », expliqua le dresseur. Chaque fois qu'il apparaît devant un être humain, une catastrophe se produit peu après. Et il peut prédire ces cataclysmes. C'est pour cela qu'il vit dans un milieu aride et montagneux : pour fuir. Les gens pensent qu'il porte malheur à cause de son don de clairvoyance, donc ils le rejettent, le chassent. Mais ce n'est pas ton cas : tu l'as recueilli et tu t'es occupé de lui. Vous avez créé un lien particulier tous les deux. Cette attache est peut-être à l'origine de votre vision commune.

Absol baissa les yeux, comme honteux. Lómion lui caressa la tête et lui sourit. Ce geste eut l'air de rassurer le pokemon qui se frotta contre lui, reconnaissant.

-Quelles sont les régions enneigées à cette période de l'année ? demanda le jeune homme.
-Lómion, tu ne vas pas...
-Si personne ne veut bouger, alors moi je le ferais. Même si le doute est grand, je ne peux pas rester ici à me torturer l'esprit, à me demander si c'est bien réel ou non. Je préfère avoir l'air d'un idiot, plutôt que de me sentir coupable tout le restant de ma vie. Si vous ne voulez pas m'aider, libre à vous. Mais moi, je pars à sa recherche.

Blue se mordit la lèvre. Red, lui, le dévisagea avec un regard qu'il ne sut interpréter.
-Blue et moi partirons. Toi, tu restes ici, dit-il finalement.
-Non, je viens au...
-Tu restes ici, répéta Red d'un ton tranchant. Si Abi est gravement blessée, alors son ennemi doit être extrêmement dangereux. Tu n'es pas encore assez expérimenté, même si tu t'es beaucoup amélioré ces temps-ci. Ce n'est pas négociable.

Il tourna les talons sans laisser à Lómion le temps d'ajouter quoique ce soit. Le jeune homme serra les poings. Il détestait son attitude. Blue posa une main sur son épaule.

-Il est aussi inquiet que nous, lui dit-elle. Mais il ne le montre pas. Excuse son comportement.
-Envoyez-moi des nouvelles aussi souvent que possible, supplia Lómion.
-Promis.

Red et Blue partirent deux jours après leur conversation. Tout le monde sut immédiatement pourquoi quand Chris parla de recherche. L'homme ne paraissait pas très inquiet, ce que Lómion trouva suspect. Abi était tout de même sa fille ! Comment pouvait-il garder un air aussi serein ?

Il eut la réponse avec Erika :
-Chris n'est pas le père biologique d'Abi. Il l'a seulement adoptée. Nous ne savons pas dans quelles circonstances exactement ; il semblerait qu'elle ai été abandonnée étant toute petite. Chris ne parle pas beaucoup de ce sujet. Ni Abi d'ailleurs. Ils sont très secrets tous les deux.
-Personne ne sait d'où elle vient ?

Erika secoua la tête.
-Personne ne connait vraiment Abi. Chris est mystérieux, mais sa fille l'est encore plus. Quand on parle d'Abi, on parle d'une énigme. Une énigme que personne ne veut résoudre.

La jeune fille releva les yeux. Quelqu'un l'appelait. A regret, Lómion la regarda s'éloigner avec un petit sourire gêné.

Abi. Adoptée. Ce fut un choc. Il se rendit compte que la jeune fille lui avait menti. Lors de leur première rencontre dans le désert, elle lui avait dit qu'elle s'était éloignée de ses parents pour avoir plus de liberté. Et maintenant, il découvrait qu'en fait, elle était orpheline. Pourquoi lui avoir caché cela ? Avait-elle honte ?

Lómion arracha les pétales de la fleur qu'il tenait. Il comprit  qu'il ne connaissait pas son amie aussi bien qu'il le pensait.

                                             *****
Abi regardait de tous les côtés avec une prudence excessive. Aucune trace d'Arbok. Elle poussa un bref soupir et descendit de l'arbre avec précaution.

Tandis qu'elle marchait, la jeune fille se plongea dans ses réflexions. De nombreuses questions se bousculaient dans sa tête, notamment celle-ci : comment avait-elle atterrit hors de l'eau ? Elle ne se souvenait que d'un éclair blanc. Le reste était flou, beaucoup trop flou pour qu'elle puisse interpréter quoi que ce soit.

Elle transpirait abondamment. Elle avait une mauvaise blessure au flanc et au bras. Sa cuisse avait été salement égratignée mais le saignement s'était vite résorbé. L'adolescente prit une poignée de neige et l'appliqua sur les lésions les plus importantes ; le froid ralentirait l'afflux sanguin. Comme une parfaite idiote, elle n'avait amené aucun produit de soin. Elle avait pensé que cette mission serait aisée. Mais elle se rendait compte à présent de son erreur.

Alors qu'elle avait reprit conscience, Abi avait minutieusement inspecté les alentours. C'était à ce moment qu'elle avait réalisé qu'une chose ne tournait pas rond : il y avait de nombreuses traces de pas à des endroits où elle n'était pas passée auparavant. Alors qu'elle avait suivit les empreintes, elle était tombée sur deux ombres en uniforme. Bien qu'elle fût loin d'elles, Abi avait pu aisément reconnaître les armoiries qui trônaient sur leurs vêtements : un blason noir et blanc, sur lequel se trouvaient un « P » et une sorte de « Z » de couleur bleu d'eau. La team Plasma. Avant d'être repérée, Abi avait fuit et s'était réfugiée en haut d'un arbre le temps que les individus disparaissent.

Depuis, la jeune fille s'était torturé  l'esprit : que faisaient deux membres de la Team Plasma dans les alentours ? Et rapidement, elle avait fait le lien avec la présence d'Arbok et son acharnement sur elle. La Team Plasma avait certainement rendu fou le pokemon et ce dernier suivait leurs ordres. Abi saisit soudain les intentions de la Team : elle voulait l'affaiblir le plus possible et la faire ramper à l'abri. Et cet abri était l'organisation. A présent, ses ennemis ratissaient les bois pour la trouver et la suivre. Nerveusement, l'adolescente se retourna : était-elle suivit en ce moment même ? Quelqu'un l'observait-il ?

Abi secoua la tête. Il ne fallait pas qu'elle laisse la paranoïa prendre le dessus, ni qu'elle cède à la panique. Pour le moment, le plus important était qu'elle s'éloigne. Elle se soignerait ensuite.

Alors qu'elle marchait en titubant, elle sortit le pokédex de sa poche. Elle le regarda un moment avant de l'ouvrir et de le briser et de le jeter dans la neige. Si la Team Plasma avait réussi à la trouver et la suivre ainsi, c'était certainement en surveillant l'activité de son pokédex. En effet, Abi l'avait beaucoup utilisé ces derniers jours, tant pour les mises à jour que pour la communication avec les autres membres de l'organisation. Dans le doute, elle ne pouvait pas garder son pokédex. Elle l'enfoui rapidement sous la neige et continua de marcher.

Ces gens savaient qui elle était. Ils la poursuivraient jusqu'à ce qu'elle fasse une erreur : elle les connaissait bien. Leur façon d'agir était cruelle mais efficace. Mais elle ne se laisserait pas faire.

Abi fouilla dans ses poches et déchira sa carte de dresseur. Elle abandonna également toutes ses pokeballs derrière elle, sauf celle d'Aquali. La jeune fille ne pouvait se résoudre à le laisser derrière. Il était trop important pour elle. Il était tout ce qui lui restait de sa famille, sa vraie famille. Il était aussi le seul à ne pas l'avoir fuie malgré ses fautes atroces.

D'un pas mal assuré, elle se dirigea vers sa prochaine destination. Elle savait qui pourrait l'aider.

                                           *****

Red regardait avec une appréhension muette les tâches vermeilles s'étendre devant ses yeux. Blue s'était brusquement tue en plein milieu d'une phrase et n'avait pas rouvert la bouche. Le jeune homme devinait la crainte qui s'était emparée d'elle car il ressentait la même. La vision d'Absol et de Lómion s'était révélée être juste : Abi était bel et bien passée par ici. Abi était bel et bien blessée. Abi avait bel et bien fuit un danger qui voulait la tuer.

-Elle ne doit pas être très loin, murmura Blue. Les traces sont encore fraîches, la neige n'a pas encore tout recouvert.

Red acquiesça. Il préférait se taire et ne pas dire à Blue qu'Abi avait certainement trouvé le moyen de partir loin en peu de temps. Il n'était pas d'humeur à ternir son espoir, cela aurait été cruel de sa part. Après tout, s'il ruinait les espérances de son amie, il ruinerait aussi les siennes. Car, malgré tout, tout au fond, il souhaitait que Blue ai raison. Il espérait qu'Abi ne soit pas si loin que sa raison ne le pensait.

Ils marchèrent quelques jours et se retrouvèrent dans la ville d'Écorcia. Ils avaient à peine fait deux pas dans le bourg que Blue s'immobilisa.

-Red, dit-elle d'une voix sourde. Regarde.

Le dresseur s'approcha et sentit comme une pierre lui tomber au creux de l'estomac. Il arracha l'affichette collée au mur, la serrant si fort entre ses doigts qu'il la chiffonna.

-C'est quoi ces conneries ? siffla-t-il.

Le papier était terne, froid, mais la photo qui la recouvrait était tout en couleur. C'était le visage d'Abi, prit en gros plan. Ses yeux bleus glacés fixaient un point lointain, son air était grave. Elle avait une large entaille enflée sur la joue. Mais le regard de Red était resté sur le mot « Recherchée » écrit en lettres sombres juste au dessus de la photo. Une récompense de 48 000 pokédollars était offerte pour quiconque aidait ou procédait à la capture de leur amie.

-Ils la veulent vivante, remarqua Blue. C'est un bon point.
-Pas vraiment, répliqua Red. Si une des Team la récupère, ils vont la torturer. Je doute qu'elle supporte l'interrogatoire avec ses blessures.

Blue ne demanda pas pourquoi il pensait aux Team. C'était une évidence, elles seules pouvaient faire une chose pareille. Cependant, leur raison échappait encore à Red : pourquoi s'en prendre à Abi ? Elle n'était pas du genre à provoquer inutilement ses ennemis et encore moins à chercher les ennuis. Qu'avait-elle bien pu faire pour contrarier à ce point les Team ? Et pourquoi ces dernières voulaient-elles la jeune fille ? Qu'allait-il lui arriver si elle était prise ?

Les jours qui suivirent, Red et Blue parcoururent les villes voisines : toutes avaient les maudites affiches collées à leurs murs. Le dresseur questionna les habitants, mais personne n'avait vu ou croisé Abi.

-C'est impossible ! s'énerva un jour Blue. Comment peut-elle être passée inaperçue avec ses blessures ? Et comment peut-elle être passée entre les mailles du filet que la Team a tendu ?

Red devait reconnaître qu'il n'en avait aucune idée. La façon de penser de la jeune fille lui échappait. Où avait-elle pu se réfugier ? Quels moyens avait-elle employé pour se cacher ?

Il pinça les lèvres. Pour retrouver Abi avant les Team, il leur faudrait changer radicalement de façon de penser.

                                           *****

-Chris, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée, protesta doucement Erika.

Lómion vérifiait une énième fois le contenu de son sac : antidote, nourriture déshydratée, pansement, tissu, eau, répulsif... Il avait tout. Chris le regardait faire, silencieux.

-C'est sa première mission, il faudrait qu'il commence par quelque chose de plus simple, reprit Erika.
-Cela fera parfaitement l'affaire, la coupa Chris. Il connait parfaitement les plantes, si il manque d'antidote, il pourra s'en fabriquer lui-même.

Le jeune homme les écoutait à peine. Quand Chris lui avait proposé cette mission, il avait bondit de joie. Sa première mission !

Lómion inspira. Depuis ce matin, il ne s'était pas débarrassé du sourire qui illuminait son visage. Il irait dans un village, dont le nom lui échappait encore, près duquel se trouvait une bâtisse immense. Cette dernière était habitée par un nombre impressionnant de pokemon Poison et Spectre qui sortaient souvent semer la pagaille dans la petite bourgade. Les villageois avaient lancé un appel au secours, et ce serait Lómion qui leur viendrait en aide.

Malgré son excitation, il avait peur. Il serait seul avec ses pokemon et la moindre erreur pourrait lui être fatale : une horde de pokemon Poison dégageait constamment un gaz malodorant et venimeux. S'il était blessé ou qu'il respirait sans protection, le poison infesterait son corps rapidement. Bien qu'il ai un bon nombre d'antidotes et de plantes soignant les blessures, il ne pouvait s'empêcher d'être inquiet. La mission durerait plusieurs jours et il serait seul. Il ne bénéficierait pas des conseils de Red, de Blue ou d'Abi. A la seule pensée de son amie, la gorge du jeune homme se serra. Depuis plusieurs nuits il dormait à peine, ses rêves étant peuplés d'images de la dresseuse blessée, à demi-consciente. Absol aussi en rêvait : ses gémissements ponctuant son sommeil inquiétaient Lómion.

-Lómion, si tu ne t'en sens pas capable...

Le jeune homme stoppa Erika avec un sourire.
-Ne t'en fais pas ! J'y arriverai ! Et il faut bien que je me fasse la main un jour ou l'autre.

En vérité, la raison principale de son excitation était qu'il allait quitter cet endroit pour un petit moment. Enfermé dans sa chambre ou aux entraînements, il piaffait d'impatience, attendant des nouvelles de Red et Blue. Mais ces derniers ne l'avaient pas contacté. Pas même un message. Lómion n'arrivait pas à se décider entre deux hypothèses : n'avaient-ils rien trouvé ? Ou la situation était-elle tellement inquiétante qu'ils préféraient ne rien lui dire ?

-Ne prends pas de risques inutiles, le prévint Erika. Si tu vois des choses étranges, méfie-toi : les pokemon Spectre aiment faire tourner en bourrique ceux qui se trouvent sur leur territoire. Fais attention aux pokemon Poison aussi : ils tenteront de t'enlever ton masque par tous les moyens. Vérifie également le contenu de ton sac régulièrement pour éviter de mauvaises surprises et dors avec tes affaires serrées contre toi.

Lómion acquiesça : la dresseuse lui avait répété cela des dizaines de fois ces dernières heures, mais il ne s'en plaignait pas. Il était flatté de voir qu'Erika s'inquiétait pour lui.

Finalement, il prit la route, non sans échapper aux dernières recommandations de la jeune fille.

Arrivé devant l'immense étendue d'eau de mer, Lómion appela Carapuce. Durant son entraînement avec Ondine, le pokemon avait appris la capacité Surf grâce à la CS 03. Les débuts avaient été difficile mais Carapuce s'en était remarquablement bien sorti et avait même obtenu les félicitations d'Ondine, une chose rare de la part de la dresseuse.

-Bonjour cher ami ! dit Lómion avec un grand sourire. Je vais te demander un gros effort. Tu vois où se trouve la Région de Hoenn ? Il faut que nous allions jusque là-bas. Si tu pouvais nous déposer jusqu'à Algatia ce serait parfait. Tu peux y arriver tu crois ?

Carapuce gonfla fièrement sa poitrine, le regard emplit de détermination. Lómion sourit de nouveau : il savait parfaitement que le pokemon ne pourrait pas faire le trajet entièrement seul. Il avait donc décidé de commencer à nager par lui-même. Carapuce garderait son sac au sec sur sa carapace.

Le jeune homme retira ses vêtements et les fourra dans son sac à dos qu'il confia à son compagnon. Puis ils s'enfoncèrent dans l'eau salée. Lómion frissonna mais supporta la température. Il nagea rapidement, Carapuce à ses côtés. Le pokemon était heureux et poussait de grands cris de joie.

Le jeune homme commença à ressentir la fatigue au bout de deux bonnes heures de nages intensive. Essoufflé, il se mit sur le dos, se laissant porter par le courant. Ses cheveux lui chatouillaient le visage. Il remua les jambes afin de continuer d'avancer. Ses bras et ses épaules étaient douloureux. Carapuce le suivait tranquillement, le surveillant avec inquiétude.

-Ca ira, le rassura Lómion. Je vais bien.

Cependant, une autre heure passa, et il dû reconnaître qu'il était épuisé. Avec un air entendu, Carapuce le laissa monter sur son dos et utilisa la capacité Surf.

Ce fut incroyable. Jamais il n'aurait cru son pokemon aussi rapide. Le vent qui lui fouettait le visage sécha son corps en peu de temps. La mer semblait se fendre en deux afin de les laisser passer. Carapuce ne semblait déployer aucun effort. Bientôt, Lómion fut en mesure de voir la côte au loin. Hoenn était une île qui semblait être sortie de la mer, perçant les flots de sa montagne de terre, d'herbe et de pierres, imposant sa masse impressionnante à l'océan. Sans difficulté, le jeune homme distingua le Centre Spatial, trônant dignement sur la plus haute partie de l'île d'Algatia.

Ils arrivèrent sur une petite plage immergée où ils abordèrent. Carapuce s'étira, poussant un grand bâillement.

-Bravo mon beau, le félicita Lómion avant de le faire rentrer dans sa pokéball. Et merci, tu as été formidable.

Le jeune homme débarqua sur la plus grande partie de l'île. Il remarqua deux maisons, un Centre pokemon et une arène. Lómion suivit les indications qu'on lui avait fournies et se dirigea vers l'ancienne demeure de Pierre Rochard.

-C'est un homme de très grande importance, lui avait expliqué Chris. Il est le Maître de la Ligue de Hoenn et c'est un excellent dresseur de pokemon type Acier. Mais il semblerait être parti il y a des mois de cela. Personne ne l'a revu et sa maison a mystérieusement été envahie par des pokemon Poison et Spectre.

Lómion resta un instant sur le seuil, angoissé. Un masque lui couvrant le nez et la bouche, il n'osait pas ouvrir la porte. Que trouverait-il à l'intérieur ?

                                           *****

-Lâchez-moi ! Mais lâchez-moi !

Abi ne se préoccupait guère des blessures qui s'étaient rouverte, ni de la douleur qui lui transperçait le crâne, le bras et la jambe. Tout ce qu'elle souhaitait, c'était que ces individus la laissent partir tranquille. Elle s'était fait avoir comme une débutante sur la route qui menait à Ebènelle et la Team Plasma l'avait facilement cueillie. A présent, ses tortionnaires l'emmenaient dans un endroit inconnu, et elle se débattait avec force pour tenter de leur échapper.

-Bande de choux moisis ! hurla-t-elle. Lâchez-moi !

Mais ils la tenaient avec force. Affaiblie, elle n'avait aucune chance dans un combat au corps-à-corps. Elle ne voulait pas être prisonnière. Pas maintenant ! Pas dans son état !

Curieusement, ils s'arrêtèrent au beau milieu d'une clairière. La neige avait tout recouvert, laissant sur la végétation un manteau froid et lumineux. Le soleil était caché par d'épais nuages laiteux. Abi regarda de tous les côtés, nerveuse. Qu'étaient-ils censés faire ici ?

Les sbires de la Team Plasma la laissèrent tomber dans la poudreuse glacée.
-Reste ici. Et ne bouge pas.

Ahurie, Abi les regarda tourner les talons et s'éloigner. Ne pas bouger ? L'occasion était trop belle pour s'enfuir ! Se relevant maladroitement, elle parvint à se tenir droite, les jambes tremblotantes.

-Arbok a fait du joli travail à ce que je vois.

La jeune fille se raidit. Elle connaissait cette voix. Lentement, elle se retourna, mais ne put voir qu'une silhouette cachée dans l'ombre des arbres. Pourtant, elle savait qui se tenait là, devant elle.

-Ce n'est pas Arbok, répliqua froidement Abi. Mais les falaises et la mer.
-Peut-être, mais c'est de sa faute si tu es tombée.
-Vous me testiez ? Ou bien testiez-vous les nouvelles capacités des pokemon fous ?

L'homme resta silencieux, mais Abi devinait son sourire malsain.
-Je dois dire que... Je ne m'attendais pas à des résultats aussi spectaculaires.
-Faites vos expériences avec d'autres personnes ! cracha l'adolescente.
-Les autres sont des incapables, ils meurent bien trop vite pour que je puisse avoir des résultats concrets et convaincants.
-J'ai moi aussi failli mourir !
-Mais tu es encore en vie, n'est-ce pas là ce qui compte ?

Abi serra furieusement les poings. Si elle avait été en meilleure forme, elle l'aurait tout de suite frappé.

-Comment se portent Red et Blue ? reprit l'homme en changeant de sujet. Et ton nouvel ami... Lómion, c'est cela ? Est-ce qu'ils se portent tous bien ?
-En quoi cela pourrait vous intéresser ?
-Je suis curieux, c'est tout. Sont-ils au courant que tu pars prier avec ce groupe étrange ? Savent-ils que tu as perdu toute confiance envers les humains et que tu t'en remets aux divinités pokemon ?

La jeune fille resta muette. Comment savait-il ? Comment avait-il pu savoir ? Personne au sein du groupe de prière n'était censé connaître son identité !

-Ton silence me dit que tu ne leur a rien avoué, ricana l'homme. Même sur un point insignifiant tu arrives à les trahir.
-Ce n'est pas une trahison !
-Oh... J'oubliais... Il est vrai que tu es une experte en ce qui concerne la définition de ce mot. Combien de fois les as-tu trompés ?
-Vous pouvez parler ! J'ai suivi vos ordres ! J'ai été contrainte de vous obéir !
-Jeune damoiselle, je ne t'ai pas mis un couteau sous la gorge pour que tu me rejoignes. Tu es venue à moi toute seule, tu as rallié tes forces aux miennes sans y être obligée. Tu as accepté de me suivre, il est normal que tu me doives obéissance.
-Vous êtes...
-Je sais, la coupa-t-il. Je sais.

Il lui lança un sac qu'elle attrapa de justesse. Abi lui jeta un regard interrogateur.
-Pour panser tes blessures. Il faut que tu arrives en vie à Hoenn dans quatre jours.
-Hoenn ? répéta Abi. Dans quatre jours ? C'est impossible, il me faut plus de temps !
-Le temps est une chose que nous n'avons plus. Les Pokemon Légendaires vont bientôt entrer en action. Je ne peux pas me permettre d'échouer à ce stade du plan. Plus vite ils verront leurs précieux compagnons s'entre-tuer, plus vite ils deviendront fous, et plus vite nous récupèreront leur pouvoir. Il est donc impératif que tu sois là-bas dans quatre jours.

Abi eut un rictus.
-Et si je n'y suis pas à temps ?

Il éclata de rire.
-Ton jeune ami blond est à Hoenn. Il est seul, en mission, essayant de débarrasser la maison de Pierre Rochard de tous les pokemon Poison et Spectre.

Il rit de nouveau en voyant Abi pâlir.
-Il se peut qu'il lui arrive un... accident assez fâcheux si tu ne respectes pas les délais.

Il sortit son pokédex, y jeta un œil et prit congé. La jeune fille sentait la peur l'envahir. Sans plus attendre, elle fouilla dans le sac qu'il lui avait donné et changea de vêtements. Elle banda la blessure de sa jambe et de son bras et se mit vivement en route.

Chris ! Maudit soit-il ! Envoyer Lómion dans un endroit pareil ! Seul ! Elle pesta une horde de jurons tous plus fantaisistes les uns que les autres. Elle n'avait plus de pokédex, elle devrait donc se référer aux ombres qui obscurcissaient le sol neigeux.

Pourquoi avait-il fallu qu'elle relâche ses pokemon ? Elle aurait pu se servir de Galopa pour avancer plus vite. Fort heureusement, Aquali possédait la capacité Surf : la traversée serait donc rapide.

Destins (livre 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant