32.Tu as tous les droits

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SAINT

Je crois que je vais vomir, mais vraiment, seule la boule que j'ai dans la gorge m'empêche de me vider de tout ce que j'ai mangé aujourd'hui. Est-ce qu'il est normal d'être plus paniqué que Zee ? Parce que c'est le cas, je suis terrifié à l'idée que cette rencontre se transforme en chaos et que l'homme que j'aime finisse encore plus meurtri qu'il ne l'était déjà au départ.

Assis à ses côtés, je lui jette un rapide coup d'œil, terriblement anxieux à l'idée de le voir décomposé ou effrayé, mais son expression reste de marbre. Le dos droit, le regard perçant, les traits durs mais impassibles, il ne laisse rien laisse filtrer des émotions qui doivent certainement tourbillonner en lui. Depuis combien de temps n'a-t-il plus vu ses parents ensemble ? Dans la même pièce ? Le choc doit être immense.

- Bonsoir Monsieur, vous pouvez venir vous installer, je lance courtoisement au nouvel arrivé en l'invitant à se joindre à nous d'un geste poli. Vous voulez un thé ? Un café ? Quelque chose à grignoter ?

- Non... Non merci...

Je le vois s'avancer lentement, la mine basse, le dos courbé, incapable de lever les yeux vers son fils ou de croiser le regard amer de son ex-femme.

- Qu'est-ce qu'il fiche ici celui-là ? tempête-t-elle aussitôt. C'est toi qui lui a dit de venir ?

Son ton est cinglant, elle dévisage Zee comme s'il venait de la trahir et cette attitude me met dans une rage folle. Elle l'a abandonné, s'est à peine préoccupée de sa vie ces quinze dernières années et c'est elle qui ose jouer à la femme trahie, c'est quoi ce putain de délire ?

- Je tenais à vous parler à tous les deux en...

- Je n'ai rien à dire à ce type ! s'emporte-t-elle sans même adresser un regard à son ancien compagnon. Je l'ai supporté assez longtemps et ce n'est pas parce qu'il se pointe aujourd'hui avec des excuses dans les poches qu'il peut espérer mon pardon !

Je devine rapidement que Zee avait raison, son père est bien rentré en contact avec sa mère, peut-être que ça fait partie de sa thérapie, d'exprimer ses regrets et ses remords aux personnes qu'il a fait souffrir par le passé. Je n'ai jamais été confronté à un individu luttant contre une dépendance et je ne peux qu'imaginer ce que Zee et sa mère ont dû affronter pendant des années. Surtout Zee, qui lui, est resté.

- Je ne vous ai pas fait venir pour que vous parliez, annonce calmement Zee de sa voix grave mais ferme. Je n'ai fait que vous écouter depuis que je suis enfant, aujourd'hui, c'est à moi de m'exprimer.

- Qu'est-ce que...

- Maman. S'il te plait. Tais-toi.

Bouche bée, elle ne moufte plus, certainement peu habituée à ce que Zee lui parle ainsi. Je darde un regard surpris sur son père qui semble fasciné par son fils, il n'y a ni condescendance, ni colère sur son visage, uniquement de la tristesse, de la culpabilité et... de l'amour. Je crois que ça en est, ou en tout cas quelque chose qui se rapprocherait à de la tendresse.

- Je te remercie d'avoir fait la route jusqu'ici, poursuit-il à l'attention de sa mère. Mais j'ai vraiment besoin que vous m'écoutiez, tous les deux, pour que je puisse enfin tirer un trait sur tout ça.

Les épaules de sa mère s'affaissent, le dos de son père se courbe encore davantage. Est-ce qu'ils ressentent enfin un peu de peur à l'idée de perdre définitivement leur fils ?

- Une fois que j'aurais terminé, vous serez libre de me répondre en toute franchise, conclut-il de ce même timbre atone tout en glissant sa main dans la mienne, discrètement sous la table.

Hate Loving YouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant