29.Depuis toujours

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ZEE

- Est-ce qu'on peut en parler ?

La voix teintée d'inquiétude de Saint ne me calme pas, je continue de faire les cent pas dans le salon de thé, prêt à exploser à tout moment. Saint en train de parler à mon père, à mon putain de géniteur, comme si de rien n'était, comme s'il n'était pas au courant de l'enfance que j'ai vécue.

- Il est encore là ? je gronde sans daigner poser mon regard sur lui, allant et venant dans la salle comme un lion en cage.

- Après que tu sois passé devant lui en l'ignorant complètement et que tu m'aies arraché les clés des mains pour venir te cacher ici, il a préféré partir.

- Me cacher ? je rugis en me retournant violemment pour lui faire face. Me cacher ?!

Il est livide, les lèvres entrouvertes et le regard empreint de détresse, son expression d'affliction pure fait peine à voir. Mais je ne peux pas m'attarder sur ce que sa douleur me fait ressentir, pas alors que je me sens à ce point trahi.

- Je ne me suis pas caché, Saint ! Lorsque je rentrais des cours et que je devais me dresser entre lui et sa putain de vinasse ! Lorsque je devais le trainer à bout de bras jusqu'à son lit pour qu'il ne s'endorme pas sur le palier de la porte à la vue des voisins ! Lorsque je devais éviter ses lancers de bouteilles sur moi, parce que perdu dans son délire alcoolique, il prenait ça pour un jeu entre nous... Je ne me suis jamais caché, jamais !

Ma longue tirade m'a épuisé, c'est à bout de souffle que je lui tourne à nouveau le dos, les mains dans les cheveux, le cœur à deux doigts d'exploser.

- Zee... S'il te plait... Je ne lui ai parlé qu'une seule fois, samedi dernier il est venu me trouver et je lui ai dit de venir te trouver rapidement, sans quoi je le ferais à sa place.

- Que tu me l'aies dissimulé est déjà trop, je dis tout bas, les pieds bien ancrés au sol, mes paumes glissant lentement sur mon visage. On devait tout se dire, ne plus rien garder secret, c'était notre promesse.

Le choc de tomber sur mon père est trop brutal, je déteste être pris par surprise, on m'a imposé tant de choix quand j'étais enfant que je me refuse de subir quoique ce soit maintenant que je suis adulte. J'ai assez pris sur moi, j'ai assez morflé, j'ai droit à mon bonheur tant espéré.

- Je suis désolé amour, chuchote-t-il en s'avançant prudemment, le rythme de ses pas se répercutant jusque dans ma poitrine. Je m'étais donné une semaine, j'allais te le dire ce soir et là il a débarqué avec le souhait de te parler.

- Je ne veux pas discuter avec cet homme, jamais.

Ses bras s'enroulent autour de ma taille alors que ses mains se nouent sur mon ventre, son front contre ma nuque. Je suis en colère, fou de rage, pourtant je ne peux m'empêcher d'entrelacer mes doigts aux siens, dans un besoin purement vital de le toucher moi aussi.

- Excuse-moi, je suis désolé, pardonne-moi, chuchote Saint dans mon cou. Tu as raison, j'aurais dû tout te dire dès l'instant où il est venu me parler. Je pensais que de le laisser faire le premier pas faciliterait les choses, que tu serais plus enclin à l'écouter.

- Je ne veux rien entendre qui sortirait de la bouche de cet ivrogne, jamais plus.

- Zee... L'alcoolisme est avant tout une maladie et...

Je ne lui laisse pas le temps de finir et me dégage brusquement de son étreinte, le ventre noué tant la rage qui me submerge est intense. D'abord surpris, il recule de quelques pas, les mains faiblement levées devant lui dans le but de m'apaiser, conscient que ce qu'il vient de dire n'a pas eu l'effet escompté, bien au contraire. Les ongles enfoncés dans mes paumes, je tente péniblement de contrôler mon souffle, sans succès, la tête me tourne et la bête hurle sa colère.

Hate Loving YouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant