1. Je dois t'appeler patron ?

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ZEE

Debout devant la caisse, je compte les bénéfices du jour avec minutie, peu enclin à devoir tout recommencer parce que je me serais trompé dans la monnaie. J'entends vaguement Elouan finir de récurer la cuisine, il sait comme j'aime lorsqu'elle brille, au point que mon côté maniaque soit devenu un sujet de raillerie entre lui et nos clients réguliers.

Je n'envisage pas de fermer le salon le soir et de rentrer tranquillement chez moi sans qu'il ne soit propre et clinquant, quelle horreur ça doit être de revenir le lendemain et de devoir tout nettoyer en plus de m'atteler à la préparation des pâtisseries. Impensable ! Que ce soit avec Elouan ou bien Tanja, je sais que ma légère névrose peut créer quelques conflits entre nous, mais je préfère me prendre la tête avec eux plutôt que remettre en cause mes principes.

Tout doit être clean, parfait et à sa place.

- Patron ! s'écrie mon employé en déboulant près du comptoir. J'ai tout nettoyé et pas la peine de venir vérifier, cette cuisine est plus propre qu'un bloc opératoire !

- Tu as passé un coup d'éponge sur la crédence ? je lui demande sans même lever les yeux de la tâche que je suis en train d'accomplir.

Un silence plus qu'équivoque en guise de réponse, je l'entends se précipiter jusque dans la cuisine non sans avoir soupiré une bonne dizaine de fois. A nouveau seul, je laisse un sourire moqueur étirer mes lèvres, conscient que je peux être insupportable mais ravi qu'il ait la patience suffisante pour ne pas m'envoyer bouler, même lorsque j'exagère.

- Bon ! Cette fois-ci tout est bon ! me lance-t-il essoufflé en venant s'accouder au comptoir alors que je range la caisse. Je peux rentrer chez moi ?

- Vas-y mais n'oublie pas d'être là pour l'ouverture demain, je ne serai pas présent avant 11h.

Je lui jette un coup d'œil discret et remarque qu'il se retient de parler, se mordillant nerveusement la lèvre comme pour empêcher les mots de sortir contre son gré de sa bouche. Il fait toujours ça, c'est une vraie pipelette et malgré tous ses efforts, il finit toujours par bavasser quitte à faire de longs monologues, parce que moi, papoter, ce n'est vraiment pas mon fort.

- Qu'est-ce qu'il y a ? je grogne en faisant un dernier petit tour de salle pour voir si tout est bien en ordre.

Je sais ce qu'il va me dire, cela fait des semaines qu'il est en boucle là-dessus et qu'hélas je ne peux rien répliquer, étant donné qu'il a parfaitement raison.

- C'est pour quand ? m'interroge-t-il en soufflant lourdement.

- Quoi donc ?

- Tu sais de quoi je parle ! geint-il en se rapprochant de moi, les mains dans les poches. Nat est parti depuis trois semaines maintenant, il faut qu'on embauche quelqu'un ! Je ne vais pas pouvoir tenir ce rythme encore bien longtemps !

- Toutes les candidatures qu'on a eues frôlaient le ridicule, je peste en m'adossant contre le mur, les bras croisés. J'ai besoin de quelqu'un qui s'y connaisse un minimum en pâtisserie, pour qu'il puisse m'épauler voire même me remplacer quand je ne suis pas là.

L'air bougon qu'il affiche alors qu'il lève les yeux au ciel m'amuse même si je me borne à vouloir le cacher. Petit, le visage tout rond et ses cheveux oscillant entre le brun et le roux dressés en multiples épis sur le crâne, il lui est tout bonnement impossible de revêtir un masque de colère. Avec son petit nez retroussé parsemé de taches de rousseur, ses deux dents de devant légèrement plus grandes lui conférant une allure parfaitement adorable et sa manie de toujours se dandiner sur place, le mieux qu'il puisse faire lorsqu'il est énervé c'est de paraitre grognon, et encore, un petit grognon plutôt mignon.

Hate Loving YouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant