6.Il est comment quand il fait l'amour ?

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SAINT

Mes ongles égratignent mes genoux alors que je me force à prendre part à la conversation, souriant de temps en temps a approuvant des dires dont je ne perçois que de vagues sons diffus. Même si je ne le regarde pas, il est dans mon champ de vision, et sa silhouette qui se dessine dans le coin de la pièce me trouble à un degré tel que je ne suis pas sûr de pouvoir parler sans avoir la voix qui flanche.

Comment a-t-il pu me sortir un truc comme ça ? A moi ? Et avec tant de désinvolture ? Ses mots ne cessent de se rejouer encore et encore dans mon esprit saturé de son odeur, de sa voix, du contact de son corps contre le mien. Alors même qu'il ne parle pas et se tient à l'écart de tout le monde, je ne ressens que lui, comme s'il était au centre de la pièce et irradiait d'une lumière si forte qu'elle m'aveuglait et m'empêchait de distinguer tout ce qui m'entoure.

Même lorsque je ne le regarde pas, je ne vois que lui, à croire que cet homme est tatoué dans ma rétine et que même les paupières closes, je ne peux lui échapper.

- Hey ! Mais je ne vous ai pas dit ce que j'ai vu aujourd'hui ! s'écrie soudainement Eddy, assis sur l'accoudoir du fauteuil, sa main sur ma cuisse. Saint a dessiné une putain de pièce montée de folie ! Un truc dingue ! Si l'un d'entre vous décide de se marier un jour, appelez-le, ce sera une tuerie !

A la fois gêné qu'il parle ainsi d'un de mes croquis et flatté de recevoir des compliments de sa part, à défaut d'en avoir de quelqu'un d'autre, je souris timidement et me gratte la nuque, sans trop savoir quoi répondre. Je suis plutôt du genre à l'aise avec tout le monde, mais lorsque ça touche à la pâtisserie, je ne sais pas trop pourquoi, mais ça m'embarrasse. Je crois que c'est quelque chose que je ne veux pas partager avec autrui, c'est mon monde, ma bulle, et il n'y a qu'une seule personne dans cette pièce qui puisse pénétrer à l'intérieur.

Alors que les autres s'enthousiasment sur mon talent, Eddy en rajoutant des couches allégrement, je risque un coup d'œil en direction de Zee, nerveux à l'idée de voir une moue désapprobatrice assombrir encore davantage son beau visage. Je laisse lentement glisser mon regard le long de son corps, admirant ses longues jambes drapées d'un jeans noir qui épouse ses formes à la perfection avant de remonter jusqu'à son pull bleu nuit aux manches retroussées sur ses coudes, laissant dévoiler ses avant-bras veineux qui ont toujours eu le don de faire palpiter mon cœur.

Mes yeux se perdent sur ses épaules solides, sa nuque haute, sa pomme d'Adam couverte d'une nuée de grains de beauté avant de s'attarder sur sa mâchoire et sa bouche aux lippes pulpeuses. Observer cette bouche aux lèvres scellées me donne la furieuse envie de me lever, de l'obliger à décroiser ses jambes pour m'assoir à califourchon sur lui et l'embrasser à en perdre haleine, pour ne respirer qu'à travers son souffle qui s'imprégnerait en moi pour me redonner vie.

Mais ce qui fait rater un battement à mon cœur, c'est le regard qu'il pose sur moi, sans ciller, sans expression dédaigneuse, il m'observe avec attention et plonge ses prunelles sombres dans les miennes. Je ne sais même pas depuis combien de temps il me regarde, ni même s'il a vu que moi-même je m'étais perdu dans la contemplation de son corps, tout ce que je sens ce sont ses yeux qui me sondent comme s'ils fouillaient mon âme pour y extirper tout ce que je cache. Je suis certain qu'il a deviné mon malaise, qu'il comprend que je n'aime pas qu'on dévoile mes créations parce qu'il doit être pareil, ce qui est à nous n'appartient pas aux autres.

- Mais pourquoi une pièce montée ? me demande Justine, une vieille copine du lycée. Envisagerais-tu de te marier prochainement ?

Sa petite blague fait rire tout le monde, y compris Eddy, j'imagine que personne ne me voit épouser qui que ce soit, ça ne collerait pas vraiment à l'allure que je renvoie. Je tente un vague gloussement peu convaincant, tout mon être vibrant d'émotion alors que je sens la brulure de son regard sur moi, m'examinant avec tant de concentration que je peine à déglutir sans m'étouffer. Ses orbes envoutants sont telles des caresses sur ma peau, elles m'enveloppent et m'enlacent, jusqu'à s'insinuer dans mon sang, dans ma chair.

Hate Loving YouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant