2.Mon Paradis sur Terre

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SAINT

Planté devant l'enseigne « Un Zeste de miel » comme un con depuis cinq bonnes minutes, je ne parviens pas à me décider à passer le pas de la porte. Je sais que Zee est déjà à l'intérieur, comme c'est mon premier jour il m'a permis d'arriver un peu plus tard le temps qu'il prépare tout, mais je suis loin d'être rassuré. Je suis vraiment trop bête, j'ai pris ça comme un défi, bosser avec Zee, se côtoyer du matin au soir, je l'ai envisagé comme un challenge et j'ai accepté sans réfléchir.

- Quel con...

J'ai fait le beau la dernière fois mais ça ne m'enchante pas de devoir supporter ce coincé du cul des heures durant et dans un espace clos. Je le connais très bien, c'est un tortionnaire, un fou de travail, un taré du nettoyage et un féru de contrôle, tout ce que je déteste, ou plutôt, que j'ai appris à détester avec le temps.

Le revoir après un an a été un choc, pas aussi grand que celui après son absence de six ans, mais ça m'a quand même chamboulé. Toujours cette même mine fermée et soucieuse, toujours ces mêmes traits durs et tirés, toujours ce même regard sombre et éteint. Je ne sais pas ce que j'espérais avant de le retrouver, le découvrir plus épanoui ou au contraire dévasté, l'un ou l'autre je présume. Mais au final ça n'a rien été de tout ça, Zee est resté le même être froid et peu avenant, surtout à mon égard.

Broyer du noir n'étant pas trop mon genre, je me décide enfin à prendre l'accès réservé au personnel pour débouler directement dans les vestiaires, enfin, si on peut appeler ça comme ça. Pourtant, c'est avec surprise que je découvre mon habit de travail ainsi que ma charlotte, le tout parfaitement bien plié, avec mon nom dessus. Estomaqué qu'il ait pensé à inscrire mon patronyme sur le vêtement, je me dépêche de retirer mes bagues et de tout enfiler. Et c'est avec la charlotte dans la main que je m'apprête à faire face au loup noir.

- Je t'ai dit de venir plus tard et tu abuses déjà, grogne-t-il sans lever les yeux de ses choux à la crème.

- A deux minutes près je...

- Deux minutes après l'heure, on appelle ça être en retard ! me coupe-t-il sèchement en se relevant, dardant un regard courroucé sur moi.

Je suis là depuis quoi, trente secondes, et il est déjà en colère contre moi, à croire qu'il exècre déjà tout ce que je suis.

- Viens, approche-toi, je sais que tu as des bases solides et une bonne expérience derrière toi, mais aujourd'hui tu vas surtout regarder pour voir comment je travaille et comprendre ce que j'attends de toi.

- Je suis sous tes ordres, patron, je susurre d'une voix doucereuse qui le fait tiquer.

Ce léger frémissement des sourcils, c'est ce que je cherche sans cesse à provoquer chez lui, alors qu'il est si désespérément imperturbable en toute circonstance. J'ai conscience de mal agir, que ça ne fera qu'aggraver la situation dans laquelle on se trouve, mais j'avoue que j'y prends un malin plaisir. Et puis surtout, j'aime croire que je suis le seul à pouvoir influencer un tant soit peu ses humeurs, même si c'est toujours pour les assombrir.

- Mets ta charlotte, me lance-t-il sèchement. J'imagine que ça te contrarie de ne pas être à ton avantage mais ici, tu ne verras personne d'autre que moi et parfois Elouan.

- Ça ne me dérange pas, je minaude en l'enfilant délicatement. Même avec un sac poubelle sur la tête, je resterais aussi craquant.

Voilà, encore ce petit tic nerveux qui vient agiter ses doigts qui pianotent nerveusement sur le plan de travail. Je me repais de chaque infime détail qui me prouverait qu'il réagit à ce que je dis, à ce que je fais, à ce que je suis au final. C'est toujours mieux que l'ignorance de toute façon.

Hate Loving YouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant