Chapitre 7 - Partie 2

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Juin 2021

Nous devons attendre début juillet pour avoir nos résultats exacts aux examens. Depuis que j'ai passé les rattrapages, je me sens déjà un peu mieux. Quoi qu'il en soit, j'ai fait de mon mieux. Lauria m'a annoncé hier qu'elle rentrait chez elle aujourd'hui, me disant simplement que l'appart est à nous puis me demandant quand est-ce que je compte rentrer chez mes parents pour les vacances.

« Tu comptes faire quoi pendant les vacances ? » je demande à Harry en me tournant vers lui qui est installé sur le canapé, tapant je ne sais quoi sur le clavier de son ordinateur.
« C'est une excellente question. Je n'ai pas encore réfléchi. » répond-il sans lever les yeux de son ordinateur. « Je pense que je vais devoir rentrer chez moi. J'appréhende un peu mais je ne vais pas avoir le choix. Déjà le fait que je sois parti, ma mère a eu du mal à le digérer, sans oublier le fait qu'au bout d'un an, j'ai coupé les ponts avec tout le monde, donc je serais étonné de me faire accueillir à bras ouverts. » m'explique-t-il en fermant son ordinateur qu'il pose sur la table basse.
« Tu sais, on peut te laisser l'appart. Je vais redescendre, mais tu peux rester là, si tu veux.
- C'est gentil, mais il faudra que j'affronte tout ça un jour. C'est bien d'être parti et d'avoir voulu prendre du temps pour moi, mais même si ça m'a été bénéfique, je ne pourrai pas fuir indéfiniment. Un jour où l'autre, je devrais prendre mes responsabilités. Et même si j'ai cessé de parler à tout le monde de mon plein gré, ça n'empêche pas qu'ils me manque.  Beaucoup. Ils restent ma famille malgré tout. Je ne sais pas s'ils comprendront ce besoin que j'ai eu de m'éloigner. La seule chose que je sais aujourd'hui, c'est que bien malgré moi, je leur ai imposé mon choix. Je n'ai jamais aimé imposer les choses étant donné que je déteste qu'on m'en impose. Mais là, c'était devenu plus que nécessaire. Justement parce que notre famille est tellement « famille », que... Qu'ils n'auraient pas pu comprendre que moi, j'ai besoin de m'éloigner de notre famille. Parce que, qu'à la génération de mes parents, ils aient été famille, que la famille ait « réellement » été parfaite, d'accord. Hors là, c'est loin d'être le cas. On cache les choses, on les tait... Et c'était quelque chose que je ne pouvais plus supporter.
- Tu sais que si tu veux en parler, je serai là ?
- Je sais, merci. Mais, je pense que tu as lu la lettre que j'ai posé dans ta chambre l'autre jour. Je te le dirai, mais par écrit. »

Harry me demande quand est-ce que moi, je compte descendre, et c'est vrai que s'il n'avait pas débarqué dans ma vie une nouvelle fois, je ne serais probablement déjà plus sur Paris aujourd'hui, je serais rentré chez moi dès la fin de mes rattrapages. Je pense rentrer d'ici une ou deux semaines, mai d'un autre côté j'ai envie de profiter du retour de Harry.

En me disant ça, je me souviens que je repousse toujours la discussion. Harry a bien tenté de relancer le sujet une ou deux fois, mais j'ai coupé court ou ignoré ses paroles pour parler d'autre chose.

J'ai jeté un coup d'œil vers la fenêtre et en voyant le ciel bleu, sans aucun nuage, et ai proposé à Harry que nous allions nous balader. J'aime bien aller au jardin des Tuileries. L'été il y a du monde, mais à cette période, les enfants ont encore école, les adolescents n'ont pas terminé les cours, et les parents travaillent. Je prends quelques photos avec mon téléphone, comme chaque fois que je viens, puis après quelques dizaines de minutes à arpenter les allées du parc, nous nous posons sur un banc devant la fontaine.

Elle est bien plus grande que celle qui vient hanter mes pensées. J'ai fait un rêve qui m'a surpris, cette nuit. J'étais à la fontaine à laquelle j'ai rencontré Harry, assis sur son rebord, les doigts frôlant la surface de l'eau, j'avais mon âge actuel. Après un temps qui m'a semblé infini, je me suis tourné violemment, manquant de glisser dans la fontaine. Un bras m'a retenu, et les yeux contre lesquels se battaient à présent les miens m'observaient. Leur chaleur habituelle avait disparu, ils n'avaient plus rien d'apaisants. Ils n'étaient plus que froideur et... Peut-être détresse ? Peur ? Tristesse ? Angoisse ? Je ne saurai pas nommer précisément ces lueurs que je perçois au fin fond de son regard qui reste fixé sur moi. J'essaye d'approcher ma main, je la tends. Mais c'est comme s'il n'était pas là. Enfin, comme s'il était là mais qu'il ne l'était pas. Lui tient mon poignet mais je suis incapable de le toucher. Comme si, tout en étant juste à quelques centimètres de moi, il était en fait à des mètres et qu'il était trop loin pour que je ne puisse que l'effleurer. J'ai tenté de prendre appui sur mes jambes pour me lever, mais je ne pouvais pas bouger quelconque autre partie de mon corps que mon bras. J'ai essayé de l'appeler, mais ses yeux semblent à présent vidés de toute émotion. J'ai senti mon cœur s'emballer sous l'angoisse qui s'emparait de moi. Comment cet être qui était aussi cher à mes yeux pouvait-il se trouver devant moi, paraissant presque être une statue, aussi vide de vie ? Je voulais qu'il se réveille. Je voulais qu'il me parle, qu'il me regarde vraiment, pas que son regard soit perdu dans le vague, qu'il me voit vraiment. J'avais besoin qu'il soit réellement là.

Le temps d'avancer [L.S]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant