CHAPITRE VI

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  Dehors, le ciel s'assombrissait de plus en plus. Les oiseaux, en groupe fuyaient un point de l'horizon pour un autre. Les nuages gris se faisant plus nombreux, le vent frais qui se faisait entendre en légers sifflotements, semblait malmener les feuilles d'arbres, qui virevoltaient dans tous les sens.Il ne fallait pas être météorologue pour savoir qu'une pluie diluvienne, longue et intense se préparait.

  Assise près du rebord de la fenêtre sur une chaise, j'observais sans vraiment le faire, le paysage à travers la vitre. Je cherchai du regard un point à fixer, autre que le tube blanc que je tenais en main. Je dûs pourtant me résoudre à reposer mon regard anxieux sur le petit cadran numérique d'où était visible deux traits verticaux. Je tentais lentement d'assimiler l'information qui me sautait aux yeux.

J'étais enceinte ! Je portais en mon sein, un petit être qui allait grandir et s'épanouir en moi. Un être qui allait grandir dans cette maison, où Vladimir et moi nous étions installés deux ans auparavant. Même en me souvenant de cela aujourd'hui, la joie reste la même.

  Tout s'était passé si vite depuis mon mariage. Vladimir avait entamé sa carrière politique et repris le flambeau du parti de son père, à la suite de ce dernier qui avait pris sa retraite. Il avait toujours eu l'intention de se lancer dans la politique, c'était d'ailleurs les sciences politiques qu'il avait étudié. Ce gré à gré semblait enchanter les partisans, se faisant de plus en plus nombreux aux réunions et assemblées. Jusque là être la brue d'un député ne me posait pas d'encombrement, mais être l'épouse d'un futur député c'était une toute autre affaire.

  Sous forte recommandation de Vladimir, nous disposions d'une conseillère en image, qui se chargeait d'entretenir notre image publique. Je me devais d'être toujours présentable, élégante et souriante, en toute circonstance. La moindre apparition que je faisais était calculée et planifiée. Sans que je ne le souhaite, sans même que je ne l'anticipe, mon mariage avec Vladimir Nsang m'avait octroyé un pseudonyme particulier :<< La femme de Mr. Nsang >>. C'était devenu une périphrase qui à elle seule, me définissait, comme si je n'avais plus de nom. Cette appellation l'était devenue.

Mon mari débutait sa campagne pour les élections législatives prochaines. Il lui fallait donc bien évidemment à ses côtés une femme dont le public saurait plus facilement se sentir proche. J'assistais à ses meetings en plein air, participait à des œuvres caritatives de part et d'autre du pays. Jamais auparavant je n'avais autant voyagé. C'était à peine si j'avais pensé, comme une jeune mariée ordinaire, à faire un enfant. Près de deux ans de mariage sans enfant et maintenant cela me prenait de court.

Ce fut finalement au cours d'un dîner avec ma belle famille, quelques semaines plus tard, que Vladimir et moi décidèrent d'annoncer l'heureuse nouvelle. Sa mère, en plus d'être comblée de joie, fut rassurée du fait que je puisse finalement enfanter, elle qui commençait à remettre en question le fait que j'en sois capable. J'avais dû essuyé plus d'une fois ces sous entendus insultants quant aux deux années de mariage sans enfant. Jusque là, je ne me sentais pas prête physiquement et mentalement pour tomber enceinte.

Mon époux quant à lui, préparait déjà le terrain pour les élections et devait se faire un nom et une place. Rien n'avait été prévu mais que nous le voulions ou pas, nous ne pouvions plus qu'assumer. Mon beau père fut tellement heureux d'apprendre cela qu'il fit ouvrir à l'instant une bouteille de champagne, tant il était content de savoir que son sang se transmettait de nouveau. Nous passâmes cette soirée à rigoler en pensant déjà au futur membre de la famille.

Mais ma vie et ses tournures, je les connaissais assez. Assez pour savoir que cette période d'accalmie laisserait place très bientôt à des évènements tristes. Je ne savais pas quand, je ne savais pas comment mais je savais bien que cette situation idyllique ne durerait pas. Ce pessimisme et cette paranoïa quelque peu inexpliqués reparaissaient sur mon apparence. Mais je sortais toujours habilement l'excuse de la fatigue dûe à ma grossesse pour me dérober des interrogatoires gênants de ma belle-mère et de mon entourage.

Les Tréfonds de L'âme Où les histoires vivent. Découvrez maintenant