C'était une matinée calme, rythmée par une averse qui partout laissait se dégager les effluves d'humidité. Il n'y avait ni grand vent, ni éclair, ni tonnerre. La pluie cessait puis reprenait, sans toutefois éclipser le soleil, dont les faibles rayons éclairaient partiellement le ciel, reprenant de temps à autre le dessus sur les quelques nuages grisâtres.
J'étais assise sur un banc dans la grande cour de l'orphelinat, regardant les jeunes enfants se livrer à toute sorte de jeu, en rigolant. C'était ce que je trouvais de si beau et de si enviable chez les enfants : leur insouciance.
La plupart de ces jeunes que je voyais rire et sautiller dans le gazon, n'avait plus de parents, qui sans doute étaient décédés, sans pouvoir confier leur progéniture à quelqu'un. Les quelques d'entre eux qui avaient encore de la famille, avaient été rejetés par cette dernière. Cela revient peut-être au même. Que les parents soient morts ou qu'ils aient fui leurs responsabilités, ils ne sont pas présents. C'est pareil.
J'ai pourtant souvent entendu dire qu'avoir au moins ses parents en vie était une grâce. Mais alors peu importe s'ils sont à vos côtés ? N'est ce pas plus douloureux de les savoir en vie mais ayant nié leur rôle ? Ou n'est ce pas mieux de les savoir morts, pour au moins n'avoir de rancœur envers personne ? Je crois que finalement rien des deux n'est agréable ou même <<préférable>>.
Mais tout ça, des enfants ne le connaissent pas. Ces orphelins que j'avais à quelques mètres de moi, n'avaient pas conscience de tous les malheurs qui les entouraient. Ou du moins, ils faisaient mine de ne même pas en tenir compte. Leurs uniques préoccupations étaient de manger, de dormir et de jouer. En les observant, je me surpris à regretter cette époque ou ma vie ne se résumait elle aussi qu'à ces trois choses.
Une fois par mois, le dernier jeudi du mois plus précisément, j'avais l'habitude de me rendre dans cet orphelinat, où je faisais régulièrement des dons, de m'asseoir sur ce banc et de laisser passer le temps durant toute la matinée.
Ce jeudi là, à cause du climat assez déroutant, vacillant entre soleil et pluie, le gazon répandait dans l'air une odeur agréable d'herbe mouillée. C'était bon à respirer.
C'est alors que je vis entrer par la grande grille servant de portail à l'orphelinat, un homme dont l'allure me disait vaguement quelque chose. Pas très grand de taille, assez clair de peau, la silhouette légèrement arrondie vers l'avant. Il me fallut quelques secondes à peine pour confirmer ce que je croyais déjà savoir. L'homme, après avoir discuté brièvement avec le gardien, se mit à avancer vers la pelouse, regardant dans ma direction. Je feignis ne pas l'avoir vu et continuai à regarder les enfants.
L'homme en question c'était Oscar. Ce même Oscar que j'avais rencontré plus d'un mois auparavant sur le pont du Wouri, la nuit de la célébration des dix ans de règne de Vladimir à la tête de son parti politique. Que pouvait bien fait Oscar là ? C'était bien trop étrange pour être une coïncidence. Mais je ne pouvais pas le repousser ou lui demander de s'en aller. Je n'en avais ni la possibilité, ni la force. Je n'allais pas faire un scandale dans cet endroit, juste pour l'obliger à partir. Il était aussi libre que moi de venir dans cet orphelinat.
Oscar vint s'asseoir sur le banc où je me trouvais. Je fis signe à mon garde de corps, qui s'apprêtait à intervenir, de ne rien faire. J'étais tentée de me retourner vers lui Oscar mais je conservai ma position, inclinée du côté où les petits jouaient, lui donnant ainsi le dos.
— Tu ne te ronges plus les ongles à ce que je vois, débuta t-il
— J'ai arrêté depuis longtemps, confirmai je sans y accorder trop d'importance
Sa question n'avait absolument aucune importance, en fait. Il l'avait posé simplement pour entamer la conversation. Il ne savait pas à quoi s'attendre alors, il s'aventurait tout doucement, en tâtant le terrain, sans directement rentrer dans le vif du sujet.
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Les Tréfonds de L'âme
Mystery / Thriller« Le malheur de l'homme vient de ce qu'il a été d'abord enfant » René Descartes Alors qu'elle est devenue l'épouse d'un député fortuné, mère d'un petit garçon et femme influente, Isadora demeure hantée par les troubles de son enfance. Une enfance...