CHAPITRE XVI

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  Mon fils me sauta dans les bras, dès que j'entrai. Il était vraiment heureux de me voir. J'étais sortie très tôt le matin, et n'étais rentrée que vers six heures du soir. Sur le sol froid du salon, Guillaume jouait à un puzzle. Il se leva et me serra dans ses petits bras.

Il me suivit ensuite jusqu'à notre chambre, pour m'y raconter sa journée, comme il le faisait chaque jour. Je prenais toujours plaisir à l'écouter me conter ses aventures et mésaventures quotidiennes. Sauf que ce soir là, j'avais autre chose en tête. Je l'écoutais sans vraiment comprendre.

En quittant l'appartement de mon père quelques heures plutôt, je n'étais pas d'humeur pour rentrer directement à la maison, et jouer à l'épouse et maman parfaite. Je demandai au chauffeur de faire un petit tour dans le centre ville. Le temps s'écoula lentement, pendant que j'observai à travers la vitre, le panorama urbain qui s'offrait à moi.

Tout à partir de ce moment là, devenait incertain. Mais une chose était sûre, il me fallait continuer ; au point où j'en étais, je devais continuer. Je sentais que j'avançais, même si ce n'était qu'un peu. Oscar avait eu raison.

Je traversai pour me rendre la chambre conjugale, le bureau de Vladimir, où il était enfermé depuis des heures, selon les dires de mon fils. Il en sortit quelques minutes plus tard et se dirigea vers la salle à manger. Mon fils et moi l'y rejoignîmes par la suite. Le dîner se passa calmement.

Vladimir me questionna un peu au sujet de ce que j'avais fait pendant la journée, de ce qui avait pu me retenir hors de la maison si longtemps. J'inventai un prétexte, qu'il eût du mal à croire. Mais il se retint d'aller plus loin ; notre fils était présent à table avec nous.

Depuis peu, mon époux se contenait émotionnellement. Il ne piquait plus de crises pour tout et n'importe quoi. il retenait même ses coups. La dernière fois, j'avais fini à l'hôpital, avec un bras cassé. L'honorable avait bien compris, que ses actes laissaient des traces trop visibles. Il faisait donc plus attention.

Mais je savais bien, que ce Vladimir agressif et insensible n'avait pas totalement disparu. C'était mon mari ; je le connaissais trop bien. Cette partie de sa personnalité s'était dissipée pour un temps, mais ne tarderait pas à refaire surface à la moindre bavure.

De plus, il était très pris par ce voyage d'affaires qu'il prévoyait depuis quelques semaines déjà. Accompagné de quelques amis, il avait prévu un séjour de deux semaines ou un peu plus au Canada. Mon mari voyageait souvent pour l'étranger, habituellement c'était dans des pays africains ou au moins européens. Cette fois, c'était pour un investissement dans une multinationale, basée au Québec.

Intérieurement, je me réjouissais de le savoir si loin pendant un bout de temps. J'aurais sans doute du mal à m'investir complètement dans mon enquête, avec un mari aux aguets, attentif à toutes mes actions. Je n'avais pas parlé d'Oscar à Vladimir. Je n'aurais pas su comment lui expliquer notre rencontre. Je ne voulais surtout pas être celle qui réveillerait la colère de l'honorable. J'en avais suffisamment payé les frais.

Mon mari verrait d'un très mauvais œil, que je côtoie un autre homme que lui. Il était le seul, il l'avait toujours été. Et plus que tout, il voulait le rester.

Le constat que j'avais fini par faire au bout de toutes ces années, c'était que mon mari, aussi confiant et imposant qu'il pouvait paraître aux yeux du monde entier, manquait cruellement d'assurance en lui-même.

Il avait besoin de porter les plus belles montres, de se vêtir des costumes les plus chers, de s'entourer d'employés et de domestiques, de posséder une femme jolie et silencieuse, d'avoir un fils intelligent et obéissant, pour se sentir exister. Il s'était surtout créé une existence. Une existence merveilleuse certes, mais fragile, susceptible de disparaitre en une fraction de seconde.

Les Tréfonds de L'âme Où les histoires vivent. Découvrez maintenant