CHAPITRE IX

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- Votre mère est décédée madame, j-j-je suis désolée, toutes mes condoléances madame, je suis vraiment désolée

- ...

J'étais tétanisée. Je sentis mon corps se raidir, se figer. Sans rien répondre et ne sachant quoi faire, je raccrochai au nez de l'infirmière personnelle de ma mère, qui était en pleurs. Je posai mon portable sur la table basse. Ce n'était pas tellement la nouvelle en elle-même qui me mettait dans cet état. C'était surtout de ne pas savoir comment réagir.

Une personne ordinaire, lorsqu'on lui annonce le décès de sa mère, celle qui l'a mise au monde, devrait se sentir extrêmement mal, devrait être en pleurs. Là était justement mon problème. Je n'étais pas une personne ordinaire et ma mère n'était pas une mère ordinaire.

Notre relation était creuse, vide de toute émotion positive. J'avais beau me forcé, les larmes ne venaient pas. Pleurer aurait été de l'hypocrisie. Je ne me sentais pas bien mais pas mal non plus. Cette femme m'avait inspiré durant la majeure partie de ma vie, la peur, la froideur et le mépris.

Beaucoup pensent qu'il est impossible que la femme qui vous ait donné naissance, ne vous aime pas. Beaucoup croient que l'amour maternel est quelque chose qui naît en même temps que l'enfant. Ou que c'est un dû. Si tel est le cas, ma mère y aura échappé. Il est possible de ne pas aimer un enfant qui est le nôtre. Ma mère en était l'exemple idéal.

Je ne saurais peut-être jamais pourquoi ma mère avait été comme cela, pourquoi est ce qu'elle avait si méprisante à mon égard. La réponse à cette interrogation, elle l'avait emporté dans sa mort. Ce passé resterait donc notre petit secret à elle et moi. Enfin, c'est ce que je croyais à cette époque là.

Je n'avais plus cherché à connaître la raison de son comportement. Plus jeune j'avais essayé et ça n'avait pas marché. Alors j'avais décidé pour mon propre bien, de ne plus me demander pourquoi, de ne plus me tourmenter. Je l'étais déjà assez.

Malgré tout ceci, je me sentais pourtant envahie par un certain mal-être. De la tristesse parceque ma mère était décédée sans que je ne puisse lui poser ces questions qui m'avaient toujours hanté et de la culpabilité parceque je m'en voulais de ne pas suffisamment souffrir de cette perte. Et c'était ce qui me bouleversait le plus. Pourquoi étais je si sensible ? Si fragile ? Et ce, même lorsqu'il s'agissait d'une personne qui ne m'avait presque jamais démontré de l'empathie.

Aux yeux du reste du monde, j'étais la femme endeuillée et inconsolable. Je devais du moins, me comporter comme telle. C'était un samedi matin, paisible et calme comme les autres. Mon fils jouait dans le jardin, je le regardais faire depuis le salon, grâce à la baie vitrée. Mon mari était enfermé dans son bureau depuis des heures et n'en était pas sorti. Il me fallut pourtant lui annoncer la nouvelle après avoir frappé à sa porte.

Ces derniers temps, Vladimir se comportait différemment. Ce n'était pas nouveau. À chaque fois qu'il se comportait mal c'est à dire qu'il était extrêmement violent, au point de me laisser des séquelles physiques persistantes, il tentait de se faire pardonner. Il devenait l'homme le plus tendre de l'univers. Par soi-disante culpabilité ou peut-être dans le but de m'amadouer comme le loup amadouait le petit chaperon rouge, pour mieux la manger par la suite.

Il me prit doucement dans ses bras et me couvrit le front de baisers. Ces moments là suffisaient, aussi étrange que cela puisse paraître, à me faire oublier les cris, pleurs et coups de ces nuits froides et horribles où je tentais bien que mal de rester en vie. Comme l'avait dit une de mes auteures favorites, les femmes sont des fillettes toute leur vie, une caresse les console, un petit oubli les brise. Les petites attentions de Vladimir suffisaient à m'attendrir ou plutôt à me laver le cerveau.

Les Tréfonds de L'âme Où les histoires vivent. Découvrez maintenant