Prologue - Réécrit

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Aéroport Charles de Gaulle, 28 Août - 20H45.

Et si je déteste New-York?

Observant le tableau d'affichage, je ne peux réprimer ma pensée. L'impatience me ronge lentement, jouant avec mes nerfs et mon esprit. Assise sur les sièges inconfortables de l'aéroport, il m'est impossible de contenir mes doutes. Pourtant, je rêvais de ce moment depuis de nombreuses années. Mais alors que le départ approche, l'incertitude monte. Tel un poison, elle s'infiltre dans ma conscience, tuant avec minutie tout le bonheur que je n'arrive pas à retenir.

Les hurlements d'un enfant me font baisser le regard. D'un sourire gêné, le père tente de le calmer, sans grand succès. Cela n'empêche pas la femme située à sa droite de lire tranquillement, ni à l'homme sur ma gauche de travailler sur son ordinateur. Les yeux fixés sur son écran, je ne crois pas qu'il entende ce qu'il se passe autour de lui. Dans ce vaste hall, le monde se rencontre sans se croiser. Les discussions sont muettes ou, au contraire, intenses. Certains ont les larmes aux yeux, tandis que d'autres ont un sourire éclatant sur leurs visages.

- Arrête de bouger ta jambe Lou, ça me stresse encore plus.

Stoppant les battements de jambes commencés inconsciemment, je laisse échapper un souffle fort. L'impatience a laissé place au stress, le doute a laissé place à la peur. À mesure que les minutes s'égrènent, je ne suis dirigé que par mes nerfs. Augmentant le son de la musique, j'essaye de calmer les battements de mon cœur bien trop rapide. Cependant, ma gorge se serre de plus en plus, troublant ma vision et comprimant ma poitrine. Ça a été moi et mes mères pendant dix-neuf ans. Dans maintenant cinq minutes, ça ne sera plus que moi de l'autre côté de l'océan et cela me terrifie. Enlevant mon casque quand je sens que l'on me tape l'épaule, je croise le regard inquiet de ma mère qui s'affole:

- Tu as tous tes papiers? Passeport? Questionnaire? Tu sais où ils seront quand tu descendras?

Sidérée par l'avalanche de questions, je reste muette et tente de comprendre ce qu'elle vient de dire. Frottant ses mains entre elles, elle ne peut plus contrôler son stress qui, par conséquent, augmente considérablement le mien. Ses yeux bleus sont brillants, ses lèvres sont pincées: ses tentatives pour retenir ses larmes sont vaines alors que derrière moi, ma mère s'exclame fermement:

- Eulalie stop. Tu es en train de la faire paniquer plus qu'autre chose. Tu as déjà vérifié son sac trop de fois pour le compter.

- Rosalina, j'ai tous les droits de m'inquiéter.

Commence alors une discussion rythmée dans laquelle je suis complètement oubliée. L'embarquement va bientôt débuter et je partage un sourire amical avec le père devant moi, oubliant le temps d'un instant le lieu où je me trouve pour me retrouver dans le salon avec, en bruit de fond, les échanges vifs et amusants de mes parents. Ce n'est que lorsque nous entendons l'annonce assourdissante dans le hall que leur discussion s'arrête. La poitrine comprimée, c'est dans un lourd silence que nous nous rendons à la porte. Tandis que maman Eu porte mon sac, le bras de mama Ro se pose sur mes épaules. Laissant échapper un sanglot étranglé, je pose ma tête sur son épaule pour profiter des dernières secondes qu'ils nous restent.

- Querida, il faut que tu la lâches maintenant, l'informe mama.

Le couloir jusqu'à l'avion s'ouvre devant moi, et l'idée de faire demi-tour traverse mon esprit. Il est toujours plus facile d'imaginer les choses que de les réaliser. Alors quand nous comprenons ce que nous sommes en train de faire, il est plus facile de retourner en arrière et de retrouver le confort que l'on a toujours connu - même si la raison dit d'aller affronter l'inconnu.

Un dernier câlin, un dernier baiser et je quitte tout ce que j'ai connu jusqu'à présent pour monter dans cet avion. N'ayant plus la force de faire semblant, je m'installe les larmes aux yeux, en essayant de voir une dernière fois mes mères, sans résultats. L'empressement a annihilé la peur, les doutes se sont évanouis néanmoins les larmes continuent de couler. Pourtant c'est avec un poids en moins sur les épaules, une sérénité et une légèreté nouvelle que je ferme les yeux pour faire le premier pas de ma nouvelle vie.

À l'ombre d'une destinée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant