Les Gentlemans Changent

Chapitre 12 : Les intentions de chacune

Dès son retour, Christine exige sur le champ mon présentiel dans sa chambre. Je me prédis de lourdes remontrances en traversant le cadran de sa porte. Hors au lieu de me châtier, elle me résume plutôt ce qu'il s'est passé entre eux la semaine dernière et aujourd'hui puis me demande mon opinion. A son égard, je crois qu'il ressent plus que de l'amitié mais où cela les mènera-t-il à la fin ? Les invitations ont été envoyées. Steven Brown n'abandonnera pas sa petite-amie de longue date pour un amour qui vient tout juste d'éclore avec le risque supplémentaire d'être renié par sa propre famille. Ce serait cataclysmique pour sa carrière, son image et sa vie personnelle.

—Qu'as-tu l'intention de faire ?

—Je veux une réponse, dit-elle fermement

—Christine...

—Ne m'en dissuade pas April. Il peut épouser qui il veut mais je dois savoir si c'est moi qu'il aime !

Elle est têtue comme une mule, impossible de la rappeler à l'ordre. La connaissant, elle s'accrochera au dernier brin d'espoir jusqu'à qu'il prononce le fameux « oui » devant le prêtre.

—Je ne gâcherai pas son mariage April, je ne suis pas une briseuse de couple.

Inconsciente du tort qu'elle peut causer aux autres pour un « dernier » souhait, je me résille à la faire renoncer mais je désapprouve cette démarche qui n'aboutira probablement pas sur un simple « je t'aime ». Cependant, elle peut compter sur sa fidèle et loyale copine, Elsa, prête à tout pour son bonheur malgré l'approche de la période des partiels.

*

Derrière son écran, le second héritier de R-Field envisage sérieusement de prendre de longs congés dû à l'absence prolongée de son supérieur à l'étranger.

Lui et Jessica sont rentrés ce matin à New-York comme convenu au bout de sept jours mais une affaire imprévue a obligé le président à repartir toute de suite abandonnant sa conjointe au domaine familial. Ce déplacement a provoqué une réaction en chaîne dont un planning chamboulé, une réunion des actionnaires reporté et probablement des nuits écourtées. Il est 21h, une visioconférence avec son frère doit avoir lieu dans une heure afin qu'il lui récapitule tout du travail. Une discussion qui durera jusqu'à l'aube à cause du perfectionnisme de Russell.

Le cadet Howard consomme assez de caféine pour rester éveillé, son sixième de la journée. Il reçoit un appel, appuie sur le bouton de son oreillette en relevant qu'il n'est pas encore 22h et retourne à son bureau avec le café entre les mains.

—Matthew Howard, j'écoute.

—Bonsoir, salué-je joyeusement derrière le combiné

Ses yeux pétillent d'enthousiasme au son de ma voix. Voilà de quoi le réconforter avant le face-à-face tyrannique. L'aîné des Howards consacrait la quasi-totalité de son temps libre au boulot à l'inverse du cadet qui profitait pleinement de ses jours de repos. D'ailleurs, il doit remercier l'individu qui avait payée Jessica dans le passé. Avec son planning de ministre, il aurait été impossible qu'ils fassent connaissance en dehors des affaires.

Matthew modifie sa destination à la dernière minute et va s'installer sur le précieux canapé de son salon pour m'entendre récapituler ma journée.

—Alors ? Demande-t-il en sirotant son expresso

Allongée sur le matelas, je médite sur le problème que j'ai créé involontairement.

—Plutôt tranquille.

—Tu as l'air démoralisé, recense-t-il à travers le son de ma voix. Ils ne se sont pas réconciliés ?