Les Gentlemans Changent

Chapitre 14 : La famille

Au déjeuner, Russell nous sert en entrée une salade langoustine, en plat de la brandade de morue avec des légumes de saison et en dessert du tiramisu. Un délice. Durant le repas, lui et Matthew discutaient exclusivement de boulot pendant que Jessica et moi échangions sur nos expériences professionnelles et nos ambitions. Quelques fois, nous nous écoutions les uns et les autres mais très brièvement.

—La vaisselle, annonce l'avocate

Je me lève afin de filer un coup de main mais l'avocate me retient en otage sur ma chaise.

—Laisse les hommes s'en charger.

Le plus jeune me sourit puis disparaît dans la cuisine avec son patron.

—Encore félicitations pour le bébé. Vous allez lui créer une chambre personnelle ?

—Probablement, pense-t-elle. Russell viendra s'installer avec moi jusqu'à l'accouchement.

Cette nouvelle me trouble. Elle le voit et m'apaise avec son caractère insouciant.

—Nous ne sommes pas séparés, c'est provisoire.

—Ah, je...

Soucieuse pour leur avenir, j'ose la question indiscrète. La brousse ne s'en offusque pas et me répond avec honnêteté.

—C'est un tyran. Il rentre toujours tard du travail et veut toujours tout savoir sur moi.

—C'était il y a deux ans, il a peut-être changé.

—Nous verrons, dit-elle peu convaincue

—Et il ne vous manque pas ? Insisté-je

—Loin des yeux, près du cœur, cite-t-elle avec un sourire suffisant

Je serre la tasse devant moi. Je suppose que je suis trop jeune et inexpérimentée pour comprendre ce concept.

—Du thé ? Me propose-t-elle

—S'il-te-plaît.

—Est-ce que Matthew t'a parlé de sa mère ? Interroge-t-elle en me servant

Je secoue la tête, les yeux innocents.

—Son frère, parfois son père.

—Il est susceptible, note-t-elle en buvant sa tisane.

—Elle...elle est décédée ?

—Non, me rassérène-t-elle avant de détailler l'histoire

Leur mère s'appelle Tina Hopkins, c'est une ancienne top-model et aujourd'hui, gérante d'une agence de mannequinat à Londres. Après la naissance de son second fils, elle a privilégié sa carrière à la famille. A ses six ans, ses parents ont divorcé et elle a reçu de son ex-époux une prestation compensatoire aisée. Après ses dix ans, elle a définitivement quitté le pays et ne l'a pas revu depuis.

—A cause de sa maladie, monsieur Howard a été contraint de former Russell comme son futur successeur. Matthew, étant trop jeune, il ne lui a pas imposé ce fardeau. Cependant, il a été privé d'une partie de son amour paternel.

Je n'aurais jamais cru que derrière ses traits épanouis se cachait une enfance aussi pénible.

—Ce sont ses fils, elle ne les contacte jamais ?

—Pour l'argent et uniquement avec Russell, rapporte-t-elle dépitée

Je trouve dommage qu'une femme comme elle ne sache pas chérir des enfants aussi talentueux.

*

Un orage éclate en milieu d'après-midi suivi d'averses et de vents pour couronner le tout. Russell et Jessica ont été prévoyants de me faire visiter d'abord la serre familiale avant la villa. La promenade a été très sympathique pour nous tous. Vers seize heures, nous nous posons dans le salon pour goûter. Les macarons sont excellents.