Chapitre 25 : Caprice

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Le même jour, Russell décide de faire un détour chez son jeune frère, déterminé à le ramener à la raison cette fois.

—Les vacances sont terminées, déclare-t-il en remontant tous les volets

L'hôte, bien ancré sur son canapé, ne lui répond pas. Il est occupé à visionner une série qu'il peinait à suivre.

—J'ai fait preuve de bonté jusque-là, ajoute son frère d'un ton grinçant. Alors n'abuse pas.

—R-Field et toi n'avez pas besoin d'une merde comme moi, bougonne-t-il

—Tu n'es pas une merde, tu es un idiot, corrige-t-il vite. Et tu m'accompagneras, que tu le veuilles ou pas. Debout !

L'arrachant de force à son siège, l'aîné l'oblige à aller faire sa toilette dans la salle de bain.

—Un dîner professionnel, précise-t-il, en lui remettant un costume, couleur anthracite

Et il claque la porte pour ensuite monter la garde dans le salon. Matthew, épuisé de se cloitrer chez lui et de puer le vieux fromage, se dévêtit pour entrer dans la douche. Les jets d'eau chaude le ramènent peu à peu dans la réalité. Il nettoie son corps, se rince vigoureusement la figure et repense à moi et à nos souvenirs communs. Notamment mes premiers pas dans l'appartement, ma chute dans la piscine, le moment où il m'a porté ici pour que je me sèche etc. Chaque détail lui revient comme une donnée importante. Il m'aime et bien que ce ne soit pas lui qui l'ait suggéré, rompre a été la pire décision.

—Matthew ! Presse son frère en cognant sauvagement la porte

Il respire calmement et récupère petit à petit sa raison. Oui, il m'a causé du chagrin. Oui, il a lui aussi souffert. Toutefois, trois semaines paraissent excessives comme punition et il compte bien l'arrêter le plus tôt possible. Son nouvel objectif : me reconquérir. Et pour ça, il va falloir dorénavant se ressaisir, s'il ne veut pas poireauter encore cinq ans avant de retomber amoureux d'une autre femme. En plus, moi et mon colocataire, Davis, vivions sous le même toit. Pour lui, rien de plus facile que de venir dans ma chambre pour me consoler à sa manière. Étant vulnérable actuellement, les hommes plus expérimentés auront vite fait de me considérer comme une proie facile. Le brun rage à cette perspective. Il l'assimile alors comme un avertissement et éteint précipitamment l'eau pour sortir de la douche. Jamais il ne permettra à quelqu'un de le remplacer dans le rôle de petit-ami. JAMAIS.

*

L'ambiance dans la discothèque est nettement plus animée que dans le pensionnat. La foule, composée majoritairement que de jeunes, souhaitait boire et danser jusqu'à l'aube. A notre table, les garçons forçaient Davis à avaler une quantité incroyable de bières, sous prétexte que le taux d'alcool était bas. Pas un seul moment de répit depuis qu'il a prononcé son discours d'ouverture, hormis évidemment les allers-retours aux toilettes. Il y a aussi les filles, qui l'invitaient chacune leur tour sur la piste de danse. Pour une soirée d'anniversaire, je comparais plutôt ça à de la maltraitance. Maltraitance. C'est que je dois me maltraiter aussi.

Dans mon coin, à l'écart des groupes agités, je me saoulais silencieusement en enchaînant cocktail par cocktail sans me soucier de leurs ingrédients ou de leur prix. Le goût sucré me requinquait et la musique m'entraînait dans une tout autre dimension, comme pour me réconforter de ma rupture récente, à moins que ça ne soit l'effet de l'alcool dans mon sang. Peu importe, depuis le début de la fête, personne n'a encore remarqué ma triste humeur. C'est grâce à l'absence d'Elsa et de Christine, autrement, elles m'auraient vite percé à jour.

Vers 23h, l'air devient irrespirable autour de moi. Je suis alors obligée de sortir pour me rafraîchir les poumons. Demain, je garantis une gueule de bois phénoménale. Mon corps, mon sang et mes joues bouillonnaient à cause de l'alcoolémie. J'ai chaud extérieurement alors que mon cœur gelait à l'intérieur de mon être. Le contraste de l'été et de l'hiver, exactement comme mes sentiments contradictoires pour lui. Qui a affirmé que boire était la meilleure solution pour oublier nos problèmes ? J'ai une solution plus rapide et plus efficace. Je sors un objet de la poche de mon manteau et appuie sur le premier prénom qui hantait mon esprit.

Les Gentlemans ChangentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant