Chapitre 52

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[ Mention de maltraitance infantile / Point de vue : Théo / Memories - Yungblud ]

Assis dans une des banquettes rouges du restaurant, le temps passe lentement. Ma jambe bouge toute seule, mon pied tapant presque de manière régulière. Mon estomac serré, incapable d'avaler quoique ce soit. Mes doigts tapotent discrètement sur la table pendant que mon autre main suit mes mouvements de tête tout en soutenant mon menton.

Je ne peux pas m'empêcher de regarder par la fenêtre, puis derrière moi. Je passe une main dans mes cheveux et souffle un coup, écoutant d'une oreille distraite la musique, bien trop douce pour l'événement qui m'attend.

Maxime ne veut pas sortir de ma tête, tant son apparence délabrée que son comportement immonde. Il était censé être mort. Pourquoi est-ce qu'il revient me hanter ? Je m'en voulais déjà suffisamment comme ça. En plus, avec l'annonce de Chang concernant les monstres, je m'inquiète pour Sora, Gabi et Dylan. J'espère qu'il n'est rien arrivé.

Un coup d'œil à l'horloge murale en forme de pomme m'indique quatorze heures trente. A chaque fois que quelqu'un entre, un carillon tape dessus, produisant un son aigu pendant quelques secondes. Une serveuse habillée d'une chemise noire et d'un pantalon ample me demande avec impatience si je compte commander. Je lui réponds toujours la même chose depuis trente minutes : j'attends quelqu'un.

Elle s'en va directement en grognant, comprenant qu'il faut me laisser tranquille. Dehors, le parking se remplit peu à peu et un festival de voitures qui arrivent et qui partent se croisent. Soudain, une grande main se pose sur mon épaule protégée par une chemise bleue à carreaux, me faisant sursauter.

Une silhouette accompagnée d'une forte odeur de tabac froid s'assoit face à moi, pour mon plus grand désarroi. En voyant son visage rongé par les cernes, les poches, la fatigue, une barbe irrégulière collée sur sa mâchoire et ses cheveux dégarnis par endroit, mon cœur ne se calme pas. Il accélère davantage.

J'ai l'impression de me prendre tous les souvenirs, tous les coups passés en plein visage, comme une avalanche incontrôlable. Je déglutis et me redresse pour tomber dans la banquette, croisant les bras, comme pour me protéger d'une future attaque.

Ses yeux verts me fixent et son sourire semble triste. Il réajuste sa grande veste brune et se met à tousser. Après s'être raclé la gorge, l'homme sort une cigarette d'un paquet abîmé et la colle dans sa bouche.

— On ne peut pas fumer à l'intérieur, tu le sais, ça ? je lâche en le voyant prendre son vieux briquet Zippo orné d'une tête de mort grotesque.

— Oh, c'est vrai qu'il y a cette loi de merde, ronchonne-t-il d'une voix rongée par le tabac en posant sa cigarette.

— Depuis quand tu n'es pas sorti pour oublier ça ?

— Hier.

Je ne réponds rien et hausse les sourcils avec un sourire en coin. Ce mec me donne envie de vomir.

— Maintenant dis-moi pourquoi tu voulais me voir en urgence, je lui demande en essayant d'arrêter mes mouvements de jambe.

Il se racle de nouveau la gorge et range ses affaires, puis regarde le menu imprimé sur les sets de table.

— Doucement, fiston. Ça fait des années qu'on ne s'est pas vu. Laisse-moi au moins manger quelque chose avec toi.

— Tu me coupes l'appétit, je réponds sèchement.

Il se met à rire. Fort, comme toujours. Les autres clients nous jettent un regard surpris, presque apeurés. La serveuse de tout à l'heure revient, son bloc-notes et son stylo dégainés.

Blue Story - Tome 1 [1ER JET]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant