Blue Story - Tome 1 [1ER JET]

Chapitre 29

[ Point de vue : Dylan / One Little Lie - Simple Creatures ]

Le lendemain, je reviens en cours, la tête pleine de réflexions. Adrien n'est pas venu, sans doute par honte, tout comme ses potes qui ont connu les coups ravageurs de Sora et Gabi.

Eric ne me regarde pas, Kerem non plus. Il faut avouer que je fais un peu peur, avec mes blessures sur les bras couvertes de pansements ; c'est peut-être à cause de ça ? C'est vrai, j'en connais très bien la cause. La raclée que j'ai mise à Adrien, le fait que j'étais presque prêt à le laisser mourir. Mais le presque, est important dans ce cas de figure. J'ai essayé d'aider mais Gabi m'a rejeté, alors ce n'est pas ma faute.

A midi, je m'assois à leur table, comme si de rien n'était, provoquant un silence gênant entre eux. Je déglutis, mal à l'aise, pose mon plateau doucement, comme si je rendais les armes à un rendez-vous de gangsters, pousse la chaise vers moi et m'y installe avec délicatesse.

Eric me fixe droit dans les yeux, sa joue gonflée par le coup pris la veille. Impossible de comprendre ce qu'il ressent, je n'ai pas été programmé pour ça. Kerem, lui, évite le contact à n'importe quel prix, plongé dans un manga papier.

Une tension se fait ressentir entre nous, l'ambiance est froide, le cœur n'y est plus, comme si les moments passés ensemble s'étaient effacés de nos mémoires. Comme si nous étions de parfaits inconnus.

C'est difficile de ne pas s'attacher à quelqu'un que l'on côtoie tous les jours. En cours et en rentrant à la maison, lors des soirées, dans les couloirs, à table, devant un écran, devant les jeux vidéo.

Je repense aux paroles de Gabi, tout en continuant à fixer Eric. Il a pris un coup pour moi. C'est vrai. Il s'est mis en danger pour me sauver les miches. Moi, un imbécile qu'il connaît depuis quelques semaines seulement, arrivé dans sa vie du jour au lendemain, perturbant son duo de choc avec Kerem et ses habitudes.

A ces pensées, je suis pris d'un sentiment de culpabilité désagréable, qui me prend à la gorge et me donne l'impression d'étouffer.

— Eric, je suis vraiment désolé, je lance sur un ton désolé. Je me suis comporté comme un con et tu as pris un coup alors que c'était mon problème.

— C'est rien, Adrien saoulait mon pote, il l'a cherché, on se serre les coudes. Ce qui me désole, c'est que tu étais prêt à le laisser mourir sans bouger le petit doigt. Tu m'as déçu, tu m'as fichu la trouille...

Je considère ses paroles et son visage qui semble gêné, effrayé et mal à l'aise. Je suis mauvais dans ce genre de situation mais c'est ma cible, il faut que je garde ça en tête.

— Tu viens, Kerem ? On a des trucs à faire.

Les deux s'en vont sans un regard vers moi. Laissé à l'abandon, je reste là, con, au milieu du réfectoire, sous le bruit ambiant des étudiants.

***

Je me sens triste et Théo ne va pas arranger la situation. Il vient nous chercher avant la fin des cours, nous ramenant fissa à la baraque pour organiser une réunion de crise dans le jardin, avant qu'Eric et Ani ne rentrent.

Dans la voiture, il nous informe qu'il est au courant de ce qu'on a fait parce qu'il surveille les comptes sociaux des élèves de la classe. Je sens que ça va barder pour nous...

Alignés, droits comme des piquets devant lui, tels des prisonniers attendant la sentence, Théo nous regarde avec agacement, les mains derrière le dos tout en faisant les cent pas devant nous.

Sora et Gabi affichent un air anxieux, eux aussi. Je déglutis, m'attendant à prendre une soufflante, ou pire : frappés.

— Vous avez compris pourquoi vous avez merdé, j'espère ? commence-t-il sur un ton menaçant, haussant la voix, habituellement douce, devenue rauque.