[ Point de vue : Dylan / Blue Moon Lofi remix ]
En ouvrant la porte de l'appartement, je tombe nez à nez avec Eskild. Il semble confus et me tend un sachet blanc en papier. En regardant dedans, je constate que ce sont les médicaments de Sora. Elle les a oubliés, cette andouille.
— Hm, merci, je lance. T'aurais pas vu Sora passer, par hasard ?
— Si, mais aucune idée d'où elle allait. Ah, il y a le toit au quatrième. Peut-être là-bas ? C'est tranquille.
Je ferme la porte de l'appartement après avoir attrapé mes clefs et ma veste. Bon sang, il faut que je la retrouve. Je suis resté bête quand elle a pleuré. Je ne savais pas comment réagir. Je suis vraiment nul, sérieux.
Je remercie Eskild et cours en enfilant ma veste de ce matin, salie et trouée. Le toit, ça me parait être une bonne idée. En arrivant au quatrième, je cherche une porte de secours. En arrivant là-haut, je constate que la nuit est tombée, calme, illuminée par la lune et les étoiles, un léger vent amenant des feuilles perdues.
La vue est vaste, immense, donnant sur une gigantesque campagne avec des champs s'étalant à perte de vue. Je m'assois au bord, passant mes jambes sous la clôture, posant mes mains autour. Sora regarde au loin, son poignet plâtré contre la structure, tenant une cigarette roulée dans l'autre main. De la musique lofi s'échappe de son téléphone.
Ses cheveux noirs volent doucement, la lumière de la lune se reflète dans ses pupilles et sa jambe recouverte d'un grand pansement bouge dans le vide. Elle tend la cigarette devant elle et la tourne plusieurs fois, comme pour l'examiner sous tous les angles.
— C'est quoi, ton histoire ? demande-t-elle soudainement.
Je suis étonné qu'elle veuille savoir, surtout comme ça, d'un seul coup. Est-ce que je suis prêt à la lui raconter ? J'ai envie de me sentir proche d'elle, alors je pense que oui.
— Eh bien, j'ai grandi près de Paris, je réponds en m'affaissant sur mes coudes. Mes parents avaient une usine de production de jus d'orange, donc ça allait niveau argent. A la maison, ça parlait pas mal anglais comme mon père venait de Londres.
— La classe, dit-elle.
— Je suppose. Au lycée, j'avais quelques potes mais c'était surtout pour pas être seul. C'est vite parti en cacahuète. J'ai eu une relation avec une fille qui était populaire. Je savais qu'elle était horrible mais je l'aimais. Alors je me suis pas méfié d'elle, au début, mais après avoir rompu, elle a diffusé des vidéos que je lui avais envoyées. Et je jouais pas aux cartes, si tu vois ce que je veux dire.
— Ah, oui je vois.
— J'étais réputé pour être assez impulsif et agressif alors ça a joué en ma défaveur. Elle s'est mise à raconter que j'étais violent avec elle et tout un tas de choses stupides.
— Sérieusement ? Mais qui fait ça ? s'indigne Sora.
— Je sais. Plus grand monde m'adressait la parole, sauf Gabi, qui était sortie avec elle aussi. Le pauvre a eu la même histoire que moi alors ça nous a rapprochés, je continue en me redressant.
— Attends, Gabi est sorti avec elle aussi ?
— Ouais. Le problème, c'est que j'étais tellement en colère que je me battais et que j'arrivais défoncé en cours. Autant te dire que ma scolarité a vite été interrompue. En plus, mes parents étaient endettés jusqu'au cou alors ils en ont vite eu marre de moi.
Je m'arrête, sentant mon cœur se serrer avec tous ces souvenirs désagréables.
— Ça craint... Et ensuite ?
— J'ai fini par crécher chez Gabi et on s'est retrouvés sans rien après l'incendie. On s'est retrouvés chez un copain qui a fini par nous jeter parce qu'on payait pas de loyer. La suite, tu la connais. Enfin, pas vraiment puisqu'on sait pas comment on a atterrit avec Chang.
Sora semble préoccupée par mon histoire.
— Finalement, tu me bats en termes d'histoire pourrie, lâche-t-elle.
Je ris.
— On verra bien. En plus, je suis persuadé qu'on a tous des histoires qui craignent, dans ce trou à rats. Et toi, c'est quoi ton histoire ?
Elle pose la roulée sur ses lèvres, toujours sans un regard vers moi, les yeux rivés sur l'horizon.
— Moi aussi, j'ai grandi près de Paris, dans un petit appartement. Mes parents étaient tout le temps au boulot. J'étais souvent malade quand j'étais plus jeune alors j'ai été en cours seulement à partir du lycée. J'allais mal et me faire des amis, c'était compliqué. Tout le monde était sans intérêt pour moi. J'étais dans ma bulle, dans mes livres et mes jeux vidéo, rêvant du grand amour et d'aventures.
Je l'écoute avec attention, surpris qu'elle accepte de me parler de son passé. On n'en parle jamais, de tout ça. En général, on préfère oublier, comme si venir à Seeds avait remis les compteurs à zéro.
— J'ai eu deux histoires, comme je l'avais dit. Une farfelue et l'autre sans grands feux d'artifices. Après il y a eu cette histoire avec cette fille, quand on était à la rue. Mais elle ne m'aimait pas, j'étais juste son amie.
Ses mots me prennent de court. Sora aimait une fille ? Et elle était à la rue ? J'avais cru comprendre que la galère avait été similaire de son côté mais je n'en étais pas sûr.
— Et ça ? je demande en désignant sa cigarette.
— C'était mon alliée au lycée puis je l'ai laissée tomber. J'ai décrété que je n'en avais plus besoin, jusqu'à aujourd'hui. La douleur était si grande que j'ai omis de résister.
Je comprends mieux. Je sors une clope de ma poche et un briquet. Je l'allume et range le feu mais Sora se penche vers moi, l'air de dire « Et moi ? ». Je m'incline à mon tour et nos cigarettes s'embrassent mais c'est comme si ses lèvres touchaient les miennes. Un frisson me traverse le corps et l'anxiété de la journée s'en va. Tout me paraît plus léger, plus facile.
En se détachant, elle glisse une main timide sur la mienne. Le rouge me monte aux joues, heureusement qu'il fait nuit. Sa peau est douce et laiteuse, une caresse calme et apaisante. Je me décide à tenter quelque chose et passe mes doigts entre les siens. Nos mains serrées l'une contre l'autre, j'ai du mal à me dire que ce moment est réel. Je veux continuer ce rêve si paisible.
Sa tête se pose contre mon épaule et ses cheveux chatouillent mon nez alors je me permets de les mettre derrière son oreille. Nous restons en silence comme ça quelques instants, qui paraissent beaucoup trop courts. Sora ferme les yeux et continue de sourire, comme si elle était apaisée, elle aussi.
— Joyeux anniversaire, Sora.
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Blue Story - Tome 1 [1ER JET]
Fantasy[⚠️ Histoire précédant la réécriture, cette version reste similaire, c'est surtout le début qui change] Sora, Gabriel et Dylan, 18 ans, ont tout perdus et se retrouvent malgré eux agents spéciaux, dotés de pouvoirs, à Seeds, une organisation secrète...