non je ne prends toujours pas les commandes (et oui j'ai la haine de la défaite de Novak)
Animus tristis in corpore sano
La vie n'a pas toujours été un enchaînement de doutes et de regrets, entre deux services et deux regards. En fait, la vie n'a jamais été autre chose que le tennis et la famille. Le plus dur avec cette double vision des choses est de placer les gens dans l'une des deux cases, pour savoir comment se comporter et ce qu'il doit dire. Sur le court, c'est facile de le déterminer, mais quand le match se termine, quand il se retrouve dans des bras fermes et couverts de sueur, il y a quelque chose qui l'empêche de vraiment savoir. Les frontières devraient être délimitées clairement, avoir des limites sensibles, mais il n'y a rien de tout ça, encore moins quand la sensation désagréable de se sentir à sa place entre deux bras faussement familiers le sortent de son rôle.
La vie n'a pas non plus toujours été une partie de cache-cache, entre ses démons et lui-même. Novak ne sait plus vraiment comment il s'est retrouvé contre un casier, à l'abri des regards, mais il a réussi à retarder l'échéance pendant encore plusieurs minutes. Au moins, dans les vestiaires, il a l'impression d'être en sécurité, par rapport au court. Même si, par rapport au court, Boris peut venir lui faire la leçon et le juger pour sa nouvelle défaite. Ou alors, Andy peut le voir. Ce serait la pire chose. Encore une bonne raison de replier ses bras contre lui, contre son haut trempé de sueur et de larmes, pour se faire oublier derrière le casier.
Ce n'est pas la première fois que Novak se retrouve piégé dans cette situation, sauf que maintenant il n'a plus douze ans, et même si c'est toujours l'Angleterre, il n'a plus aucune raison d'avoir peur ou de se cacher. Il n'y a pas d'enfants anglais prêts à se moquer de lui, de son accent ou de ses origines. Il n'y a pas le spectre de Roger Federer raflant tout à la télé, pour lui rappeler à quel point il ne pourra jamais être aussi grandiose. Il n'y a plus de raison d'enfouir ses joues sous ses mains après une défaite contre l'un des enfants l'insultant.
À cette époque, Novak aurait pu abandonner et faire comme si les sacrifices de ses parents n'avaient jamais eu lieu, il aurait pu prétendre que le tennis n'était pas sa vocation et que le manque de la Serbie était trop cher pour lui. Mais maintenant, il ne peut pas abandonner, parce qu'il est numéro deux mondial et que ça lui tient à cœur de récupérer son titre, le même titre qu'Andy vient de confirmer contre lui quelques minutes plus tôt durant la finale des Masters.
Novak n'abandonnera pas, mais ce n'est pas parce que Boris est sur son dos ou parce que Jelena l'a un jour aimé. C'est au fond de lui que ça se joue, pour cet enfant qu'il a un jour été, perdu entre deux couloirs, deux langues et deux cultures. La seule chose pour laquelle il a toujours été doué est le tennis, et il n'a pas encore trente ans, c'est trop tôt pour laisser Roger et Rafa faire bande à part. Il ne peut pas laisser Andy tout seul avec ces deux-là non plus.
Andy qui était là pour lui quand il n'y avait personne d'autre. Son accent écossais coriace le protégeant des autres enfants, ses bras déjà forts autour de lui quand ils gagnaient en duo, ses boucles toujours devant lui pour le guider à travers le centre sans jamais le laisser de côté, même pour Jamie. Sa main douce toujours dans la sienne quand il fallait faire face à une nouvelle insulte.
Seigneur, Andy lui manquerait trop s'il devait abandonner et tout plaquer pour cette simple défaite. Et Andy ne lui pardonnerait jamais. Et Andy ne se le pardonnerait jamais non plus, s'il partait maintenant, après qu'Andy l'ait battu devant Londres, son peuple qu'il le veuille ou non, alors il sera obligé de se sentir responsable.
Andy est le seul joueur qui peut comprendre ce qu'il se passe dans son cœur et dans sa tête, parce qu'ils ont grandi ensemble, presque comme des frères, même s'il a toujours été plus pour lui. Andy a juste une semaine de plus que lui, alors ils ont fêté leurs anniversaires ensemble plus d'une fois, et ils ont passé une partie de leur puberté, souvent l'un contre l'autre a essayé de comprendre ce qui leur arrivait.
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