Black Dove

✬Chapitre 95✬

Au petit matin, Kate s'était levée et avait masqué au mieux les traces de sa pénible nuit. Après avoir appliqué une couche raisonnable de maquillage, son reflet ne lui renvoyait plus qu'une image fatiguée. C'était mieux que de paraître cadavérique et déprimée.

En voulant rejoindre la cuisine, elle remarqua Bucky et Sam en grande conversation et préféra les laisser discuter. Elle s'affaira alors à préparer le petit-déjeuner. Des œufs brouillés, du bacon, du café et elle entreprit de faire bouillir de l'eau pour préparer du thé.

Dans son dos elle entendit des pas traînant approcher et après avoir lancé un bref regard par-dessus son épaule, elle découvrit qu'il s'agissait de Zemo. Elle ignorait comment il était parvenu à se tirer aussi tôt de sa phase quasi comatique.

- Aspirine sur la table. L'informa-t-elle. Mettez la dose. On a besoin de vous productif.

- Mademoiselle Tutmesheva.

- Je crois qu'hier soir vous avez inventé le pas de danse de l'année, Zemo. Poursuivit Kate. Du grand art, vraiment.

- Ravi d'avoir pu vous divertir.

- Vous l'avez fait, moi et toutes les personnes présentes hier soir. Vous avez même réussi à faire sourire Bucky. Je vous tire mon chapeau.

Du coin de l'œil elle le vit s'asseoir lourdement sur sa chaise tout en faisant tomber deux comprimés d'aspirine dans un verre d'eau. Elle délaissa brièvement son bacon pour se diriger vers une armoire en hauteur, elle en tira une bouteille de vodka et ensuite un verre qu'elle remplit généreusement avant de le poser devant Zemo.

- C'est le meilleur moyen de soigner une gueule de bois. Assura Kate. Cul sec.

- Vous n'avez pas l'air d'avoir fait autant d'excès que moi.

- J'ai été sage comme une image.

Elle attrapa une assiette vide et versa une bonne quantité d'œufs brouillés sur lesquels elle disposa quelques tranches de bacon qu'elle posa devant Zemo.

- Avalez-moi tout ça. Ordonna-t-elle.

Zemo lança un regard perplexe à son assiette avant de relever les yeux vers la jeune femme qui s'affairait déjà à préparer sa propre assiette. Elle attrapa une tasse de café fumant et s'installa aux côtés de Zemo. Elle attrapa sa fourchette et se mit à piocher goulûment le contenu de son petit déjeuner sous le regard du baron.

- Vous êtes vegan ? Interrogea-t-elle.

- Non.

- Alors mangez.

Ils mangèrent dans un silence presque religieux. Kate mangeait avec appétit tout en lui lançant des regards réguliers. Zemo ignorait qui elle essayait de duper, elle ou lui. Il parvenait à voir au-delà de cette carapace qu'elle semblait avoir décidé d'enfiler ce matin-là. Il voyait avec précision ce qu'elle tentait de cacher.

- Comment allez-vous Mademoiselle Tutmesheva ?

- Si on fait abstraction du fait qu'on soit à Madripoor, je vais plutôt bien. Répondit la blondinette.

- James semble se faire du souci pour vous.

- Bucky se fait trop de souci pour beaucoup trop de personne.

- Je crains que ce ne soit pas Madripoor qui vous trouble.

Kate avala une gorgée de café et se cala contre le dossier de sa chaise tout en croisant les bras sur sa poitrine.

- Je dois vous appeler Docteur Zemo maintenant ?

- Parfois une oreille attentive se cache là où on l'attend le moins.

- Et l'oreille attentive, c'est vous ? Pouffa Kate.

- Vous seriez étonnée de ma faculté à écouter.

- Je connais déjà votre faculté à parler. Et je ne suis pas étonnée.

- Vous savez que je ne porterai aucun jugement sur vous ?

- Encore heureux. Gloussa-t-elle.

- Êtes-vous troublée par la visible attirance de notre hôtesse envers votre compagnon ?

- Bucky n'est pas mon compagnon. Et si Sharon Carter ne maîtrise pas sa visible attirance pour Bucky, je lui péterai les genoux et je l'abonnerai au milieu de la Sibérie. Ça devrait calmer ses ardeurs.

- Pourquoi refuser d'accepter de nommer James comme étant votre compagnon ?

- Vous pensiez vraiment que Bucky serait venu vous voir s'il n'avait pas été débarrassé de toute la merde d'HYDRA ? L'ignora-t-elle.

- Bien sûr que non. Répliqua Zemo en esquissant un sourire.

- Pourtant vous avez essayé de ramener le soldat.

- Je voulais voir comment il allait réagir.

- Et comment a-t-il réagit ?

- Vous auriez été fière de lui.

- Je suis rarement déçue de lui.

- Vous avez une immense estime de lui.

- C'est quelqu'un de bien. De foncièrement bien. Il n'est pas comme vous et moi.

- Et comment sommes-nous ? S'enquit-il.

- Nous ne sommes pas des personnes biens. Répliqua-t-elle avec sérieux.

Zemo abandonna ses couverts et adopta la même posture que la jeune femme, le dos appuyé contre le dossier de sa chaise.

- Vous pensez être une mauvaise personne ? Interrogea-t-il.

- Je sais que je ne suis pas quelqu'un de bien. Bucky essaie toujours de trouver le meilleur moyen de ne pas se salir les mains, moi, quand je vois un ennemi je l'élimine et ça m'empêche pas de dormir la nuit.

- Vous faites ce qui doit être fait. Nuança Zemo.

- C'est ce que vous pensiez faire quand Tony Stark a essayé de tuer Bucky pour le meurtre de ses parents ?

- Pensiez-vous que tuer votre frère était ce qui devait être fait ? Retourna-t-il.

- Je n'ai pas tué mon frère. Je l'ai loupé. Ce petit enfoiré a plus de vie qu'un foutu chat.

- Intéressant. Souffla Zemo.

- La vengeance n'amène rien de bon. Ça, je l'ai compris. Il m'a fallu du temps pour l'imprégner mais aujourd'hui c'est chose faite.

- Vous êtes inquiète pour James. Comprit-il.

- Je connais votre aversion pour le sérum qui coule dans ses veines.

- J'éprouve une certaine sympathie à l'égard de James.

- Vous avez détruit les derniers super-soldats d'HYDRA. Vous aviez l'espoir que Bucky soit tué par Tony et que Steve tue Tony en retour. Ou que Tony tue Steve.

- Mais James est toujours bel et bien en vie.

- Je ne suis pas T'Challa, Zemo. Répliqua-t-elle sérieusement. Je suis incapable de montrer de la clémence.

Un sourire étira les lèvres du sokovien et il hocha la tête lentement. Il comprenait parfaitement les mots cachés derrière ses propos.

- Je sais que vous allez essayer de vous échapper. Annonça Kate. Je ne vous en empêcherai pas.

- Pourquoi ?

- Bucky vous retrouvera. Mais vous aurez probablement assez de temps pour aller leur rendre visite.

Les pas lourds de Sam approchants leur annoncèrent que leur petit tête à tête était terminé. Bucky pénétra dans la cuisine et lança un regard curieux à Kate dont le regard était fixé dans celui de Zemo. Ils semblaient avoir une entente mutuelle qu'il était incapable de comprendre. Leur échange silencieux ne dura que quelques secondes, elle bondit de sa chaise comme un diable hors de sa boite et se dirigea vers lui pour planter un baiser sur ses lèvres.

- Je t'ai préparé le petit déjeuner. Souffla-t-elle.