Black Dove

✬ Chapitre 144 ✬

Kate avait le regard fixé sur l'écran qui retransmettait la vidéo de la caméra de surveillance fixée sur le mur de la cave. Cela faisait des heures qu'elle observait Alexeï geindre. Il hurlait, suppliait, quémandait et puis hurlait à nouveau. Il disait avoir mal, avoir froid et avoir faim. Plus le temps passait, plus il s'agaçait.

- Et maintenant ? S'enquit Bucky.

- Je vais aller l'interroger.

- Tu penses qu'il te parlera ?

- Bien sûr. Il parlera. Il se rendra compte que c'est sa dernière option.

- Par où tu vas commencer ?

- Par où tu commencerais ? Retourna-t-elle en tournant la tête vers lui.

Bucky avait l'air inquiet. Plus qu'elle. Un pli d'inquiétude barrait son front.

- Par savoir pour qui il travaille. Je sais que tu penses que c'est lui à la tête de tout ça, mais je pense que tu te trompes.

- Qu'est-ce que tu penses ?

- Il travaille pour Power Broker. Et ce type, il te connait. Il te connaît même plus bien. Suffisamment pour refuser que tu saches un jour qui il est. Térézia et Pavel savaient, alors il les a fait éliminer.

- Par Alexeï.

- Power Broker sait que tu cherches à le débusquer. Alors il a envoyé Alexeï pour te liquider. Poursuivit Bucky. C'est un pion. Pas le cerveau.

- Alors le grand méchant de l'histoire, ça reste Power Broker.

- On dirait bien.

La jeune femme lança un nouveau coup d'oeil à l'écran. Alexeï commençait à somnoler. Sa tête pendait en direction du sol.

- D'accord. Murmura-t-elle.

Elle se leva du canapé et adressa un regard à Bucky.

- N'interviens pas. Ordonna-t-elle.

- Je serai ici si tu as besoin.

- Promets-le.

- Je n'interviendrais pas.

- Peu importe ce que tu vois. Ou ce que t'entends.

- Je ne bouge pas d'ici.

Elle se pencha lentement vers lui et déposa un baiser chaste sur ses lèvres. Kate se dirigea ensuite vers la cave. Tout en descendant les escaliers qui la conduirait à l'homme qui représentait sans nul doute son pire cauchemar, elle sentit son coeur tambouriner dans sa poitrine. Elle avait eu affaire à plus coriace. Et pourtant, l'homme retenu prisonnier dans cette cave sombre et humide lui donnait des sueurs froides.

Elle s'immobilisa brièvement derrière la porte et s'affaira à adopter une moue neutre. Il fallait qu'elle soit impassible. Qu'elle lui paraisse infaillible.

Kate ouvrit lentement la porte et au son de la porte grinçant sur le sol, Alexeï se réveilla en sursaut. Son regard tomba immédiatement sur Katherine qui dû réprimer un frisson en croisant ses yeux. Elle attrapa la chaise, probablement utilisée par Bucky pour le recoudre quelques heures plus tôt et s'y installa.

Elle planta ses yeux dans ceux de son frère et resta immobile. Elle ne bougea pas d'un poil. Elle n'ouvrit pas la bouche. Elle se contenta de l'observer.

- Regarde-toi. Ricana-t-il. Increvable. Mais maintenant, maintenant tu te souviendras de moi pour le restant de tes jours. Maintenant tu m'as dans la peau, ma soeur.

La simple évocation de l'affreuse balafre qu'il lui avait laissée lui arracha un frisson de dégoût.

- Je parie que c'est vraiment moche. Continua-t-il. J'espère que ton petit copain s'en plaindra pas.

Elle avait deux options, réagir ou le laisser parler. Réagir lui procurerait bien trop de plaisir. Rester de marbre, allait l'agacer encore plus.

- Le Soldat de l'Hiver. Poursuivit Alexeï.

Il lança un coup d'oeil à la caméra.

- Si au moins tu t'en servais intelligemment. Avoir une telle arme dans les mains et refuser de s'en servir... quel gâchis.

Sans prononcer un mot, Kate se leva et se dirigea vers l'établi. Il était particulièrement encombré d'outils qu'elle n'utiliserait jamais dans la vie de tous les jours.

- Quoi ? T'as rien à me dire ? S'écria Alexeï.

Elle attrapa une pince à bec rond et l'observa un bref instant. Elle testa la résistance de la poignée. Ça ferait l'affaire. Avec une lenteur délibérée elle se tourna vers son frère qui lança une oeillade à l'outil qu'elle avait dans la main.

Son ricanement sembla être le signal qu'elle attendait pour agir. Elle s'avança vers lui, se posta devant lui et observa ses deux mains, attachés aux poignées de la vieille chaise en bois. L'une de ses mains étaient dépourvues d'auriculaire et d'annulaire. L'autre parfaitement intacte.

Elle ne lui posa aucune question, elle approcha la pince de l'ongle de son index, elle la referma sur son ongle et tira d'un coup sec. Le cri de douleur d'Alexeï ne la fit par réagir. De sa main libre, elle l'attrapa par la gorge et le força à la regarder.

- Tu as mal ? Interrogea-t-elle à voix basse.

Le regard déterminé de sa soeur sembla le faire fléchir un peu. Elle approcha son visage de celui de son frère jusqu'à ce que leurs nez se touchent.

- Bien. Souffla Kate.

Tout aussi rapidement que la première fois, elle se saisit d'un autre ongle qu'elle lui arracha avant de le jeter par terre.

- Espèce de sale petite conne. Hurla-t-il.

- Tu n'as pas fini d'avoir mal.

- Quand je me libérerai, je jure de te tuer.

- Tu le jures ? Répéta-t-elle en ricanant. Si tu avais une parole, ça se saurait. Tu as eu ta chance, tu l'as manquée. Maintenant, c'est moi qui vais te faire une promesse. Tu veux l'entendre ?

Elle s'empara d'un nouvel ongle mais avant qu'elle n'amorce le moindre mouvement, Alexeï se mit à hocher vigoureusement la tête.

Il était toujours le petit garçon peureux qu'il était dans le passé.

C'était le seul signe dont elle avait besoin pour être certaine qu'elle arriverait à le faire parler.

- Je te promets que c'est toi qui me supplieras de t'achever. Murmura-t-elle. Quand j'en aurais fini avec toi, tu me supplieras de t'offrir une mort rapide. Mais tu sais quoi ? C'est moi qui déciderai quand j'en aurai fini avec toi. Et crois-moi, je suis pas prête d'en avoir fini avec toi.