Black Dove

✬ Chapitre 42 ✬

Il était prêt. C'est ce que Kate n'arrêtait pas de se répéter. Il était prêt à passer le test. Ils avaient travaillé ensemble, ils avaient fait en sorte que tout ça ne soit plus qu'un mauvais souvenir et ce soir, il était prêt. Elle en était persuadée et pourtant, elle n'avait pas réussi à empêcher une boule de se former au creux de son ventre. C'était de l'angoisse, elle savait que c'était de l'angoisse, l'angoisse de s'être trompée, l'angoisse de le voir ressombrer, l'angoisse que leurs efforts n'aient pas payés.

- Tu as peur Katia.

Masquer ses émotions à quelqu'un, pour qui, comme elle, mentir était devenu une seconde peau, s'avérait être plus compliqué qu'elle ne l'aurait voulu.

- Ce n'est pas de la peur. Assura-t-elle.

Et elle ne lui mentait pas, ce n'était pas de la peur, pas entièrement en tout cas.

- Je sais que ça va aller. Reprit Kate. Et puis, je suis là.

Bucky ne le lui avait pas dit ouvertement, mais elle savait qu'il aurait préféré qu'elle reste à l'écart, juste au cas où. Il avait même subtilement essayé de la renvoyer à la maison en prétextant avoir oublié d'appeler Steve et qu'elle devrait penser à le faire avant qu'il ne soit trop tard. Mais elle était restée exactement là où elle était. Elle l'avait regarder allumer les divers petits brasero, la nuit avait emporté avec elle toute la chaleur de la journée. Elle le regarda s'asseoir sur le sol, il était nerveux tout comme elle.

- Je ne vais pas partir. Promit-elle.

- Tu rends les choses tellement compliquées, Katia.

- Mais si c'est ce que tu veux je vais m'éloigner. Pas rentrer sans toi mais je vais te laisser avec Ayo. Je vais te donner de l'intimité.

- Ce n'est pas... si j'en suis là c'est grâce à toi.

- Non, si tu en es là c'est grâce à toi. C'est parce que tu as accepté de te battre. Tu y serais arrivé avec ou sans moi.

Kate entendit des brindilles craquer derrière elle et elle comprit qu'Ayo était enfin arrivée, le regard de Bucky se perdit dans son dos avant qu'il ne retrouve celui de la jeune femme. Kate esquissa un sourire, hocha la tête et elle fit volte-face pour tomber nez à nez avec Ayo, les deux femmes se jaugèrent longuement, elles semblaient s'être lancées dans un duel dont la victoire reviendrait à la première qui baisserait les yeux, et malgré sa fierté, ce fut Kate qui détourna le regard, elle contourna Ayo et fit quelques pas avant de s'arrêter lorsqu'elle jugea être assez loin pour ne pas être vue mais pas assez loin pour ne pas entendre ce qui se passait.

- Je ne te laisserai faire de mal à personne. Entendit-elle dire Ayo.

- Tu ne feras de mal à personne. Murmura Kate.

Elle s'adossa contre le tronc d'un arbre et pris une profonde inspiration, se préparant comme si c'était elle qu'on allait mettre à l'épreuve. Comme si c'était elle qui risquait de voir ses pires démons se réveiller.

Et puis elle commença à réciter les mots décisifs. Chacun des mots qu'elle prononçait ravivait les souvenirs qu'ils avaient partagés depuis qu'elle avait décidé de s'occuper elle-même de ce problème. Elle se souvenait de chacun de ces instants, de ces instants agréables. Et elle espérait que Bucky parvenait à penser à ces moments-là, qu'une part de lui essayait de se concentrer sur ça et peut-être un peu moins sur la souffrance que lui avait causée HYDRA.

Elle entendait la liste s'amenuiser petit à petit et elle n'entendit pas Bucky demander d'arrêter, elle n'entendit aucun son provenir de lui. Elle n'entendait qu'Ayo. Et elle ne pouvait s'empêcher de penser que c'était bon signe. Que c'était parce qu'il réussissait ce test haut la main. Vozvrashcheniye na rodinu.

- Tu peux le faire. Souffla-t-elle.

Il ne lui restait que deux mots. Deux petits mots et ils pourraient officiellement s'entendre dire qu'il ne représentait plus une menace pour le monde. Qu'il était libéré de l'emprise d'HYDRA. Qu'il pouvait enfin penser au futur et arrêter de penser à son passé.

- Odin. Récita Ayo. Gruzovoy vagon

Un soupir soulagé franchit les lèvres de Kate. Elle rejeta la tête en arrière, son regard trouva le ciel étoilé et la boule au creux de son ventre disparu presque miraculeusement. Elle sentit ses épaules s'affaisser comme si un poids s'évaporait de ses épaules.

- Tu es libre. Annonça Ayo.

Une larme roula sur sa joue et elle s'empressa de l'essuyer d'un revers de mains. Elle ne pleurerait pas. C'était hors de question qu'elle se mette à pleurer. Elle prit une profonde inspiration et ferma les yeux, cherchant à se donner suffisamment de courage pour ne pas se retrouver devant lui et se mettre à pleurer à nouveau.

Elle finit par hocher la tête et se reprit la direction de la clairière. Bucky était exactement là où elle l'avait laissé, les yeux perdus dans le vide embrumés par des larmes qu'elle ne l'avait encore jamais vu verser. Son regard trouva le regard d'Ayo et contrairement à ce qu'elle aurait cru, cette dernière ne lui offrit aucune œillade noire. Ayo avait l'air satisfaite. Elle avait l'air fière du travail accompli. Et elle parvint à la surprendre lorsqu'elle hocha la tête dans sa direction juste avant de faire volte-face.

Elle combla la distance qui la séparait de Bucky et s'installa à ses côtés, elle ne le toucha pas, elle n'essaya pas de lui parler. Elle se contenta simplement de rester à ses côtés. Elle était simplement là.

Et puis il bougea, il se pencha vers elle et posa la tête contre sa poitrine. Il attrapa sa main dans la sienne, entrelaçant leurs doigts et elle posa sa main libre sur sa tempe, l'attirant au plus près d'elle.

Ils restèrent dans un position un long moment, perdus dans leurs pensées respectives et ce n'est qu'à cet instant-là, qu'à cet instant précis qu'elle se rendit compte à quel point Bucky pouvait être important pour elle. Elle l'avait aidé mais il lui avait rendu la pareille, et ce, bien avant qu'elle n'ait l'idée de l'aider.

C'était grâce à lui qu'elle était parvenue à laisser son désir de vengeance meurtrière de côté, elle était parvenue à passer au-dessus de sa colère et elle savait que c'était grâce à lui. C'était grâce à lui si aujourd'hui elle n'avait pas le sang de son frère sur les mains. C'était parce qu'il était parvenu à lui faire entendre raison, petit à petit, sans jamais la presser.

- Merci. Souffla-t-elle. Merci de m'avoir fait changer d'avis.

- Merci de m'avoir rendu ma liberté. Rétorqua-t-il sur le même ton.

Il leva leurs mains jointes et porta ses doigts à ses lèvres pour y déposer un baiser. Et c'était probablement le geste le plus fort qu'ils aient partagés jusque-là. C'était un geste d'une simplicité ridicule. Ce n'était qu'un baiser, un bref baiser déposé sur ses phalanges mais c'était un geste à travers lequel il parvint à lui faire comprendre tant de choses, des choses qu'elle n'avait pas encore ressenties jusqu'à présent. Un geste simple par lequel il parvenait à lui transmettre tout le respect et toute l'affection qu'il pouvait ressentir à son égard.

- On devrait appeler Steve. Murmura-t-elle. Pour lui apprendre la bonne nouvelle.

- Demain.

- D'accord, demain.

Lentement elle se mit à lui caresser la joue et elle le vit fermer les yeux, sa respiration devint régulière et elle comprit qu'il s'était endormi.

- Tu l'as fait, Bucky. Souffla-t-elle en esquissant un sourire. Tu l'as fait.