XXXI

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C'était une voix qui m'était plus que familière. Sa main chaude posée sur mes yeux, sa voix, son odeur me donnèrent un frisson. Il était venu à ma rescousse. Il était là.

— Ferme-les yeux.

J'obéis immédiatement. À l'aide de son autre main, il m'aida à me relever. Il avait toujours sa main posée sur mes yeux malgré le fait que ceux-ci étaient fermés. Il me dirigea vers une direction qui m'était inconnue. J'entendis une portière s'ouvrir. Quelques secondes plus tard, il m'aida à entrer dans une voiture. Surement la sienne. C'était la sienne. J'en étais sûre. Je reconnaitrai l'odeur de l'intérieur sa voiture entre mille.

— Garde les yeux fermés.

Il claqua ensuite la portière. Il fit le tour et monta côté conducteur. Il démarra et roula dans la rue.

— Tu peux ouvrir les yeux maintenant.

Je ne fis pas ce qu'il me dit. Ouvrir les yeux était synonyme de revenir à la réalité. Je n'étais pas sûre de le vouloir, n'y même d'y arriver.

— Roza ?

J'ouvris enfin les yeux, mais les tournai vers la vitre.

— Je suis si repoussant que ça ?

Je m'abstenais de lui répondre. Il ne força pas plus. Il prit simplement ma main gauche et y déposa un baiser sur le dos de celle-ci. Le contact de sa bouche avec mon corps, avec ma main, me fit frémir. C'était le premier contact qu'on avait depuis des semaines. Ce simple baiser avait comme rallumer quelque chose en moi. Pathétique. J'étais tellement faible.

Il tint ma main pendant tout le trajet. Je ne fis rien pour qu'il me lâche. Nous arrivâmes finalement à destination. Je connaissais ce lieu. Il m'était tellement familier, rempli de nos souvenirs. Il entra dans le parking souterrain, se gara et coupa le moteur. Je ne l'avais toujours pas regardé.

— Roza ?

Je ne lui répondis pas.

— On ne parlera pas ce soir. Je veux juste que tu sois en sécurité cette nuit. Je te raccompagnerai chez toi demain à la première heure. Si tu le souhaites.
— Ok.

J'ouvris la portière et sortis de la voiture. Il fit de même. Nos regards finirent par se croiser. Ça ne faisait que quelques jours que l'on ne s'était pas vu, mais j'avais l'impression qu'il avait embelli. Giovanni était un bel homme. Un très bel homme. Tout chez lui de l'extérieur paraissait parfait. Mais ce n'était pas le cas. Je finis par tourner la tête, incapable de continuer de le regarder. J'avais peur de faire une bêtise. Il souffla désespérément et se dirigea vers l'ascenseur. Je le suivis en mettant le plus de distance entre nous. L'ascenseur arriva enfin. Nous montâmes tous les deux en silence. Les minutes me parurent durer une éternité. Je manquai d'air.

Les portes finirent par s'ouvrir. Il m'accueillit chez lui, pour une énième fois. Rien n'avait changé. Absolument rien depuis qu'il m'avait tout avoué.

— Tu veux prendre une douche ?
— Oui. Je veux mon sac aussi.
— J'ai dû l'oublier dans la voiture. Je te l'apporte.
— Ok.

Il ressortit en fermant la porte derrière lui. J'étais mal à l'aise, gênée. L'ambiance était pesante. Il revint quelques minutes plus tard avec mon sac. Je n'avais pas bougé d'un poil.

— Merci.

Je le pris et me dirigeai vers la salle de bain. Je fermai la porte derrière moi. Mon premier réflexe fut de répondre aux messages de Shawn et Ali pour ne pas les inquiéter. J'éteignis ensuite mon téléphone et entrai dans la baignoire. Je laissai l'eau chaude couler le long de mon corps. Je pus retenir quelques larmes de couler. J'avais réellement eu peur ce soir. Cette...agression, parce que c'était ce que c'était, une agression, m'avait rappelée à quel point la vie était éphémère. Si Giovanni n'était pas arrivé qui sait ce qu'il me serait arrivée. Juste pour ce soir, je lui en serai éternellement reconnaissant.

Je me décidai finalement à sortir. Une serviette et l'un de ses t-shirts étaient posés sur le meuble. Je ne l'avais même pas entendu entrer. Je me séchai et mis son t-shirt. J'étais désormais exténuée. Je voulais mettre un terme à cette horrible journée. Je me dirigeai en direction de sa chambre. Il était assis sur le lit en consultant son téléphone. Il releva la tête en m'entendant arriver. Il me dévisagea de haut en bas.

— Tu veux dormir ?
— Oui, s'il te plaît.
— Viens.

Il se leva et j'en profitai pour m'approcher. Je me glissai à la place qui était autrefois la mienne.

— Je te laisse la chambre pour cette nuit. Si tu as besoin de moi, je serai au salon. Bonne nuit, Roza.
— Bonne nuit, Giovanni.

Il éteint la lumière et sortit de la pièce, me laissant seule dans cette chambre qui me parut soudainement immense. Plusieurs minutes passèrent, je dirai même plusieurs heures. Je ne parvenais pas à trouver le sommeil, et pourtant, j'étais épuisée. C'était comme si j'avais un blocage. Comme si, quelque chose me retenait. J'avais beau changé de positions, rien ne faisait. Je m'apprêtai à faire quelque chose. Quelque chose que j'allais fortement regretter. Quelque chose que je m'en voudrai d'avoir fait dès demain. Je me levai et ouvris la porte. Je marchai en direction du salon. Là où il était censé être. Je le trouvai effectivement allongé sur son canapé. Vêtu seulement d'un bas de jogging. Il ne semblait pas dormir. Il tourna la tête vers moi. Il ne dormait pas.

— Oui ?

J'hésitai à prononcer ces mots. Ça me rongeait. Je les prononçai alors en chuchotant.

Te necesito.

Je n'étais même pas sûre qu'il m'ait entendue. Pourtant, il se leva immédiatement. Il me prit par la main et me traîna vers sa chambre. En silence. Je le laissai m'emporter. Il ferma la porte derrière lui. Je me couchai à ma place et lui à la sienne. Nous étions tous les deux face à face. L'obscurité nous empêchait de nous voir, mais je devinais sans problème les traits de son visage. Je sentais son souffle sur mon visage. C'était...réconfortant. La situation me réconfortait. Le savoir près de moi me réconfortait.

Il approcha son visage du mien jusqu'à ce que nos fronts se collent. Le bout de nos nez se frôlait. Il n'alla pas plus loin. Il ne suffisait que de quelques millimètres pour que nos bouches entrent en contact, et pourtant, ce ne fut pas le cas. Les bras de Morphée finirent enfin par m'emporter après tant de temps. Il était simplement la solution.

Les épines du désespoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant