XLIV

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Je ne savais combien de temps, j'avais dormi, mais l'avion venait d'atterrir. Je levai les yeux pour observer Giovanni. Il dormait. Il devait être exténué. Il n'avait pas arrêté de courir de gauche à droite pour organiser nos départs. Ils nous avaient fait voyager sous de faux passeports. Selon lui, c'était pour éviter de laisser des traces de notre passage.

— C'est bon ? Tu as toutes tes affaires ?
— Oui.
— Allez, on y va.
— Où ça ?
— Je te le dirais quand on sera en sécurité.

Il me prit par la main et nous sortîmes de l'aéroport. Si j'avais bien compris, nous étions au nord de l'île. Nous nous rendîmes sur le parking ou une voiture nous attendait avec un homme de la quarantaine, je dirais.

— Señor Dubois ?
— Si.
— Holà. Soy Víctor de la agencia. Bienvenidos en Ténérife.
— Gracias. Esta la coche ?
— Si.
— Aquí están las llaves
— Gracias.
— Dile a tu jefe que recibirá el resto en una semana.
— Ok. Buen viaje. Señora.

Il inclina la tête avant de partir dans la direction opposée.

— Monte.

J'exécutai sans broncher. Il démarra aussitôt vers une direction qui m'était totalement inconnue.

— Alors, où est-ce qu'on va, Señor Dubois ?
— Dans le sud.
— Pourquoi on ne reste pas au nord
— Parce qu'on est arrivé par le nord. Ça serait beaucoup trop facile pour nous retrouver.
— Mmh. C'est loin ?
— Une heure de route environ. Dors en attendant.
— Je n'ai pas sommeil.
— Tu veux qu'on parle de quelque chose en particulier.
— Qu'est-ce qu'on va devenir ?
— Je pensais à un sujet de conversation beaucoup moins dramatique, mais bon. Jusqu'à ce que je reçoive un message de mon père, on va rester ici.
— On va rester longtemps ?
— Ça dépendra de si Dino est ouvert à la conversation. Une semaine. Des mois. Une année. Je ne sais pas.
— Il se peut donc que j'accouche ici ?
— Oui, probablement.
— Mmh. Qu'est-ce que vous lui avez fait pour qu'il veuille votre mort à ce point ?
— C'est une histoire d'alliance. Mon père s'est allié à un ennemi à lui. L'ennemi en question a retourné sa veste, faisant de nous les seuls ennemis en liste.
— Ce n'est pas juste.
— La vie elle-même est injuste.
— Vous n'avez pas essayé de négocier ?
— Il nous a proposé un milliard de dollars américains contre une paix plus ou moins durable. Sauf que c'est impossible de réunir ne serait-ce que cent millions en six mois, alors un milliard n'en parlons pas. C'était juste un moyen de nous faire comprendre qu'il allait nous exterminer quoi qu'il arrive. Quand mon père a su pour cette fameuse clé que Juan aurait laissée à sa fille, il s'est dit que c'était notre chance. Puis, tu es apparue comme par magie devant moi. Comme si c'était le destin. Si on a fait tout ça, ce n'était vraiment pas contre toi. On voulait juste protéger notre famille.
— Je comprends. Comment on va faire pour le bébé ?
— On va partir du principe que tu vas accoucher ici. Si on pouvait rentrer plutôt, on le ferait.
— Et s'il nous retrouve ?
— On trouvera un moyen de s'en sortir.
— Mmh.
— Dors un peu.
— Je n'ai pas sommeil.
— Force-toi quand même. Pour le bébé. Tu dois te reposer.
— Tu me réveilles quand on arrive ?
— Bien sûr, Bella.

[...]

On venait de se garer devant une maison. Non loin de l'océan. Il descendit les bagages pendant que je m'aventurais à la découverte des lieux. C'était...différent des endroits où j'avais vécu jusqu'à maintenant. Simple à l'extérieur, mais luxueux à l'intérieur sans en faire trop. C'était toutefois très joli.

— Tu aimes ?
— C'est joli.
— Mais est-ce que tu aimes ?
— C'est différent de ce que j'ai l'habitude.
— Donc, tu n'aimes pas.
— Je n'ai pas dit ça. J'ai simplement besoin...de temps.
— Mmh. Bon, on va dormir. Je suis crevé. Je te ferai visiter demain.
— Mmh.

Il me prit par la main et m'entraina vers notre chambre. Une chambre simple. Un lit, des tables de chevets, un bureau. On ôta nos vêtements et se coucha directement. Personnellement, j'étais exténuée. Même après avoir dormi une bonne heure. Une bonne nuit de sommeil ne nous fera pas de mal à tous les deux.

~~~~~~~~~~

— Tu veux qu'on aille se promener ?
— Où ?
— Sur la plage.
— Mmh.
— Arrête de faire la tête.
— Je ne fais pas la tête.
— Alors, qu'est-ce qu'il y a ?
— Rien.
— J'ai bien compris que ça te faisait chier d'avoir dû tout abandonner, ce pourquoi tu t'étais donnée du mal.
— Je n'ai pas dit ça.
— Si ce n'est pas ça, qu'est-ce que c'est ? Tu n'aimes pas l'endroit ? Ça fait une semaine qu'on est installé et depuis tu boudes.
— Je ne boude pas.
— Alors, qu'est-ce qu'il y a ? Dis-moi. Parle-moi.
— Je veux une glace. Et des fruits de mer.

Il souffla face à mon entêtement puis sourit.

— Aller, on y va.

Il me prit par la main et nous sortîmes de la maison, direction la plage. Le soleil n'allait pas tarder à se coucher. La plage était encore remplie, comme si nous étions en début d'après-midi.

— Regarde, ce restaurant, ça te tente ?
— Mmh.
— Arrête de faire la tête.
— Je ne fais la tête.

On se dirigea vers le restaurant. On nous attribua une table. Depuis le temps que je rêvais de ces fruits de mer, et ce n'était pas qu'une envie de grossesse. Je commandai du poulpe ainsi que des moules et du calamar. Je me faisais clairement plaisir. Nino commanda simplement du poisson et des frites.

— La dernière fois, j'ai repéré une bibliothèque dans le centre-ville. Tu veux qu'on y aille ?
— Oui, répondis-je en souriant.
— C'est la première fois que je te vois sourire depuis qu'on est arrivé.
— N'abuse pas.
— Je suis sérieux. Je préfère ton sourire qu'à ta tête de boudeuse.
— Je ne boudais pas.
— Cause toujours. Une glace en dessert, ça te tente ?
— Oui !
— Quand on parle de bouffe, bizarrement t'es très réceptive.
— Tu me prends par le sentiment, c'est pour ça. Je peux gouter ton poisson ?

[...]

Nous venions de rentrer de cette magnifique soirée. Nous avions fini tremper. D'après Nino, ce n'était qu'un simple accident. Même si je doute qu'à m'avoir volontairement éclaboussée, on puisse encore appeler ça « un simple accident ».

— On va prendre une douche sinon on va finir par tomber malade.
— À qui la faute ?
— Sûrement pas moi ! Bref, j'y vais en première.
— Ok.

Je disparus par la suite dans la salle de bain. Je pris une bonne douche tiède. C'était parfait. Je ne savais pas si c'était mon imagination qui me jouait des tours, mais j'avais l'impression que mon ventre prenait en forme. Je n'avais pas une pastèque non plus, mais comme un petit melon. Je souris à cette pensée. J'enfilai un pyjama et sortis. Le temps que Nino finît, je me posais sur les marches dans le jardin. Il finit par me rejoindre une dizaine de minutes plus tard. Je posais ma tête contre son épaule.

Le ciel était particulièrement dégagé ce soir. C'était très agréable. Comparée à la journée, les températures baissaient le soir, restant dans le raisonnable. Il ne faisait ni trop chaud, ni trop froid. Parfait.

— Alors, tu aimes la maison.
— Pourquoi est-ce que tu tiens tant à ce que j'aime cette maison ?
— On risque d'y passer un bon moment dans cette maison. Ça m'arrangerait que tu l'apprécies. Alors ?
— Elle est jolie.
— Je n'ai pas demandé si elle était jolie. Je veux savoir si tu l'aimes.
— C'est compliqué.
— Pourquoi ?
— Je m'y sens pas chez moi.
— Et qu'est-ce qu'il faut que je fasse pour que tu t'y sentes chez toi ?
— Je ne sais pas. Surprends-moi.

Nous nous fixâmes droit dans les yeux, silencieusement, pendant de longues secondes. Il se leva ensuite, se plaça entre mes cuisses, avant d'y plonger la tête la première. Il y parsema des baisers un peu partout.

— Je t'assure qu'après ça, tu t'y sentiras plus que chez toi.

Les épines du désespoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant