XXXVII

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— Tu m'appelles ce soir ?
— Oui. À plus tard.
— À plus tard, Bella

Je déposai mes lèvres sur les siennes avant de sortir de sa voiture. J'insérai ma clé dans la serrure et entrai. Je retirai mes chaussures à l'entrée et rejoignis la cuisine.

— Tiens, une revenante.
— À ce rythme, tu vas finir par me surpasser.
— Jamais, je ne pourrais te surpasser Logan.
— Je n'en suis pas si sûr.
— C'était la même personne qu'avec qui t'as couché quand on est revenu ?

J'ouvris grandement les yeux. Cet homme connaissait-il la gêne ?

— De quoi je me mêle ?!
— C'était donc bien lui. Je suis content pour toi.
— Merci, mais stop les réflexions gênantes.
— Orh, c'est rien. On est entre adultes. Le sexe est quelque chose de normale. Regarde, moi, j'essaie de maintenir une activité physique et sexuelle régulière, je dirais environ...
— Logan ! Ta vie sexuelle ne m'intéresse pas.
— Elle ne m'intéresse pas non plus, lâcha Shawn.

Au même moment, Aiden fit irruption dans la cuisine, avec du courrier en main.

— Roza ?
— Oui.
— Madame McKarnay est passée tout à l'heure. Elle m'a chargée de te remettre ça.

Il me tendit le courrier. C'étaient des lettres provenant du Mexique. Elles étaient toutes pour moi. Pour qui d'autres de toute façon ?

— Je lui ai remis ton chèque au passage.
— Merci à tous les deux.
— De rien. Il n'y a pas de quoi.

Aiden disparut aussitôt. Il était toujours aussi difficile d'avoir une conversation. Surtout de sa part. En ce qui me concernait, j'étais passée outre toutes ces histoires. Il appartenait au passé. Je me contentais uniquement sur le présent et mon avenir. Il n'appartenait à aucun des deux. Donc faire abstraction de lui, de sa personne, était chose facile.

Je me servis un verre d'eau avant de monter dans ma chambre. Je m'y enfermai pour y être tranquille. La dernière fois que j'avais reçu des lettres de leur part, seulement deux sur trois étaient positifs. J'espérai avoir de meilleures nouvelles cette fois-ci. J'ouvris celle de Madame Rodriguez en première.

« Ma chère Roza,

Comment vas-tu ? J'ai bien reçu ta lettre. Ça m'a fait extrêmement plaisir d'avoir de tes nouvelles. Au moment où tu liras cette lettre, tes cours auront sûrement commencé ? Comment cela se passe-t-il ? Tu remarqueras que l'université est assez différente du lycée. Mais je suis sûre que tu t'y habitueras. En espérant avoir de tes nouvelles rapidement. À très bientôt.

Lucia Rodriguez. »

Avoir des nouvelles de Madame Rodriguez me rendait toujours aussi heureuse. J'ouvris la deuxième lettre. Elle était de Monsieur Pedro.

« Bonjour Roza,

Cela fait bien longtemps. Comment se passe la vie à New York. Ici, tout semble aller pour le mieux. Luca ne m'a pas signalé d'évènement majeur. J'espère que tout se passe bien de ton côté également. Prends soin de toi.

Pedro. »

Sa lettre était plus courte que celle de la dernière fois. Mais, je m'en méfiais. Monsieur Pedro n'avait pas assez d'éléments pour affirmer si tout se passait bien ou pas. Toutefois, avoir de ses nouvelles me faisait plaisir. J'ouvris la troisième lettre : celle d'Andréa.

« Je suis enceinte. Je l'ai appris il y a quelques semaines. Je pense que Monsieur Nicolas est le père. Monsieur Alejandro m'a dit que cette grossesse irait à son terme quoi qu'il arrive. Je suis dévastée. Il compte me gâcher la vie jusqu'à ce que je meure. Je ne veux pas de cet enfant. J'avais des projets. Je voulais faire comme toi. Quitter ce maudit pays et aller faire des études à l'étranger. Mais, maintenant, je ne peux pas. Je suis coincée à vie. À seulement quinze ans. Quinze putains d'années. Qu'est-ce qu'on a fait pour mériter ça ? Pour finir dans ce trou à rat ? J'ai juste envie de me tuer. Depuis qu'il sait que je suis enceinte, Monsieur Alejandro passe ses journées à me violer. J'ai l'impression que ça l'excite. Je ne vais même plus au lycée. Moi qui étais si impatiente de ma première année au lycée. Quant à Dame Maria, elle a arrêté de s'en prendre à moi. Sofia est devenue son nouveau souffre-douleur. J'ai peur que ces oreilles finissent par se décoller à force d'être tirées. À part ça, la routine. J'espère que tout se passe bien de ton côté. C'est la seule chose qui pourrait me rendre heureuse en ce moment. Prends soin de toi. Je t'aime. »

Une larme coula. Deux. Puis trois. Et une infinité. Les enflures. Ils avaient osé. Ils l'avaient mise enceinte. Je pleurai de rage. Je n'avais qu'une envie : leur trancher la gorge. Ce n'était que ce qu'ils méritaient. Ils lui avaient gâché. C'était donc le moyen qu'ils avaient trouvé pour l'empêcher de partir un jour. Avec un enfant sur les bras, aucune université n'allait l'accepter à ses dix-huit ans. Elle n'aurait nul par où aller, elle et son enfant. Elle se tournera alors vers eux...

J'avais envie de tout casser dans la pièce. Mais littéralement tout. Ces gros porcs avaient osé. Et, encore une fois, j'étais totalement impuissante. J'étais à l'autre bout du continent. Je ne pouvais rien faire. Absolument rien. Cette situation m'exaspérait. Je ne savais même pas quoi lui répondre. Lui apporter mon soutien ne l'aidera pas. Elle le prendrait sûrement plus comme de la pitié et elle n'avait pas besoin de ça en ce moment. Je ne savais pas quoi faire. Mon moral venait d'en prendre un sacré coup. Je pris mon téléphone et envoyai un message à Nino.

           « Finalement, je viens ce soir. »
« Un problème ? »
           « Mmh. »
« Je repasse te chercher ? »
           « Oui stp. »
« Je suis là dans dix minutes. »
           « 👍 »

Je pris un de mes sacs et y mis quelques affaires. Je ne savais pas exactement combien de temps j'allais rester chez lui. Une fois fait, je pris mon sac et descendis. Il y avait pas mal de bruit dans la cuisine, je m'y dirigeai alors. Je n'eus pas le temps de pousser la porte qu'on me tira fortement les cheveux. J'en perdis l'équilibre et atterris sur mes fesses.

— Comme on se retrouve !

Je levai la tête et retrouvez nez-à-nez avec Kassie. Merde. La seule chose à laquelle mon cerveau pensa fut « instinct de survie ». Je poussai un cri assez fort de manière que les personnes aux alentours l'entendent distinctement. Je n'avais clairement pas le choix. C'était soit j'essayai de me tirer de là en y laissant ma dignité, soit j'y restai mais elle allait m'écrabouiller. Et, franchement, je pesais mes mots. Je ne savais clairement pas me battre.

Une chose était sûre, j'avais pris suffisamment de coup dans ma vie. Je ne voulais plus le revivre. Je devais donc me sortir de cette situation à tout prix.

Elle m'asséna un premier coup à la tête. Mon premier réflexe fut de me protéger, mais en vain. Je sentis une vive douleur là où elle m'avait frappée. Je sentis ensuite son genou s'abattre violemment contre mon dos. J'étais pathétique. J'entendis la porte s'ouvrir.

— Kassie, lâche-la !

C'était Logan.

— Ne t'en mêle pas !
— Aiden !

Je ne saisis pas très bien ce qu'il se passait. Tout ce que je savais, c'était que Logan essayait de faire en sorte que Kassie lâche la poignée qui retenait mes cheveux.

— Kassie !

C'était la voix d'Aiden.

— Lâche-la !
— Vous, lâchez-moi. Mêlez-vous de votre cul !
— Dépêche-toi.

Si j'arrivais à m'en sortir sans un énorme trou en plein milieu de ma tête, ça serait un miracle. Ils étaient à deux pour faire en sorte qu'elle me lâche. Je commençais, en fait non, je regrettais franchement de m'être emportée face à elle. Je n'assumais plus du tout.Ils parvinrent finalement à faire en sorte qu'elle lâche mes pauvres cheveux.

— Roza, bouge.

Je n'attendis pas deux secondes de plus. Je me levai avec difficulté et fonçai vers la porte d'entrée en récupérant mon sac.

— Lâchez-moi !

J'ouvris la porte. Par chance, Nino était déjà là. Je montai précipitamment.

— Démarre !
— Déjà, re-bonjour.
— Oui oui, bonjour. Maintenant, démarre !

Il démarra enfin par la suite.

— Qu'est-ce qui t'es arrivée visage ?
— Rien.
— Tu t'es battu ?
— Non.
— On t'a frappé ?
— Non.
— Si. C'est quelqu'un de l'auberge ?
— Non.
— Tu mens tellement mal.
— Chut ! Concentre-toi sur la route.
— Après, tu me raconteras tout.
— Mmh.
— Ok ?
— Yes, dad.
— M'appelle pas comme ça, tu me donnes de sales idées en pleine conduite.
— Garde tes idées pour quand on sera à la maison.
— Arrête de me chauffer, coquine.

Les épines du désespoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant