Chapitre vingt-sept : Ashley

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"I can't breathe, I can't be
Je ne peux pas respirer, je ne peux pas être
I can't be what you want me to be
Je ne peux pas être ce que tu veux que je sois
Believe me, this one time
Crois moi, cette fois"
Imagine Dragons - Bad Liar - XY

    Je suis chez Peter. Je n'ai pas résisté parce que je sais que ses hommes m'auraient embarquée. Il était furieux et je le comprends. Je l'ai trahie. Une fois de plus.

    Ils m'ont enfermée dans une chambre. Je suis assise sur la terrasse à même le sol, enroulée dans la couette, mon lecteur cassette en main et la dernière playlist que j'ai reçue avant-hier. Il y a avait cette boîte devant ma porte. Toujours avec mon nom en lettres dorées comme si elles avaient été écrites à la machine à écrire "Ashley Walker". Ça fait douze ans que ça dure. Douze ans que je reçois des cassettes d'un inconnu. Au début, c'était juste un mot. Le premier mot était : "Salut, je suis ton amoureux." J'ai souris et j'ai rangé le mot.

L'école avait mis ça en place pour le jour de la Saint-Valentin et pour favoriser les échanges entre les hommes et les femmes. Les filles recevaient le nom d'un garçon et inversement. C'était totalement anonyme. J'avais reçu celui d'un garçon sympa mais je le faisais juste pour la forme. Mais il y a eu les autres jours. Deux jours après, j'avais un extrait de la chanson Hurt de Christina Aguilera. Je ne sais pas si c'était sincère mais les paroles me parlaient tellement. La semaine suivante, il y avait un extrait de la chanson de James Blunt, You're beautiful. Je ne savais pas quoi en penser. Au dos, il y avait une phrase "Je ne me moque pas de toi, j'aime bien te voir sourire.". J'en recevais au minimum deux par semaine toujours signé "XY".

Alors un jour, j'ai laissé un petit bout de papier dépasser de mon casier. Je lui demandais comment je pouvais lui parler. Le lendemain, j'ai reçu une réponse "Profite, ne cherche pas à répondre. Je t'ai vu avec ton lecteur cassette, je me suis dis que c'est toujours mieux que par écrit." Il y a avait une cassette audio. Pas un truc que l'on vend dans les magasins. Non, une véritable playlist. Mais je continuais de lui mettre des bouts de papier pour le remercier.

Depuis octobre, plus rien n'allait. J'avais tiré sur Peter, tout le monde me détestait sauf Aya. Ma famille me détestait, Peter ne me parlait plus mais me faisait des crasses. Il a vidé l'extincteur dans mon casier et bien sûr... il l'a laissé avec. Je me suis faite accuser de dégradations de matériels avec dix heures de retenue. Il a pris mes cahiers et déchiré les pages les plus importantes alors je devais aller chez Aya pour recopier ses cours. Le midi, il passait près de moi. S'il ne prenait pas ma pomme, il prenait autre chose, toujours sans me parler. La première fois qu'il a parlé en ma présence, c'était quand un homme est venu me parler. Il était au niveau supérieur. On était devant le portail, Peter est arrivé et il lui a dit que j'avais couché avec la moitié de la promo.


    La porte d'entrée claque. Je me relève et range mon lecteur-cassette dans la boîte. Je l'entends monter les escaliers mais il ne se dirige pas vers ma chambre. Quelques minutes après, j'entends la douche couler. Je m'assois sur le bord du lit et regarde le mot qui accompagnait la dernière cassette:

"Ich lache mit dir, ich leide mit dir
Je ris avec toi, je souffre avec toi
Komm' morgens nach Hause, zähl' Scheine mit dir
Je rentre chez moi le matin, je compte les billets avec toi
Betrunken mit dir, am Ende mit dir
Ivre avec toi, à la fin avec toi"
Sido - Mit Dir - XY

    Je me souviens, il y a douze ans, à la mi-Avril, il y avait une adresse mail. Il n'y avait aucune indication sur la personne. Je lui envoyais des mails, il laissait des cassettes et des mots dans mon casier. Il ne m'a jamais répondu par mail. Puis à la fin de l'année, il y avait ce collier avec une cassette. Depuis, je ne l'ai jamais enlevé. Je savais juste que c'était un homme. C'était signé "XY" comme les chromosomes masculin. Ça ne m'embête pas de ne pas savoir qui c'est. Je lui ai souvent dit que j'adorais ses cassettes. Il ne sait même pas à quel point tout ce qu'il a fait m'a aidée. Les jours sombres, je relisais ses mots. Je me disais qu'au moins une personne aime mon sourire. Puis parfois, il y avait une de ses compositions. Un morceau de piano que j'écoutais en boucle.

[L.2] LOVE & SONGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant