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Lorsque je descends prendre mon petit-déjeuner, je ne suis pas très étonné d'entendre la voix du présentateur de l'émission de mon père dans le salon. Il ne travaille qu'un week-end sur deux et à priori, celui-là n'en fait pas partie.
Je sors les ingrédients suffisants du frigo pour me faire mon petit-déjeuner et part jeter un coup d'œil dans le salon.
Aucune trace de nourriture à l'horizon.
Je sais qu'il est très fatigué à cause de son travail et de ses problèmes de dos, alors depuis que mon frère est parti, c'est moi qui m'occupe un peu de la maison. Même si au fond de moi, je le fais surtout pour ne pas tourner fou dans cette maison qui est bien vide depuis quelques années.
Je fais tourner les œufs dans ma poêle et ajoute les tartines grillées dans l'assiette. Une fois bien cuit, je les mets au-dessus des tartines et part apporter la petite assiette à mon père.
— Merci, Simon.
Je lui réponds par un léger sourire et repars manger mon petit-déjeuner dans la cuisine. Ça a toujours été comme ça entre lui et moi. Je n'ai jamais été aussi proche qu'Adam l'était avec lui. Dans mes lointains souvenirs, nous n'étions pas vraiment comme ça avant que ma mère ne parte. Nous étions une famille joyeuse et épanouie. Ou du moins, l'idée qu'on se fait d'une famille normale.
Sauf qu'elle a tout gâché en partant comme si nous n'étions rien à ses yeux.
J'étais jeune et je n'ai plus vraiment de souvenir d'elle, mis à part son visage. Il est flou dans ma mémoire, mais je me souviens encore de sa longue chevelure blonde qui tombait en cascade à l'arrière de sa tête. Mon frère m'a dit un jour que je croyais que notre mère était Raiponce et qu'elle se cachait pour que personne ne découvre ses pouvoirs.
Ridicule, hein ?
Parfois, je me demande pourquoi est-elle partie comme ça, en nous laissant derrière elle. Je sais que mon père l'aimait. Il la chérissait comme un homme aime follement sa femme, mais peut-être qu'au fond, ce n'était pas réciproque.
J'avale difficilement ma tranche de brioche, ressassant mes souvenirs passés. Je n'aime pas penser qu'une partie d'elle connaît notre existence et que pour une raison ou une autre, elle ne revient toujours pas.
Cela fait onze ans.
Et peut-être que tout aurait été différent si elle n'avait pas disparu du jour au lendemain.
— Simon, la porte d'entrée !
Perdue dans mes pensées, je me lève subitement de ma chaise en écoutant les ordres de mon père par réflexe. Je n'avais même pas entendu que quelqu'un avait frappé.
Dehors le temps est gris, il y a du brouillard à perte de vue et pas le moindre rayon de soleil. Autant dire, une journée à s'engouffrer dans son lit avec une bonne série.
Sauf qu'à la seconde où je vois ce visage, mon cœur se réchauffe aussitôt.
— Salut, frangin.
Je le regarde les yeux grand ouverts, prêt à se décrocher de mon visage. Avec sa tenue bon chic, bon genre et sa mine aussi fatiguée que la mienne à cause de son long trajet, j'ai l'impression qu'il va s'écrouler devant moi.
Les bras grands ouverts avec un sac sur le dos et une barbe de trois jours qui pousse sur son visage, mon air morose se dissipe peu à peu. Cela fait plus de quatre mois qu'il n'est pas venu à la maison, nos seuls messages et court appels sont ce qui reste de nos liens fraternels.

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SOULMATE
RomanceDans les rues de Birmingham, où l'acier et les histoires s'entrelacent, la vie de Simon n'est en apparence qu'une histoire comme les autres. De celle qu'on passe sans jamais vraiment s'en intéresser. Mais qui est-il vraiment ? Et que cache-t-il réel...