34 | Maman

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Elle est là. Sous mes yeux. En chair et en os.

Je tremble de haut en bas. Pétrifié devant sa silhouette. Devant ce fantôme que je ne pensais plus jamais revoir un jour.

Onze ans.

Cela fait onze ans qu'elle a disparu et voilà qu'elle est devant moi. Je n'arrive pas à le croire. Ce doit être un rêve. Ou un cauchemar.

Une main se pose sur mon épaule. Je la ressens à peine. Ses doigts se pressent contre ma peau et m'obligent à détourner le regard de ce fantôme du passé. J'accroche le regard perturbé d'Atlas derrière mon épaule.

Je sais qu'il n'a pas mis longtemps à faire le rapprochement entre cette femme et moi. Il est évident que nous avons un lien tous les deux au vu de notre ressemblance. Et je le vois d'autant plus maintenant. Mis à part son nez différent du mien, je lui ressemble comme deux gouttes d'eau. Ou peut-être la taille aussi, elle n'est vraiment pas très haute.

— Si-Simon ? Résonne la voix de la femme à quelques pas de moi.

Aussitôt, je quitte les yeux du brun pour retrouver des pupilles similaires aux miennes. Elle a désormais avancé d'un pas vers moi sans que je ne m'en rende compte.

— C'est bien toi ? Oh mon Dieu, mon fils...

Elle tend sa main dans ma direction, mais je recule aussitôt, cognant le torse d'Atlas derrière moi. Je sens la surprise l'assaillir au simple mouvement de peur que son geste a provoqué sur mon corps. Ses doigts crispés restent suspendus dans les airs sans jamais toucher ma peau frigorifiée par sa présence. Elle finit par baisser son bras, les lèvres pincées et prêtes à pleurer de toute son âme.

Le temps s'écoule où nous ne faisons que nous dévisager. Ses cheveux sont désormais coupés dans un long carré qui lui tombe sur ses épaules. Ils sont toujours aussi blonds, même si quelques mèches grises commencent à apparaître.

Elle se gratte la gorge en bougeant nerveusement ses doigts entre eux.

— Je... Je vous dérangeais peut-être, j'en suis désolée, dit-elle en jetant un regard derrière mon épaule. Mais... Est-ce que tu veux bien me laisser entrer ? Je crois que nous avons beaucoup de choses à nous dire.

Un instant, j'ai envie de rire à sa question, l'autre instant, mon corps se décale pour la laisser passer sans même prononcer un mot. Je ne sais pas ce qui me prend. J'ai pourtant l'envie irrépressible de refermer la porte sur son nez. Mais... Une partie de moi a envie de l'entendre. Entendre ses explications. Ses excuses. Je veux savoir pourquoi nous a-t-elle abandonnés sans jamais se retourner.

Elle enjambe quelque chose devant moi avant de disparaître derrière Atlas, la tête baissée. Je ne sais pas si l'un à parler à l'autre, mais au vu du regard du brun, je ne suis pas sûr qu'il aurait répondu.

Je baisse mes yeux vers le sol et remarque des tas de morceaux de verre explosé en mille morceaux. Une tache de café jonche sur les marches qui s'écoule jusqu'au chemin de pierre. Je m'empresse de me baisser, les lèvres tremblantes et les yeux qui me brûlent affreusement.

Pourquoi ?

Pourquoi maintenant ?

Mes mains récupèrent chaque morceau de verre comme si c'était mon propre cœur tombé en miettes devant mes yeux. Une seconde d'inattention et je grimace en m'entaillant le doigt. Une petite goutte de sang coule le long de mon doigt quand je sens une main se poser sur mon poignet.

Ma tête se tourne vers Atlas qui est désormais à genoux en train de récupérer les débris dans ma main. Je le laisse faire sans même me débattre, parce qu'entre nous, c'est comme ça. Il ressent mon cœur violenté par la présence de ma mère dans la maison.

SOULMATEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant