24 | Sortilège de regret

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"Mon cher prince de Sang-Mêlé,

Tout d'abord, comment te portes-tu, dix ans après notre séparation ?

Je t'avoue que je ne sais pas vraiment comment commencer cette lettre, ni comment la rédiger. Pour être franche, je ne sais même pas si l'un de nous est toujours en vie, avec les temps qui courent.

Aujourd'hui, je pense avoir pris conscience de quelque chose : l'amour ne fait pas tout. Je sais, j'imagine d'ici ton regard froid et méprisant, mais lis tout, je t'en supplie.

Tu sais, j'ai longtemps été envieuse de l'amour que tu portais à Lily. Non pas que je t'aimais toi, mais ces étincelles qui brillaient dans tes yeux, ta voix qui variait imperceptiblement quand tu t'adressais à elle. Je pense que c'est ceci qui m'a fait, disons, tomber amoureuse de l'Amour.

Et comme en amour il y a des hauts et des bas, je me suis aussi promise d'être là pour toi, de compatir avec toi lorsque tu seras au plus bas. Je te vois d'ici mon cher Severus. Ce n'était pas de la pitié que je ressentais envers toi, c'était de l'amour. Dans sa forme la plus pure et simple.

Malheureusement, je pense que j'avais les yeux un peu trop fermés à cette époque-là. Je m'attendais à ce qu'on m'aime comme tu as aimé Lily. C'est idiot, n'est-ce pas ? Je trouve aussi.

Charles a agi exactement comme je voulais qu'il le fasse. J'ai agi exactement comme il voulais qu'il le fasse. Et maintenant, me voici enceinte d'un homme froid, manipulateur, tricheur et trompeur.

"Les opposés s'attirent." Cette phrase a rarement été aussi vraie.

Pour tout dire, je regrette un peu. Cette époque où notre seule préoccupation était de valider notre année. Ces après-midi sous le saule pleureur où les robes des Maraudeurs ont brûlé tant de fois. Ces soirées en y'a compagnie où le mot "magique" prenait tout son sens.

Mais finalement, au delà de ce regret, j'espère. Que ta vie est suffisamment belle pour que le passé ne te hante plus. Que mon enfant est heureux. Que ton allégeance envers Voldemort a pris fin.

Voilà la fin de cette lettre. Je ne sais absolument pas si tu prendras ne serait-ce que la peine de la lire, mais qu'importe.

Je te souhaite tout le meilleur,
Eleana."

Cette lettre était bien restée des semaines sur le bureau du nouveau directeur. Au début, l'incompréhension avait envahi son esprit, puis, cette manière si élégante de tracer les mots eut l'effet d'une douche froide sur lui.

Maintenant, une douleur comparable à celle de la mort de Lily autrefois Evans l'envahît. Où avait-il raté ? Où ? Le poids qui s'abattit soudain sur lui devint insoutenable et il se précipita vers le placard où était soigneusement rangé sa pensine. Il s'apprêta à y déposer toutes ces pensées intrusives qui l'envahissaient, et alors que le filament argenté pendait au bout de sa baguette, il soupira.

Pas cette fois. Ces souvenirs lui appartenaient. A lui et personne d'autre. Alors il accepta cette tempête de sentiments. Tout tournait terriblement vite dans sa tête, et il dut fermement s'accrocher aux accoudoirs de son fauteuil pour ne pas se laisser emporter. Il fixa le plafond vertigineux de son bureau et inspira profondément. Il avait mis des années pour se remettre de la mort de Lily, ce n'était pas pour se laisser de nouveau plonger dans une mer de regrets.

En plus, ce n'était pas comme si Eleana était morte. Il suffirait au sang-mêlé de transplaner pour se retrouver dans la demeure de son ancienne meilleure amie. Aussi simple que ça. Hormis le fait qu'un imbécile mégalomane voulait réduire à néant les nés-moldus.

Et puis, maintenant son mari n'était plus. "Rayé du monde aussi vite que James." Décidément, le destin adorait semer des embûches dans sa vie.

Comme une fois n'est pas coutume, Rogue sortit de son bureau et se mit personnellement à la recherche de Victoria.

Ses pas résonnèrent dans les couloirs, ses chaussures claquaient contre le sol froid et désert du château. Prendre l'angle à droite, ne pas rater l'escalier, descendre, tourner. Le directeur connaissait Poudlard comme sa poche.

Une fois arrivé devant la salle commune des Serpentard, il tomba nez à nez avec Drago et Victoria. Ses yeux noirs et froids scrutaient les deux élèves de la tête aux pieds. Voyant qu'il s'était déplacé jusque-là, leur sourire disparut et un masque froid remplaça leurs expressions chaleureuses.

- Bonsoir, monsieur le directeur.

L'homme ne prit pas la peine de répondre à ces formalités.

- Miss Alleen, venez avec moi. Immédiatement.

Son ton était sans appel. Les deux élèves s'échangèrent un regard d'incompréhension, sans avoir le temps de plus : le professeur commençait déjà à avancer. Après quelques pas, il marqua une pause.

- Êtes-vous sourde ?

La jeune fille sursauta, et courut rejoindre l'homme, faisant un discret signe de la main à Drago. Que lui voulait-il ? La dernière fois que Rogue l'avait convoquée, il était encore professeur de potions, et c'était pour lui annoncer ses aptitudes en sortilège, cinq ans auparavant.

L'histoire se répète.

Descendant de plus en plus profondément sous le château, le maître et son élève arrivèrent devant l'ancien bureau de l'homme aux cheveux noirs, bureau qu'il occupait à peine quelques mois plus tôt.

Il déverrouilla la porte, avant de laisser la Serpentard entrer en premier. Tout était exactement à la même place que lorsqu'elle était venue la première fois. Sauf peut-être les nombreux parchemins qui envahissaient autrefois son bureau ; ils devaient désormais être soigneusement rangés dans sa bibliothèque.

Un petit sourire prit place sur le visage de Victoria, tant de souvenirs lui revenaient en mémoire. En ces temps de guerre, ils étaient sa seule source de bonheur.

Le directeur pointa une chaise du doigt et vient prendre place en face.

- Asseyez-vous.

La jeune fille s'exécuta.

D'un coup de baguette, il fit apparaître deux tasses remplies d'un liquide bleu sombre. Détachant chaque syllabe de ses mots, Rogue prit enfin la peine d'accorder des explications à son élève.

- Jurez que tout ce qui se dira ici restera ici.

Elle ne comprenait pas. C'est vrai qu'avec les temps qui couraient, la moindre parole déplacée pouvait signer votre mort mais tout de même !

- Je... Je jure que tout ce qui se dira ici restera ici.

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10.12.2022

Fun fact : j'ai eu l'idée de tout le scénario de la fin un matin pendant que je me brossais les dents.

Take care dears,
Suzann. <3

Son regard - [D. Malefoy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant