Si Daphné était aux anges en compagnie de Victoria, on ne pouvait pas en dire autant de Drago, qui à défaut de pouvoir passer ses vacances à s'amuser avec Blaise, se voyait obligé d'assister à un dîner d'affaire avec son père. "Nous en avons besoin pour renforcer l'influence du nom des Malefoy."
Se joindre à ce dîner enchantait le jeune blond, il allait faire ses premiers pas dans ce monde de pouvoir et de luxe, seulement, là, il avait plus la sensation d'entrer dans une crèche qu'autre chose.
La tête appuyée sur sa paume, il poussa un profond soupir de désespoir ; autour de lui, des cris de partout, des objets volaient, des peluches se déchiraient. Lui qui pensait enfin être grand, adulte, reconnu à sa juste valeur par son père, il restait là, accoudé à une table, fusillant de son regard d'acier tout enfant qui s'approchait trop près de sa table.
Ennuyé par toute cette foule de démons miniatures, il sortit s'aérer l'esprit, assis sur le perron du manoir. Le vent soufflait dans ses cheveux blonds, il avait décidé d'arrêter de les plaquer sous une couche de gel suite à une remarque de Weasley : "T'es bien parti pour avoir plus de vide que de cheveux avec toute ta glue !" Drago avait beau le haïr du plus profond de son être, il tenait à sa tignasse platine.
Ses yeux cherchant une occupation potentielle, ils bloquèrent sur un morceau de papier virevoltant qui finit sa course sur l'une des terrasses de la demeure, supposa-t-il. En parlant de papier, il fouilla les poches de son smoking, à la recherche d'une lettre.
Lorsque ses fins doigts touchèrent enfin le morceau de papier, le garçon le déplia et le relut. Le soir de son anniversaire il avait été si occupé qu'il n'avait pris le temps de lire que l'expéditeur : Ophelia. Les lettres formaient des mots d'une écriture très élégante, presque calligraphiée. Il commença le déchiffrement du manuscrit :
"Drago,
Excuse d'avance les maladresses qui suivront, j'ai rarement tendance à écrire une lettre d'anniversaire.
Aujourd'hui, tu fêtes tes quatorze ans d'existence et je souhaite que cette journée ce soit bien passée pour toi.
Trois ans que nous nous connaissons, et je peux dire que le peu de temps que nous avons passé ensemble était extrêmement agréable. Que ce soit tes peurs dérisoires - comme lorsque tu avais peur que je te fasse tomber de ton balais - ou bien tes maladresses, je suis heureuse d'avoir pu passer ces moments avec toi, en espérant que ce ne soit pas les derniers.
J'ai bien vu l'admiration et la peur que tu avais pour ton père, mais garde à l'esprit que vous êtes différents, tu n'as pas à suivre la même voie que lui car une autre porte déjà ton nom. Peut-être un jour l'emprunteras-tu ? Ne le prends pas mal, mon unique intention est de connaître Drago, et non l'héritier Malefoy.
Prends soin de toi,
Ophelia."Sa vue se brouilla un instant. Avait-elle réellement écrit ces mots ? La première partie l'avait réellement touché, son propre père n'avait pas daigné montrer le moindre geste d'affection envers son fils, et même si son cadeau l'avait ravi, rien ne remplace la simplicité des mots.
En revanche, en lisant la seconde partie, il fut tenté une fraction de seconde durant de froisser la feuille et de l'abandonner au fond d'une poche. Il voulait être comme son père. Son père en avait décidé ainsi et il l'écouterait parce qu'il l'admirait, parce qu'il le craignait. Toute chose qui pourrait lui déplaire était à bannir.
Sa colère grimpa en flèche ; de quel droit, elle, une Sang-Mêlée à la famille brisée pouvait lui reprocher quoi que ce soit, concernant son père qui plus est. Il détailla son visage mentalement : sa tête ronde, ses joues rebondies, son petit double menton, ses boucles noires, ses fossettes... Ses yeux caramel.
Son énervement baissa d'un cran, la bande de Potter lui tapait suffisamment sur les nerfs, inutile de s'emporter pour cette insupportable fille aussi.
"Insupportable, insupportable, mais j'ai passé plus de moments agréables avec elle qu'avec Pansy, alors que nous sommes sensé être amis."
Réflexion faite, il récupéra la lettre qu'il avait précédemment envoyée dans l'herbe humide du jardin et la rangea dans son portefeuille.
"On ne sait jamais, ça pourrait servir."
Si elle se faisait kidnapper et qu'on avait besoin de son écriture. S'il avait besoin de s'inspirer de ses lettres pour une future calligraphie. S'il sentait seul et qu'un souvenir d'elle le réconfortait. On ne sait jamais.
D'un pas lent et ennuyé il regagna la chaleur des lustres, guidé par la voix de sa mère qui l'appelait. L'heure du repas avait enfin sonné. La tête baissée et le regard fuyant, il entendait son père vanter son rang et sa prestance, dénigrant avec ses nouveaux alliés toute autre forme de vie qui ne corresponde pas à leur idéaux.
Cette lente manipulation qui rongeait à petit feu le libre arbitre de son fils, Ophelia souhaitait de tout son cœur qu'elle disparaisse, au profit du lumineux regard, peut-être différent, de Drago.
Le repas terminé, Narcissa posa sur sa progéniture une main rassurante mais ferme.
- Nous devons y aller, Drago et moi avons des affaires à régler demain dès la première heure. Lucius, tu nous rejoint plus tard ?
Mensonge, strictement rien n'était prévu le lendemain, mais voyant le malaise de son fils, la Malefoy préféra le tirer de cet endroit. La tête haute et le menton levé, ils quittèrent la pièce.
Le trajet en poudre de cheminette terminé, Drago et Narcissa s'assirent tous deux sur des chaises hautes autour de l'îlot près de la cuisine. La mère jeta un œil à la pièce attenante, une pointe de nostalgie dans le regard. Aujourd'hui ce n'était plus Dobby qui s'affairait à faire à manger, mais son remplaçant. Même si trouver un elfe de maison aussi compétent que celui perdu n'avait pas été aisé, elle pensait qu'il méritait quelque par sa liberté, après des décennies de bons et loyaux services - comme une sorte de retraite, en somme.
- Mère, est-ce père qui vous a transmis cette haine et ce dégoût envers tous ceux qui sont différent de nous ?
La voix du blond résonnait encore dans la tête de sa mère, sidérée par cette question.
_____
07.09.2022
J'ai écrit une nouvelle histoire sur Theodore Nott. Tout est aléatoire dedans mais, pourquoi pas ?
Bye,
Suzann H. <4
VOUS LISEZ
Son regard - [D. Malefoy]
FanfictionRegards au détour d'un couloir, sourire durant leurs cours, lettres de minuit. Ainsi Drago communiquait pour la première fois sans arrogance ni mépris avec elle. Petit à petit, sa présence d'origine si insupportable devint indispensable. Quelle hont...