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Les yeux dans le vide, le regard fixe, l'enfant passait et repassait son doigt sur la cicatrice qui lézardait la peau de son bras. Debout face à la fenêtre, perdu dans ses traumas, elle n'entendait ni les cris des petits ravis, ni l'appel régulier de la surveillante qui avait peur de la brusquer. Si elle s'était retournée, qu'aurait-elle fait ? Aurait-elle sourit ? Aurait-elle rit ? Si elle s'était souvenue, oui elle aurait rit. D'un rire amère et douloureux, plus proche d'un grincement de dent que d'un vrai rire. Mais pour ça il aurait fallu qu'elle se souvienne, mais en quatre ans elle avait oublié. Elle avait oublié ces cheveux blonds et cette fossette si caractéristique. Elle avait oublié ces cernes inneffaçables et cette fine marque blanchâtre au dessus de l'œil droit.

Une main effleura son épaule et tout son corps se crispa, son regard abîmé semblait hurler, ses doigts grattèrent compulsivement la cicatrice ardente.

"Apollyne, tu... Quelqu'un est là pour toi... Tu quittes l'établissement ce soir..."

Elle ne réagit pas, elle ne sembla pas entendre, pas comprendre. La main quitta son épaule, ses doigts se calmèrent laissant une goutte vermillon glissée sur sa peau éraflée, son regard se posa, ses muscles se détendirent.

"Apollyne ?"

De nouveau, la main l'approcha et attrapa son poignet. Llyne posa ses yeux sur la main et ses prunelles s'accrochèrent au papillon tatoué sur l'index. Elle était en sécurité. Elle ne devait pas l'oublier. Elle était en sécurité... lentement, elle se retourna pour faire face à la jeune fille venue lui rendre visite. Ses yeux bleus la transpercèrent dans une désagréable sensation de déjà-vu. Une larme coula sur la joue de l'inconnue qui s'approcha et s'acroupie face à elle.

"Salut Llyne !"

***

C'était il y a quatre ans, que Llyne avait disparu. Depuis deux ans, elle vivait dans un foyer, les rapports informaient qu'elle ne parlait plus, qu'elle ne dormait et ne mangait que peu.

Il lui avait fallu une semaine pour retrouver la trace de sa soeur, et maintenant qu'elle se retrouvait face à cette fillette au visage marqué, fermé et sombre, elle se demandait si elle ne s'était pas trompé. Maé avait beau se répéter que cet unique mois passé dans un autre univers fut pour Llyne quatre longues années, elle n'arrivait jusque lors pas à s'en convaincre, mais à présent face à cette enfant qu'elle avait du mal à reconnaître et qui ne semblait pas se souvenir d'elle, elle fut bien obligée de l'admettre : sa petite soeur avait dix ans, elle en avait pourtant 15, et son calvaire avait duré deux ans, et non pas un peu plus d'un mois.

"Je... Je suis Maé... Ta grande sœur..."

Un ange passa, Llyne détourna la regard.

"Llyne ? Est-ce que tu te souviens de moi ?"

La plus jeune se retourna, essuya une larme sur sa joue et d'un regard meurtri fixa son ainée.

"- Je suis désolée ! Je suis tellement désolée ! T'aurais jamais dû vivre ça ! J'aurais dû...

- Être là. Mais c'était pas l'cas."

Comme pour marquer la fin du dialogue, Apollyne se retourna et essuya une nouvelle larme.

"- Va t'en.

- Je veux juste que tu saches que je t'ai pas oublié ! Que j'ai continué à te chercher, je t'ai pas abandonné ! Jamais !

- Et pourtant il t'a fallu quatre ans."

***

La jeune fille posa son sac au pied de son lit et s'approcha du meuble poussiéreux. Ses pas résonnaient dans la pièce depuis longtemps inhabitée, laissant des traces parmi les moutons couvrant le plancher.
Sur le meuble, des photos encadrées présentaient Maé et elle souriant dans un parc d'attraction, elle rigolant juchée sur les épaules de son père, sa soeur quand elle devait avoir trois ans tenant un livre à l'envers, l'air rêveur, ou encore elle en haut d'une falaise l'air victorieux. Elle caressa du bout des doigts la surface de verre gelée qui protégeait la photo qu'elle se souvenait comme étant sa préférée : celle sur laquelle toute sa famille, réunie pour noël, souriait devant un sapin en plastique scintillant, et soudain elle craqua.
Cela faisait des années qu'elle les attendait, et aujourd'hui encore, même dans son ancienne chambre, dans son ancienne maison, elle ne savait pas si elle les avaient retrouvés. Une larme s'écrasa sur le cadre rose et son frêle corps d'enfant trembla sous les sanglots. Plus rien ne serait jamais comme avant, peu importe la force avec laquelle elle le souhaitait. Une ombre passa devant la porte et Wanda s'arrêta dans l'encadrement de bois.

"Hey !"

Llyne la reconnut et, perdue, désespérée, se jeta dans les bras de la jeune femme, qui la serra fort contre elle.

"Tout va bien. C'est fini. Le cauchemar est fini."

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Salut tout le monde,
J'espère que ça va !

Voici un nouveau chapitre de l'histoire, la fin se rapproche hehehe 😏

J'espère que ça vous plaît, n'oubliez pas de voter pour le chapitre si vous l'aimez.

Au-revoir 👋

Captain Rogers ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant