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Dans les jours qui suivirent, Norbert tenta de réfléchir à la question des licornes. La tache blanche qu'il avait aperçue entre les arbres en était-elle une, qui essayait de s'enfuir face à cette "chose" dont parlaient Dumbledore, Boos et Lorenz ? À chaque cours de soin aux créatures magiques, il porta la plus grande attention possible aux mouvements de la forêt, mais il ne remarqua plus rien d'anormal.

Il continuait également de voir Leta tous les soirs, et il passait ses week-ends exclusivement avec elle. Ils avaient vraiment fini par s'apprivoiser, et chacun pouvait lire en l'autre comme dans un livre ouvert. C'est ainsi que Norbert remarqua quelque chose d'étrange, qui était peut-être là depuis le début mais qu'il n'avait pas réussi à déchiffrer ; ce quelque chose était dans son regard. Même lorsqu'elle souriait, même lorsqu'elle riait, une lueur au fond de ses yeux semblait faire comprendre qu'elle n'était pas totalement heureuse. Comme si quelque chose l'avait brisée un jour, et que les morceaux ne s'étaient toujours pas recollés. Mais elle n'avait pas l'air prête à lui en parler, alors il la laissa tranquille, tout en restant près d'elle au cas où elle aurait besoin de lui.

En tout cas, passer du temps avec elle ne fit qu'accroître ses sentiments. Même avec cette lueur triste, chaque fois qu'elle riait, qu'elle lui souriait, il sentait son cœur se réchauffer. Surtout qu'il avait remarqué qu'il était la seule personne à réussir à la faire rire. Et elle aussi, était la seule personne à le faire rire. Même Thésée n'y arrivait plus depuis longtemps.
Et chaque fois que les deux élèves se touchaient par inadvertance, Norbert en était paralysé. Il n'avait jamais apprécié les contacts physiques, mais ceux-ci étaient... différents. Doux. Agréables.

La première sortie de l'année à Pré-au-lard était prévue le jour d'Halloween, qui tombait un samedi. Norbert n'y allait pas souvent, car il y avait toujours énormément de monde et de toute façon, il ne voyait pas vraiment l'intérêt d'y aller seul, et comme il n'avait jamais eu d'amis...
Mais cette fois-ci c'était différent. Il y avait Leta, ce serait leur première sortie, à tous les deux, entre amis.

Cependant, le matin d'Halloween, lorsque Norbert réveilla, un doute auquel il n'avait pas pensé l'effleura. Et si Leta ne voulait pas passer l'après-midi avec lui ? Même si, d'habitude, ils étaient de toute façon ensemble le week-end, une semaine plus tôt, la Serpentard lui avait demandé s'il comptait aller à Pré-au-lard. Il lui avait répondu oui, elle lui avait fait son habituel sourire en lui disant qu'elle aussi. Mais ils n'avaient jamais précisé qu'ils iraient ensemble...
Même si le Poufsouffle ne savait pas avec qui d'autre elle pourrait bien y aller, étant donné qu'elle non plus n'avait pas d'autre amis. Ou alors préférait-elle la solitude ?

Il s'habilla, toujours perdu dans ses pensées, et descendit les marches des escaliers qui reliaient son dortoir à la salle commune. Quelques élèves étaient assis à des tables pour travailler, d'autres étaient installés dans les fauteuils autour de la cheminée, papotant ou lisant.
Norbert aimait bien la solitude, mais parfois, il regrettait un peu de ne pas avoir d'amis à Poufsouffle, pour partager avec eux des moments comme ceux-ci. C'était sa faute, il en avait conscience. Plusieurs élèves avaient déjà tenté de braver son excentricité et d'apprendre à le connaître. Mais c'était au-dessus de ses forces. Il n'y arrivait pas... et Leta était la seule personne à avoir réussi à le faire sortir de sa coquille.

Il ouvrit la porte du dortoir et prit le chemin de la Grande salle. Il plaignait un peu les Gryffondor et les Serdaigle qui avaient leurs dortoirs beaucoup plus éloignés de la Grande salle que les Poufsouffle et les Serpentard ; dès le mois de novembre, les couloirs étaient horriblement froids. Norbert croisa les bras sur son pull et accéléra le pas.

Une fois arrivé dans la Grande salle, il leva les yeux vers le plafond magique. Le ciel était plutôt gris mais le soleil perçait par endroit, et la pluie ne semblait pas au rendez-vous. Son regard se tourna ensuite vers la table des Serpentard. Leta n'était pas encore là.

Il s'assit donc et mangea silencieusement, les yeux fixés sur les grandes portes, à regarder les va-et-vient des élèves et la salle se remplir peu à peu à mesure que l'heure avançait. Vers 8 heures et demie, une chevelure brune légèrement emmêlée fit enfin son apparition.

Dès qu'elle mit les pieds dans la salle, Leta fouilla la table des Poufsouffle du regard. Lorsqu'elle le trouva, un grand sourire fendit son visage et elle lui fit un signe de la main, auquel il répondit un peu maladroitement.

Une fois terminé leur petit-déjeuner, les deux élèves se rejoignirent et prirent la direction du placard, dans lequel quelques animaux habitaient toujours. À présent, Leta avait pris l'habitude d'aider Norbert à s'occuper d'eux. Celui-ci adorait la regarder faire ; elle avait sans arrêt un air concentré, attentif et un peu attendri, et elle cherchait son approbation à chaque geste.

Ce matin-là, le jeune Poufsouffle attendit la moindre allusion à l'après-midi, mais aucune ne vint. Il dû se résoudre à aller manger toujours sans savoir s'il allait passer le reste de la journée avec son amie ou non.

Mais il se détendit lorsque, après le déjeuner, Leta se dirigea vers lui. Ils passèrent donc ensemble les vérifications des autorisations parentales et sortirent du château. Heureusement que Norbert avait prévu plusieurs couches de vêtements bien épais, car la fraîcheur ne cessait de s'accroître. Il ressera son écharpe de Poufsouffle autour de son cou, et il tressaillit à nouveau lorsque le coude de Leta toucha le sien.

Une fois arrivés dans le beau village, ils prirent la direction de Honeydukes. Dès qu'ils eurent franchit la porte du magasin, une vague de chaleur et d'odeurs délicieuses les enveloppa. Norbert ferma les yeux un instant et repensa à son enfance, quand il passait des après-midis avec sa mère à faire des gâteaux et des confiseries. Dans ces moments-là, la maison était embaumée de cette même odeur sucrée.

L'après-midi passa dans la bonne humeur. Norbert et Leta passèrent ensuite par Zonko, le magasin de farces et attrapes, puis par les Trois balais, saturé de monde comme d'habitude, pour boire une bièraubeurre, et enfin ils se baladèrent un peu non loin de la Cabane hurlante.

Ils finirent par rentrer au château vers 18 heures. Norbert laissa son amie pour aller prendre une douche, et il se retrouvèrent une heure plus tard devant la Grande salle, dans laquelle ils s'empressèrent d'entrer. Cette année, la décoration pour Halloween était grandiose. Apparemment, tous les professeurs avaient travaillé d'arrache-pied pendant l'absence de la grande majorité des élèves l'après-midi.
Une centaine de citrouilles plus grandes que dix Souaffles faisaient le tour de la salle, il y avait deux fois plus de cierges qui flottaient au-dessus de leurs têtes, et d'immenses toiles d'araignées reliaient les coins des murs. Le plafond magique avait subi un nouveau sortilège, et un orage fictif traversait ses sombres profondeurs.

Évidemment, un grand festin accompagna cette décoration, et la rumeur des conversations se fit plus joyeuse que jamais.

Lorsque Norbert monta dans son dortoir, il avait le cœur aussi rempli que le ventre.
Il enfila son pyjama, profitant du fait que ses camarades de dortoir ne soient pas encore arrivés. Il s'apprêta à éteindre la lumière, quand un bruit attira son attention et interrompit son geste.

Il tendit l'oreille. On aurait dit des éclats de voix très lointains. Qui semblaient provenir du parc.

Le Poufsouffle s'approcha de la fenêtre et scruta les alentours mais, avec l'obscurité, il ne voyait pas grand-chose. Il ouvrit la fenêtre, et son attention fut décuplée lorsqu'il entendit le mot "licorne".

Loin de tous (Les Animaux Fantastiques)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant