Le lendemain matin, lorsque Norbert alla prendre son petit-déjeuner, il ne comprit pas tout de suite ce qui se passait. Pratiquement tous les élèves qui le croisaient se retournaient sur son passage, échangeant des regards entendus ou des chuchotements soupçonneux.
Ce n'est que lorsqu'il pénétra dans la Grande salle que tout devint clair. Le principal sujet de conversation était son escapade nocturne avec Leta. Et plus précisément, la partie inventée par Reels au sujet de la licorne.- Tu as vu son regard malsain ? Je te parie qu'il est en train de réfléchir à comment tuer la prochaine bête...
- Qui l'eût cru, de la part du sorcier le plus timide de Poudlard, héros du bureau de Nigellus ?
- En tout cas, pour Lestrange, ce n'est pas étonnant. Elle ne peut pas passer un mois sans faire quelque chose de mal.
- C'est vraiment incroyable qu'elle n'ait toujours pas été renvoyée. Si tu veux mon avis, elle ne terminera pas l'année.
S'il en avait eu le courage, Norbert serait monté sur une table et aurait crié haut et fort que non, ni lui ni Leta n'avait tué cette créature.
C'était quand même aberrant qu'en voulant sauver une licorne, il soit accusé de l'inverse à travers toute l'école.
Il jeta un coup d'œil à la table des Serpentards et y vit son amie, partagée entre la colère, l'effarement et l'agacement.
Puis, en s'asseyant à la table des Poufsouffles, il croisa le regard de la Gryffondor blonde. Celle-ci lui sourit d'un air railleur. Pour la première fois de sa vie, il aurait voulu faire du mal à quelqu'un.Les Poufsouffles s'écartèrent de lui comme s'il avait une maladie contagieuse. Si la solitude ne le dérangeait pas, le rejet, lui, le faisait vraiment souffrir. Il avait juste envie de partir, très loin d'ici, là ou personne n'aurait entendu cette histoire, ou, encore mieux ; qu'il n'y ait tout simplement personne. Juste des créatures à observer.
La seule chose qui le rendait heureux.Le reste de la journée fut tout aussi horrible. Les ricanements, les regards méfiants, les chuchotements, tout ça lui donnait envie de plonger sous terre pour ne plus en ressortir.
Lorsque les cours furent enfin terminés, il décida de sauter le dîner pour sortir un peu avant sa retenue.
Le parc était désert, exactement ce qu'il recherchait. Le temps orageux, avec son ciel gris sombre, son vent qui faisait tourbillonner les feuilles mortes et ses quelques gouttes chaudes, dégageait une atmosphère très particulière, à l'image de l'humeur du jeune sorcier.
Réprimant son envie initiale de taper dans son tronc, il se laissa tomber contre un arbre et s'assit, les bras serrant ses genoux, et fixa les vaguelettes que produisait le lac quand la pluie lui tombait dessus.
Il inspira et expira doucement, plusieurs fois de suite, essayant de retrouver son calme. Il ferma les yeux et posa sa tête contre ses genoux. Il s'était passé beaucoup de choses - trop de choses - depuis la fin de l'année dernière, et il n'arrivait plus à suivre. Peut-être devrait-il en parler à Thésée ? Non, il n'en avait pas envie.
Il eut un sursaut quand il sentit quelqu'un s'asseoir à côté de lui. Sans grande surprise, c'était Leta.
- Normalement, je devrais te demander si tu vas bien, mais comme je vois bien que non, je trouve ça totalement absurde.
Norbert ne répondit rien et se contenta de continuer à fixer le lac.
Il sentit une main se glisser derrière son dos. Il était incapable de la regarder ; ce geste l'avait paralysé.- Je sais que c'est difficile, mais... ne les écoute pas. Ils ne te connaissent pas, ils ne peuvent pas savoir à quel point tu es incroyable.
Norbert sourit, toujours sans la regarder.
- C'est l'heure de la retenue. Tu viens ?
Sans un mot, il se leva et commença à marcher vers le château, Leta à ses côtés. La main de celle-ci glissa de son dos jusqu'à son bras et attrapa sa main. Norbert rougit et fit tout son possible pour rester concentré sur le chemin. Une partie de lui voulait se dégager et partir en courant, mais la plus grande partie, elle, aurait voulu que ce moment dure une éternité. Après réflexion, il en avait grandement besoin après tout ce qu'il s'était passé.
À sa grande surprise, la Serpentard ne le lâcha pas lorsqu'ils furent entrés dans le château. Heureusement, tous les élèves étant réunis dans la Grande salle pour dîner, les couloirs étaient déserts.
Ce n'est qu'une fois devant le bureau de Selpin qu'il sentit sa main quitter la sienne. Lorsqu'il leva son poing pour frapper, il se rendit compte qu'il tremblait. Il fallait vraiment qu'il se reprenne ; si des contacts physiques aussi minimes le faisaient autant réagir...D'un autre côté, il s'était drôlement amélioré en quelques mois. Avant, tout ça, cela lui paraissait totalement inatteignable. Il n'y pouvait rien ; sa timidité le dépassait, et ce depuis tout petit. Avec le temps, il avait appris à vivre avec, et son entourage également. Les personnes qui le connaissaient savaient ce qu'ils pouvaient faire, ce qu'ils ne pouvaient pas, et à quels moments.
Mais parfois, sa timidité le dépassait tellement qu'il avait l'impression qu'elle se transformait en bête, une bête énorme, la seule qu'il ne parvenait pas à dompter, et qui le rongeait de l'intérieur. Était-ce le cas d'autres personnes ? Il n'en savait rien. Tout ce qu'il savait, c'est que cette bête finirait par le dévorer entièrement s'il ne faisait pas
d'efforts. Ce qu'il tentait avec Leta, et pour l'instant, cela semblait bien fonctionner.Les deux élèves pénétrèrent dans la pièce sombre et peu accueillante. Selpin les recevit de son regard glacé. Ils écopèrent de deux heures de récurage de chaudrons et de fioles d'élixirs divers et variés. Mais la tâche, bien que peu engageante, n'était pas si désagréable en si bonne compagnie. Leta semblait être très bonne en histoires drôles et en blagues venant de nulle part, et les deux amis se trouvèrent plusieurs fois pris de fou rire, puis coupés par un Selpin de plus en plus agacé, ce qui rendait la chose encore plus drôle. Il finit par les laisser partir vers 22 heures, apparemment peu réjoui à l'idée de les retrouver le lendemain.
Lorsqu'ils arrivèrent au coin du couloir menant au dortoir des Poufsouffle, Norbert ralentit le pas, mais visiblement, Leta avait d'autres projets. D'un air décidé, elle le prit par le bras et l'entraîna à l'extérieur du château.
Le sorcier se laissa faire, et bientôt, ils se retrouvèrent dans le parc, éclairé seulement par la lune décroissante et
les quelques étoiles qui brillaient dans le ciel. La pluie avait cessé et les nuages avaient disparu. Leta emmena Norbert à l'endroit où elle l'avait retrouvé, deux heures plus tôt. Le Poufsouffle la vit frissonner au moment où elle s'assit ; le temps, bien que dégagé, gardait toute la fraîcheur du mois de novembre.Norbert, qui n'avait pas si froid que ça, retira son écharpe et s'en servit pour entourer le cou de son amie, qui n'avait pas la sienne. Elle le remercia d'un sourire qui fit accélérer les battements de son cœur. Il s'assit à côté d'elle, sans oser dire un mot, et attendit qu'elle le fasse.
- Je... je n'avais pas la tête à aller dormir, désolée. Et... j'avais envie de rester un peu avec toi...
Norbert sourit. Il avait bien besoin de cet instant de calme après tous ces événements. Une trêve, un temps pour souffler, quelque chose de doux, c'était exactement ce qu'il voulait.
Il ferma les yeux quelques instants et se laissa glisser dans l'herbe. Il se mit à fixer les étoiles et bientôt, Leta l'imita.Il se sentait bien. L'air frais d'une soirée d'automne lui caressait le visage, faisant trembler ses cheveux. La lune, qui avait tellement occupé son esprit ces derniers jours, qui l'avait troublé et angoissé, luisait maintenant d'un éclat doux, envoûtant, telle la mer si calme et lisse après une tempête. Les étoiles ressemblaient à des centaines de lucioles brillant dans l'obscurité, et les quelques chouettes qui sortaient de temps en temps de la volière pour aller chasser rajoutaient une atmosphère particulière, enivrante.
Et surtout, la main de Leta qui frôlait la sienne dans l'herbe, rendait tout ça encore plus attrayant. Il aurait été prêt à passer la nuit ici s'il ne faisait pas aussi froid (et s'il n'avait pas peur qu'un professeur ou un élève ne les surprenne).Les deux amis finirent par se lever et se quitter pour retourner dans leurs dortoirs. Et Norbert s'endormit, le sourire aux lèvres, pour la première fois depuis bien trop longtemps.
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Loin de tous (Les Animaux Fantastiques)
FanfictionEn 1 910, Norbert Dragonneau est en troisième année à Poudlard. C'est au cours de cette année qu'il va parler pour la première fois à une certaine Leta Lestrange. Et ce rapprochement va changer la vie des deux sorciers... Jusqu'alors tous deux solit...