Plus un son. Même le sifflement du vent s'était tu. Aucun cri d'animal. La licorne s'était enfuie depuis longtemps. Norbert se releva péniblement. La tête lui tourna un instant.
- Norbert.
Un voix troubla le silence. Une voix douce, mélodieuse. Inquiète, aussi. Une voix qu'il connaissait bien.
Leta apparut près de lui. Doucement, elle passa un bras derrière son dos pour l'aider à se stabiliser. Ils échangèrent un regard et elle lui sourit, rassurante.
Tout s'était enchaîné à une telle vitesse. Norbert n'avait jamais souhaité tout ce mal à Sicarius. À vrai dire, il n'avait jamais souhaité de mal à personne. Il voulait seulement l'arrêter. Mais il aurait dû se douter qu'en emmenant avec lui quinze centaures furieux et trahis, la situation allait sûrement déraper. À présent, Sicarius devait sûrement regretter d'être immortel ; la douleur qu'il devait ressentir en cet instant devait être abominable. Il avait le corps lacéré, transpercé de toutes parts par les flèches, sans pouvoir être libéré par la mort.
Norbert se surprit à penser que s'il était mort, au moins, il aurait pu voir les sombrals. Des créatures merveilleuses et intelligentes, malheureusement incomprises, car seuls ceux qui avaient vu la mort pouvaient les voir. Il avait toujours rêvé de les observer, mais le prix à payer pour ça était plutôt élevé.
- Nous n'avons plus rien à faire ici, lança Rold. Nous devrions repartir.
- Vous êtes sérieux ? Vous allez vraiment le laisser là ? s'indigna Leta. Et s'il s'en remet ?
- Vous êtes bien impertinente, jeune humaine. Nous vous avons aidé. Nous avons rempli notre part du marché. Nous ne vous devons plus rien. Et si j'étais vous, je parlerais sur un autre ton. Vous venez d'avoir une démonstration de ce dont nous sommes capables.
- Rold, intervint Callyde. Monsieur Nigellus serait peut-être soulagé de savoir qu'il n'y a plus rien à craindre. Je me propose pour ramener Sicarius au château et expliquer ce qu'il s'est passé.
- Tu es fou ! Nous ne...
- Nous n'approchons pas du château, je sais. Il n'empêche que cette jeune fille n'a pas tort. On ne va pas laisser Sicarius ici, au beau milieu de la forêt. C'est beaucoup trop dangereux.
Rold ouvrit la bouche, mais ne trouva rien à répondre.
- Puisque c'est comme ça, siffla-t-il avec mauvaise humeur. Sois de retour avant le lever du soleil.
L'étonnement était visible sur le visage de Callyde, mais il ne dit rien. Il fit un signe de la main aux deux sorciers pour les inviter à le suivre, puis, avec une répulsion évidente, il souleva le corps inanimé du centaure couleur souris et l'emporta. Après avoir échangé un dernier regard, Norbert et Leta le suivirent.
Le chemin du retour passa beaucoup plus vite que l'aller. Parfois, les feuillages touffus laissaient entrevoir un carré de ciel, et la lune, pleine et brillante, haut dans le ciel. Il ne devait pas être loin de minuit. Avec un peu de chance et si la diversion de Peeves avait fonctionné, personne n'aurait remarqué leur absence au dîner. Quant aux camarades de dortoir du Poufsouffle, ils avaient l'habitude que celui-ci rentre tard le soir, occupé par ses créatures.
Pour l'heure, tout ce qu'il voulait, c'était dormir. Les événements de la soirée avaient été éprouvants, et on ne pouvait pas dire qu'il s'était vraiment reposé au cours des dernières semaines. Il était tellement soulagé que les licornes ne soient plus en danger. Il se rendait compte, maintenant que tout était terminé, à quel point il avait été anxieux et tendu. Tandis que la pression retombait, il se sentait comme une coquille vide. Et cette sensation était étrangement reposante.
Enfin, la silhouette du château apparut derrière les arbres et la voix de Callyde troubla le silence.
- Votre directeur sera très fier de vous. Vous avez réussi votre mission à la perfection !
Norbert et Leta échangèrent un regard embarrassé.
- En fait... confia Leta, il vaudrait mieux que vous ne lui parliez pas de nous. On n'est pas censés être là.
Callyde les dévisagea tour à tour, sans comprendre.
- Ce n'est pas... ce n'est pas Monsieur Nigellus qui vous envoie ?
- Non. Personne ne prenait cette affaire au sérieux. Alors, Norbert et moi, on a décidé de réagir. S'il-vous-plaît, dites que vous avez tout fait seuls. Ne lui parlez pas de nous, ou nous serons renvoyés.
- C'est très noble de votre part, souffla le centaure, admiratif. Et très imprudent. Je ne vous conseille pas de recommencer. Mais je le jure, je ne vous dénoncerai pas.
- Merci.
Les deux élèves laissèrent entrer Callyde et Sicarius (qui ne s'était toujours pas réveillé), et, après avoir attendu quelques minutes, rentrèrent à leur tour dans le château. Tout était calme et chacun de leurs pas résonnait dans le silence de la nuit. Ils parvinrent néanmoins sans encombre à leurs salles communes respectives.
Norbert entra le plus silencieusement possible dans son dortoir. Tout le monde dormait et il put se coucher sans avoir à répondre à aucune question indiscrète.
Pour la première fois depuis qu'il avait entendu cette histoire de licornes, il s'endormit complètement détendu.
***
Les mois suivants se passèrent sans événement majeur. L'hiver laissa place au printemps, et les beaux jours revinrent enfin. Le quatuor Flaymert, Gapel, Dlimt et Haustimy était toujours autant fatiguant, le duo Reels et Greybel toujours aussi insupportable, les cours toujours aussi ennuyeux. Mais au moins, plus aucun danger ne planait. Norbert et Leta continuèrent à prendre soin des créatures qu'ils trouvaient et abritaient. Leur complicité avait atteint un niveau supérieur. Ils n'avaient même pas besoin de parler pour se comprendre.
Et justement, Norbert voyait bien que Leta lui cachait quelque chose. Un secret enfoui au fond d'elle-même, qui la faisait souffrir de l'intérieur mais qu'elle refusait de faire sortir.
C'est pourquoi, un matin de mai, alors qu'ils étaient tous les deux assis dans l'herbe près du lac (mais à une distance respectable, Norbert gardant un souvenir trop récent de sa mésaventure le jour de Noël), il aborda le sujet, le plus délicatement possible.- Tu sais, Leta... s'il y a quelque chose qui te tracasse, tu peux me le dire, n'est-ce pas ?
La Serpentard le regarda avec un certain étonnement, mais aussi, - et cela brisa le cœur du jeune sorcier-, de la peur.
- Je... je ne vois pas pourquoi tu dis ça.
Sa voix était extrêmement tendue. Norbert ne s'était pas trompé ; il y avait bien quelque chose.
- Je sens que tu n'as pas envie d'en parler, mais je t'assure que ça te fera du bien. Après tout, je suis ton meilleur ami, je suis là pour t'écouter. Et je peux t'aider, aussi.
La peur dans le regard de la sorcière grandissait. Norbert s'en voulait de la bousculer, mais il faisait ça pour elle.
- Il n'y a rien. Rien du tout.
Son ton était devenu dur, cassant.
- Arrête, Leta. Je te connais. Il y a quelque chose.
- Mais laisse moi ! Tais-toi ! Laisse-moi tranquille !
Toute l'assurance, déjà peu abondante, de Norbert s'écroula. Leta ne s'était jamais énervée ainsi contre lui. Et elle ne s'arrêta pas là.
- Arrête ! Arrête de me regarder comme ça, avec ton air de fléreur battu, arrête d'être tout le temps gentil avec tout le monde, arrête d'être timide et de n'oser rien faire ! Arrête de me poser des questions ! Ma vie ne te regarde pas. Laisse moi. Si tu étais mon meilleur ami, tu saurais quand tu dois te taire.
Et, après une dernière œillade rageuse, elle se leva et retourna vers le château, indifférente aux regards curieux des élèves qui se reposaient non loin et à celui de Norbert, complètement brisé.
Je suis peut-être un peu cruelle de terminer un chapitre comme ça 🤔😇
Prochain chapitre samedi 😉
Merci de me le lire !
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Loin de tous (Les Animaux Fantastiques)
FanfictionEn 1 910, Norbert Dragonneau est en troisième année à Poudlard. C'est au cours de cette année qu'il va parler pour la première fois à une certaine Leta Lestrange. Et ce rapprochement va changer la vie des deux sorciers... Jusqu'alors tous deux solit...