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Norbert arriva tout en haut de la tour d'Astronomie quelques minutes plus tard. Leta y était déjà, tournée vers le parc, observant au loin la cime des arbres de la Forêt interdite. Visiblement, elle ne l'avait pas entendu arriver. Le Poufsouffle hésita à se manifester, par peur de l'effrayer. Elle n'avait pas vraiment l'air bien.
De là où il était, il pouvait clairement voir qu'elle tremblait, et cette vision lui déchira le cœur.

- Leta...? fit-il timidement après s'être enfin décidé.

La Serpentard se retourna brusquement. Elle se tordait les mains tellement fort qu'elles étaient devenues blanches.
Elle sembla hésiter un instant, comme tiraillée par deux idées contraires.

Puis elle accourut vers lui et se jeta dans ses bras.

Norbert l'entoura de ses bras, ne sachant pas trop comment réagir. Il passa une main dans ses cheveux et la pressa contre lui.

- Tu es venu... souffla Leta contre son oreille.

- Évidemment. Je suis là pour toi.

Elle émit un petit bruit étouffé, à mi-chemin entre le rire et le sanglot.

- Merci, Norbert. Je t'ai déjà dit que tu étais génial ?

- Plusieurs fois, oui, précisa le sorcier avec un sourire.

Leta se détacha de lui. Elle souriait, mais au fond de ses yeux brillants de larmes, et on pouvait aisément y lire le désespoir et la peur.

Le Poufsouffle l'entraîna jusqu'à la rambarde de la tour, là où elle s'était tenue quelques instants plus tôt. Puis, de son sac, il sortit ce qu'il avait amené : un plaid et deux coussins. Sans un mot, ils se laissèrent tomber dessus.

Quelques instants passèrent, l'esprit de Norbert tournant à plein régime afin de trouver quelque chose à dire.
Il n'eut finalement pas à le faire.

- Tu t'y connais en constellations ? demanda la Serpentard.

Norbert l'observa discrètement. Elle ne pleurait plus, mais n'avait pas l'air apaisée pour autant. Elle fixait le ciel, le regard vide, le visage fermé.

- À part celles qu'on a étudiées en Astrologie, pas vraiment... même si j'en connais quand même quelques unes qui ont une forme d'animaux fantastiques.

- Vraiment ? Il y en a beaucoup ?

Son air triste ne disparut pas mais se tinta d'un intéressement sincère.

- Je crois. Enfin, je ne les connais pas toutes.

- On en voit, d'ici ?

Norbert scruta le ciel tout en fouillant dans sa mémoire. La nuit était claire, les étoiles bien visibles. Cela lui prit un petit moment, mais il finit par en reconnaître une.

- Là, fit-il en pointant un point vers la gauche. La Constellation de l'Hippogriffe.

Leta s'approcha de lui pour se mettre à sa hauteur et suivit son doigt du regard.

- Je ne vois pas, constata-t-elle.

- Tu ne regardes pas au bon endroit.

Norbert souleva le menton de son amie pour lui faire légèrement lever la tête et prit sa main dans la sienne, qu'il entraîna dans la bonne direction. Il avait de plus en plus chaud, se sentant terriblement proche de la Serpentard, et tenta de parler d'une voix posée.

- Là. Tu vois ? La tête, le torse, les jambes, la queue. Je ne me souviens plus du nom des étoiles, mais tout y est.

- Ah oui, je vois ! s'exclama Leta après une seconde. Enfin, la forme est approximative, quand même.

- Comme pour beaucoup de constellations. Il faut un peu d'imagination.

Doucement, il se dégagea de la sorcière et put respirer à nouveau.

Un silence s'installa, quelques fois troublé par le hululement des chouettes et le sifflement du vent dans les arbres de la Forêt interdite. Norbert contemplait la lune, approchant de son dernier quartier, tandis que Leta jouait distraitement avec un coin de la couverture.

- Est-ce que... tu fais souvent des cauchemars ? demanda-t-il prudemment.

Leta ne répondit pas tout de suite. Elle baissa les yeux vers le bout du plaid qu'elle était en train d'entortiller entre ses doigts.

- Assez, oui, finit-elle par acquiescer.

Il hésita encore un instant. Il ne voulait pas la brusquer, mais il était clair qu'elle avait besoin d'aide.

- Tu veux m'en parler ?

- Ce n'est pas la peine. Ce ne sont... que des cauchemars.

Ces cauchemars étaient-ils en rapport avec cette douleur qu'il avait appris à reconnaître dans les yeux de sa meilleure amie ?

- Des cauchemars qui ont l'air de beaucoup te tourmenter.

- Laisse tomber, Norbert. Je n'ai pas envie d'en parler.

Le Poufsouffle abandonna. Le ton de son amie n'était pas froid, mais fuyant et légèrement apeuré.

- D'accord. Tu penses pouvoir dormir ?

Leta ne répondit pas tout de suite, se contentant de le regarder d'une façon indéchiffrable. Puis, d'une voix si basse qu'il se demanda s'il n'avait pas rêvé, elle murmura :

- Si tu es là, oui.

Un silence pesant s'installa. Voyant les paupières de la Serpentard s'alourdir à vue d'œil, Norbert lui proposa de se coucher et elle acquiesça sans un mot. Il replaça les coussins et ils se glissèrent sous la couverture. Aucun des deux ne parla pendant plusieurs minutes. Norbert ne savait pas quoi faire alors que la gêne montait progressivement en lui. La seule personne avec qui il avait déjà dormi, c'était son frère lorsqu'il était plus jeune. Alors dormir avec la fille qu'il aimait...

Enfin, la voix de Leta troubla le silence.

- Norbert... je ne sais pas quoi faire. Je suis désolée si je peux te paraître froide, ou distante. Je t'assure que je n'en ai pas l'intention. Mais je ne sais pas comment réagir. J'ai des pensées noires qui surgissent. Tous les jours. Elles me font peur. J'aimerai t'en parler, mais je ne peux pas. Ce n'est pas contre toi, tu sais. Tu m'as déjà tellement aidé. Quand on est devenus amis, en troisième année, j'ai eu l'impression de renaître, et je ne te remercierai jamais assez pour tout ce que tu m'as apporté. Mais je ne peux pas te parler de ça. Jamais.

Sa voix se brisa lorsqu'elle prononça ce dernier mot. Norbert crut qu'elle avait terminé, mais il se trompait.

- Je ne vais pas bien. Je pensais qu'une fois de retour au château, ça irait mieux. Mais non... et ça me fait peur.

N'y tenant plus, Norbert se tourna vers elle et l'entoura de ses bras. Il la sentait sangloter, bien qu'il n'aurait su dire quand elle avait commencé à pleurer.

- J'ai tellement peur, Norbert...

- Tout va bien se passer. Je suis là.

Il avait conscience que ce n'étaient que des mots, mais c'était tout ce qu'il avait à lui donner. Complètement démuni, tout ce qu'il trouva à faire fut de la serrer un peu plus fort.

Les minutes passèrent. Leta semblait s'être endormie, sa respiration s'était calmée. Norbert n'osait pas bouger de peur de la réveiller. Il caressait lentement ses cheveux, se disant que lui n'arriverait pas à trouver le sommeil.

La nuit était calme. Le seul bruit qui parvenait aux oreilles du Poufsouffle était celui de la respiration profonde de Leta.

Mais il se trompait. Elle ne dormait pas. Soudainement, elle souffla trois mots, trois mots que Norbert attendait depuis si longtemps. Trois mots qui allaient tout changer.

- Je t'aime.

Loin de tous (Les Animaux Fantastiques)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant