Chapitre 7 (2/2)

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Elle s’était précipitée dans sa loge. À peine le rideau avait-il été abaissé qu’elle avait filé lorsqu’Élia lui avait confirmé la présence de son invité. Assise dans un fauteuil, son cœur battait à tout rompre. Soixante-douze heures qu’elle ne tenait plus en place.

– Veux-tu ôter tes ongles de ce fauteuil avant de l’endommager de façon irréversible ? Je n’ai pas envie de faire un chèque au théâtre.

Dans un sursaut, elle délaissa les accoudoirs pour poser ses mains bien à plat sur ses genoux.

Se savoir ridicule et en être heureuse, était-ce normal ? Était-ce saint ? Pia s’en fichait parce que pour la première fois, elle était ridicule pour quelqu’un.

– Bon sang, Pia ! Vas-tu respirer un jour ? Tu es transparente !

Lorsqu’elle s’esclaffa, elle manqua de s’étouffer.

– Je suis super nerveuse.

– Sans blague ! lança-t-il, pince-sans-rire. Je ne l’avais même pas remarqué.

– Arrête de te moquer. C’est pas évident.

Tranquillement, elle l’entendit approcher.

– Je sais. Mais commence par souffler, sinon tu vas lui faire peur. Allez, on inspire… on expire…

Elle s’appliqua à la tâche, peu désireuse de l’effrayer. Elle avait déjà été fort maladroite à leur premier rendez-vous, il ne manquait plus que la crise d’apoplexie et ce serait la cerise sur le gâteau.

– Bois un peu.

Il glissa un verre d’eau entre ses doigts. Elle accueillit cette source de fraîcheur avec satisfaction.

Cependant, les coups frappés à la porte alors qu’elle se décrispait timidement, firent remonter son angoisse au quart de tour.

– L’heure a sonné, lança Élia d’une voix délibérément sentencieuse.

Le fourbe !

– Je ne sais pas ce qui me retient de t’assommer, chuchota-t-elle, craignant qu’on ne les entende de l’autre côté du battant.

– Ton pacifisme ?

Sûrement. Pia était non violente. Tout comme elle était incapable d’insulter qui que ce soit, elle ne pouvait imaginer lever le petit doigt sur autrui.

– Ravi de vous revoir, monsieur…

La voix volontairement haut perchée, Élia lui signifia l’apparition de l’objet de son trouble.

– Corleone, compléta-t-il.

Une décharge parcourut son échine : Dani Corleone. Ça sonnait drôlement bien.

– Entrez ! Je partais justement.

Il l’abandonnait déjà ? Elle se demandait si elle devait l’embrasser ou le faire taire à jamais. Ami ou traître ? Pia ne parvenait pas à se positionner au sujet d’Élia.
Par ailleurs, son manager avait bien vite oublié les mesures de sécurité qu’il érigeait autour d’elle comme les remparts d’une forteresse… Elle devinait qu’il était trop heureux de la voir se détourner un peu de la routine pour s’en formaliser.

En moins de temps qu’il en fallait pour le dire, ils furent seuls, et le silence fût si opaque qu’elle crut que Dani était sorti en même temps que son ami. Lorsqu’on lui empoigna la main, elle eut la confirmation qu’il n’avait rien fait de tel. Elle sursauta, la gorge brusquement sèche.

La même sensation afflua : la prison mentale de Dani demeurait infranchissable. Elle devait admettre que c’était troublant. Si lire dans le cœur de chacun n’était pas une partie de plaisir, elle ne savait ce qu’elle pensait de cette imperméabilité. Qu’est-ce qui avait bien pu le rendre si fort et abscons ?

𝐀𝐕𝐄𝐔𝐆𝐋𝐄𝐌𝐄𝐍𝐓 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant