Chapitre 15 (2/2)

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– On y va.

Surprise et un peu blessée par sa brusque interruption alors qu’elle se confiait, elle consentit d’un coup de menton.

En moins de temps qu’il en fallait pour le dire, il régla l’addition et montèrent en voiture pour ramener Pia qui ne décocha pas un mot du trajet. Il était à peine conscient de ses actes : son corps était en pilote automatique.

Dans le rétroviseur, Dani interceptait les regards intrigués de son consigliere qui ne s’attendait ni à un retour si prompt, ni à une atmosphère si glaciale.

En dix minutes, l’affaire était pliée. Palerme n’était pas bien grande.

–On est arrivés.

Dani l’observa à la dérobée. Des doigts qui jouaient nerveusement entre eux. Un petit nez retroussé. Un menton tremblant et des yeux brillants.

Elle attendait, peu désireuse de le quitter de cette manière.

–Tu peux rentrer par toi-même ? questionna-t-il en regrettant immédiatement cette formulation dédaigneuse.

Pour la première fois, il ne savait pas ce qu’il faisait et Nicolas n’était franchement pas en faveur de son attitude. Toutefois, il maintint son silence, ancré derrière le volant. Parfait, je ne lui demande pas d’être éloquent.

Le Parrain fit l’erreur d’observer la pianiste ouvrir piteusement la portière alors qu’elle s’en allait sans mot dire. Avec un sentiment de culpabilité indésirable, il couva de son attention la rue paisible.

La porte claqua, il eut la certitude qu’il venait de briser la seule chose qu’il faisait pour lui-même depuis des années. Au fracas succéda la pesante inertie. Pour un temps :

–Avec tout le respect que je te dois, Dani : t’es un idiot ; affirma son ami qui le fixait sans ciller.

–Tu sais que je pourrais t’arracher la langue pour ça ? articula lentement le Parrain, les mâchoires serrées.

Il n’en ferait rien, mais il fallait bien qu’il se défoule sur quelqu’un avant de s’écheveler. Ce qui semblait être sa « conscience », le torturait.

–Tant pis.

–Ne me fais pas des reproches à la con, grogna-t-il en perdant le contrôle. Depuis quand joues-tu le héros des jouvencelles en détresse ?

–Depuis que celle-là en vaut la peine ! contra-t-il, tout aussi déterminé que lui en désignant la pianiste qui cherchait ses clefs sur le trottoir. Et tu en as conscience, t’es différent avec elle.

Maudites bonnes femmes ! Voilà à quel genre de conversation futile elles le réduisaient.

–Justement ! rugit-il. Ce n’est pas le moment de tout chambouler, tu ne crois pas ?

C’était une question purement rhétorique à laquelle son consigliere entreprit de répondre.

–Il n’y a jamais de bon moment. La vie se définit par la surprise et l’imprévu. Il faut parfois accepter ce qu’elle place sur notre chemin.

–Tueur, tacticien et philosophe ? Quel couteau-suisse formidable ! grogna le Palermitain, pour se protéger des mots criants de vérités qui percutaient ses tympans.

–C’est juste que… le changement peut avoir du bon detemps en temps, Dani.

Plus un geste, plus un son dans cet habitacle où il étouffait. Tout avait si parfaitement dérapé en… quoi ? un quart d’heure ? Il perdait pied, hésitant. Que s’était-il passé dans sa tête ?

𝐀𝐕𝐄𝐔𝐆𝐋𝐄𝐌𝐄𝐍𝐓 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant