Chapitre 26 (2/2)

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Alors c’était les cris qui s’élevaient et les munitions qui pleuvaient. Le sang qui coulait à gros bouillons et la peur qui s’installait. Dans le désordre qu’impliquait la guerre, il était difficile de passer entre les projectiles ennemis, comme alliés. Et si Dani invoquait la rapidité et l’agilité du fauve qui sommeillait en ses membres, il ne put rien contre le tir traître de Jacobo : une balle dans l’épaule. Il avait raté le cœur.

– Putain ! rugit-il.

La douleur était vive. Seule l’adrénaline lui permit d’encaisser la blessure. Quand elle retomberait, ce serait une autre affaire.
Les deux chefs se toisèrent d’un bout à l’autre du champ de bataille, le salon. Les secondes s’égrenaient et l’antipathie croissait. Tout ça pour une femme qu’il n’aura jamais, enragea Dani. Pensait-il sérieusement qu’en l’assassinant, il avait des chances avec sa mère ?

Surtout, il le tenait pour responsable de ce qui s’était produit avec Pia. Sans relâche, il avait cherché un coupable pour l’accablement qui l’avait étreint depuis que la pianiste l’avait abandonné. Il trouvait enfin un bouc émissaire sur qui déverser sa frustration. Enflure !

Lorsqu’il se jeta sur lui, il écumait presque. Si Esposito tirait à nouveau, sa chance ne se réitéra pas. En deux temps, trois mouvements, Dani le désarma et lui transperça le pied d’une douille pour le simple plaisir de l’entendre hurler. Comprenant qu’il était dans une posture délicate, il profita de l’attaque d’un de ses soldats pour fuir.

Certainement pas ! C’était mal le connaître que de le croire ralentit par un seul homme. D’un habile mouvement de bras, il empoigna l’opposant et lui brisa la nuque d’un geste sec, net et précis. Le corps tomba raide mort à ses pieds, telle une poupée de chiffon désarticulée. Galvanisé par la puissance qui fluctuait en lui, il enjamba l’amas de chair et courut à l’extérieur, déterminé à rattraper ce scélérat.

Un, deux, trois ; compta automatiquement Dani. Les quatre-quatre étaient encore garés dans le chemin. Faute de clef, Jacobo n’était pas parvenu à se faire la belle. Avec son pied percé, il n’a pas pu aller bien loin. Preste, il regarda aux alentours à la recherche d’un indice capable de lui indiquer la voie qu’il avait emprunté. Dans les épines desséchées des pins se formaient des empreintes de pas qui menaient à l’ouest. Que la traque commence.

Malheureusement pour Jacobo, Dani était très fort à ce petit jeu. Jeune, il partait à la chasse presque tous les dimanches avec Fabio, son père. Ce dernier considérait qu’il s’agissait de la meilleure méthode pour familiariser un enfant aux armes et à la mort. Et Dani avait un don particulier lorsqu’il était question de débusquer le gibier : Fabio n’avait jamais obtenu de plus beaux trophées qu’en chassant à ses côtés.

Il fila les traces de pas ensanglantées qui s’effaçaient de temps à autre pour mieux reprendre ensuite. Le Parrain de Raguse avait une démarche lourde, sans évoquer la balle logée dans l’un de ses pieds et sa tendance à boiter. Il fallait dire qu’il n’était plus tout jeune.

Jugeant cette capture inéquitable, le destin vint en aide au rat : après un furieux coup de tonnerre, le ciel dégorgea et imbiba le sol, rendant les erres incertaines.

– Bon sang ; murmura-t-il.

Ses poings se rétractèrent, prêts à frapper l’air. Son calme impérial s’effritait à l’idée qu’il ait pu le semer, qu’il était possiblement revenu sur ses pas afin de prendre la poudre d’escampette dans une automobile.
Quant à la fraîcheur qui accompagnait la pluie et refroidissait son corps, elle n’était d’aucun réconfort. Avec plus d’acuité, il prenait conscience du plomb niché dans son deltoïde. La souffrance lui vrillait le crâne tandis qu’il luttait pour contenir une grimace éloquente. Et ce fut au moment où il s’y préparait le moins qu’il sentit une présence tout contre son dos. Une personne qui l’étranglait avec ce qui semblait être un lacet de chaussure.

L’unique être suffisamment lâche pour attaquer parderrière, salissant son honneur, était précisément celui qu’il pourchassait. Si les ans avaient affaibli sa puissance, l’adrénaline et la rancœur lui restituaient toute sa vigueur passée : sur les liens, Jacobo tirait comme un beau diable, faisant obstacle au plus infime filet d’air qui aurait voulu s’engouffrer dans les poumons du Palermitain.

Quant à Dani, pris en traître, il cherchait désespérément le moyen de se défaire de son emprise sournoise. Il refusait de trépasser de la sorte, il ferait honneur aux Corleone. Conscient qu’il ne possédait que peu de temps avant de perdre connaissance – la brûlure dans sa poitrine en témoignait –, il songea à sa famille, à Pia, et à ce qu’il leur arriverait s’il mourait si pitoyablement. Ils seraient à la merci de l’ennemi, tout comme Palerme. Non.

Revigoré, il se dressa et s’écrasa contre un arbre de tout son poids. Une fois, deux fois, trois fois… Mais Jacobo tenait bon. Ce n’est qu’à la cinquième projection contre l’écorce qu’il lâcha prise, sonné par les multiples chocs encaissés par sa tête. Dani s’octroya à peine le temps de renouer avec l’oxygène qu’il fondit sur lui, au moment où sa vulnérabilité atteignait son paroxysme. Un hargneux coup de genou à l’estomac le fit se plier en deux. Il cracha un filet de sang.

–T’es vraiment qu’une vermine Esposito ; déclara-t-il d’une voix qu’il ne reconnut pas, emplie de haine et encore enraillée par la récente strangulation.

Jacobo lui lança un regard noir. Difficile d’avoir l’air menaçant alors qu’on peine à se redresser, hein ?

–Trop peureux pour m’affronter en face ! Tout ce que tu trouves à faire, c’est de m’étrangler avec le cordon de ta basket quand je te tourne le dos ? Pathétique !
Dani jubilait ; il le contemplait perdre le contrôle, trembler comme un dément. Il testait ses limites, avivant sa folie.

–Tu ne devrais pas être Parrain. Tu fais honte à ton nom. Pas étonnant que ma mère n’ait pas voulu de toi.

–Arghhhh !

Un hurlement furieux plus tard, il bondissait. Quant à la lame qui surgit d’outre-tombe, elle ne surprit guère Dani. Une énième fourberie pour Scapin. La lutte fut brève. Il comprima son poing de toutes ses forces, si bien que l’arme chut. Au passage, quelques phalanges durent être brisées comme l’indiquait son cri.
Un coup de pied suffit à le faire s’écrouler sur les fesses.

–Voilà tout ce dont tu es capable ?

Subitement, il balança sa jambe dans le tibia de Dani qui tomba net, irradiant une douleur lancinante dans son bras. En un rien de temps, il se retrouvait chevauché par l’ennemi qui avait récupéré le couteau par un incompréhensible miracle. Il allait le planter dans la chair ferme de sa gorge lorsque Dani para.

Fin de partie. Le chat s’était suffisamment repaît du désespoir de la souris. Sa tête se projeta dans le nez de l’assaillant qu’il retourna d’un coup de bassin. Écrasé par son poids, Jacobo faisait pâle figure, le visage défoncé. L’unique désir du Palermitain était désormais d’en finir. La clef apparue sous la forme d’une pierre.

–Fais de beaux rêves.

Dani attrapa Jacobo par le col, le souleva et – malgré les résistances de sa victime – fracassa son crâne sur le pic rocheux.
Inertie totale, yeux perdus dans le vague, bouche ouverte, filet de sang emporté par l’eau… Jacobo Esposito était mort. Raguse n’avait plus de chef.

Dressé sur ses jambes, Dani contempla son œuvre avec satisfaction et il lui sembla que plus rien ne pourrait lui faire obstacle. Bientôt, ce sera ton tour, Vicenzo.

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Enfinnnnn ! Une bonne chose de faite, non ???

Enfinnnnn ! Une bonne chose de faite, non ???

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À vendredi !
Adriana Dreux ♡

𝐀𝐕𝐄𝐔𝐆𝐋𝐄𝐌𝐄𝐍𝐓 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant