Chapitre 29 (2/2)

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Morne, Dani observait Pia. Allongée dans son lit, d’une pâleur extrême et partiellement souillée de rouge, elle faisait peur à voir. Elle lui évoquait cette fille recouverte de sang de porc dépeinte par Stephen King… Carla ? Carmen ?

Peu importait. En fait, tout ce qui comptait, c’était qu’elle ouvrit les yeux, qu’elle lui sourît. Le voudrait-elle encore ? Dani n’était pas un être optimiste, encore moins un idiot.
N’y tenant plus, il se dressa sur ses jambes et fit les cent pas, rôdant tantôt auprès du sommier, tantôt à l’autre bout de la pièce. Il ne méritait pas de l’approcher. Tous ses malheurs, c’est à lui qu’elle les devait. Il était même passé à un cheveu de faillir à sa promesse : la protéger.

Le regard noir de Dani s’attarda sur la poubelle remplie de coton souillé d’hémoglobine. Quand elle avait regagné la villa inconsciente, son cœur avait manqué de lâcher en voyant son état. Dani n’était certes pas un tendre, encore moins un romantique, mais là, ça lui avait fait quelque chose.

Cette créature vertueuse et fragile à l’article de la mort… son poing se crispa. Il aurait voulu taper dans le mur, mais se ravisa. C’était puéril et inutile, il n’avait plus quinze ans. Plus que quiconque, il savait ce qu’était la maîtrise. Mais bien au-delà de ça, il ne désirait plus que Pia soit confrontée à la violence, quelle qu’en fût la forme.
À la porte, quelqu’un se manifesta en frappant délicatement. Une distraction bienvenue. Entre la pénombre, les odeurs des produits médicaux et une Pia inanimée, le Palermitain allait s’arracher les cheveux.

–Entrez.

Il ne se fit pas prier.

–Comment va-t-elle ? demanda son consigliere dans un murmure.

Anxieux, Nicolas détaillait Pia. À plusieurs reprises, il était venu s’enquérir de l’état de santé de la musicienne. Dani soupçonnait son ami de réellement l’apprécier : par le passé, il avait déjà plaidé en sa faveur. Si le Parrain ne le connaissait pas si bien et ignorait l’honorabilité de son attention, il aurait vu l’intérêt de Nicolas d’un mauvais œil.

–Toujours pareil.

Silence pesant dans lequel ils se cloîtrèrent pour un instant.

–C’est bel et bien Vicenzo qui a fomenté l’attaque. Stefano a tiré les vers du nez à l’enflure qui conduisait la voiture.
Le corps bandé, il marcha, propulsé par le ressort de ses muscles. Fils de pute. Chaque jour, la liste des supplices que Dani souhaitait lui infliger s’allongeait considérablement.

–Les autres Parrains ?

–Ils t’ont prêté allégeance. Ils désapprouvent les agissements trop éclatants de Vicenzo. Ils craignent pour leur anonymat.

Luca Mancini, Antonio Conti et Ugo Lombardi avaient suivi la voie de la raison. C’était heureux. Au moins une bonne nouvelle.

–Il semble donc que Vicenzo soit seul sans Gennaro. Pour autant, il ne faut pas le sous-estimer.

–Il n’y a rien de plus dangereux qu’une bête acculée ; approuva Dani. Ce doit être pour cela qu’il s’en est pris à Pia.

–C’est aussi mon hypothèse ; il veut te déstabiliser.

Et ça fonctionne plutôt bien, admettait-il à contrecœur en contemplant la pianiste.

–Assure-toi de la sincérité des Parrains de Catane, Caltanissetta et Trapani. On est jamais à l’abri d’une mauvaise surpri…

Ils furent interrompus. Depuis le lit, une agitation imprévue. Pia émergeait.

–Tu sais ce qu’il te reste à faire. Sors à présent.

𝐀𝐕𝐄𝐔𝐆𝐋𝐄𝐌𝐄𝐍𝐓 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant