Chapitre 28 (1/2)

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« N’as-tu donc pas, Seigneur, assez d’anges aux cieux ? »


Victor Hugo


Trois jours que Jacobo était mort, trois jours que Dani recevait quotidiennement des soins à l’épaule. L’inattention pourrait entraîner une sévère infection et il était hors de question qu’il demeure alité. En temps de guerre, la vulnérabilité était hautement réprouvée.

–Vous êtes fort, monsieur Corleone.

Il dédia un regard narquois au vieux médecin. Affilié à sa famille depuis des années, Leonardo avait suivi son père avant lui. C’était un brave homme, compétent et dévoué à ses patients dont il méprisait le vécu ou les actes. Il n’était pas là pour juger du droit de vie ou de mort des uns et des autres. Seule comptait la guérison, rien qu’elle. En bref, un médecin ayant assimilé en chaque fibre de son être le serment d’Hippocrate, raison pour laquelle Dani l’appréciait tant.

–Tu en doutais ?

–Pas vraiment ; s’amusa-t-il.

–Il faut dire que le docteur est sacrément doué ! râla Nicolas, prostré dans un coin de la pièce, attentif.

Dani leva les yeux au ciel, lassé des reproches de son consigliere. Celui-ci lui en voulait de ne pas être sorti indemne de la bataille : « tu n’étais pas suffisamment sur tes gardes ». Comme s’il avait choisi d’accueillir cette balle en ses chairs !

Je m’en serai volontiers passé, déclara-t-il en son for intérieur.

Les mâchoires serrées, il étouffa un gémissement de douleur. Certes il guérissait prestement et le fil reliant les pans de sa peau l’y aidait grandement, pour autant, ce n’était pas miraculeux : l’alcool à quatre-vingt-dix degrés faisait des dégâts.

–Je n’ai jamais compris pourquoi vous n’utilisiez pas un désinfectant plus… récent ! se plaint son acolyte.
À croire que c’est à lui qu’on l’applique !

–L’alcool, il n’y a que ça de vrai ! Les autres antiseptiques sont pour les chochottes ! La brûlure est le propre de la cicatrisation.

Si Dani n’était pas en accord avec ce dernier point, il ne se serait pas permis de remettre en question le docteur. Le Palermitain l’avait vu capable de bien des exploits en toute situation.

–Bah, ça fait un mal de chien !

Je confirme ! Le vorace éthanol lui grignotait les chairs, Dani était en feu.
Nicolas, quant à lui, avait sa propre expérience du traitement archaïque. Par le passé, pour le protéger d’une attaque, son ami avait réceptionné un poignard dans l’abdomen. Coup vicieux, mal placé, il avait manqué d’y succomber. Léonardo l’avait pris en charge dans sa clinique à grand renfort d’alcool – entre autres – et aujourd’hui, il se portait comme un charme. Une mésaventure dont le mérite fut tout de même de consolider le lien puissant entre le chef et le consigliere.

–Quoi qu’il en soit, mon remède est le bon : je pense pouvoir vous enlever les points d’ici la fin de la semaine, monsieur Corleone.

C’était heureux. Dani aimait l’action, le mouvement, l’énergie. Avec le fil qui tendait sa peau, il se sentait ralenti. Il avait même dû cesser momentanément son entraînement sportif. Si la soudure sautait et qu’il fallait repartir de zéro, il perdrait la tête.

D’un œil morose, il s’égara sur cette épaule aux couleurs de l’arc-en-ciel. Du bleu, du violet, du jaune, du rose ou encore du noir.

Il y en avait pour tous les goûts ! Enfin, c’était superficiel et surtout, il s’en tirait mieux que Jacobo…

𝐀𝐕𝐄𝐔𝐆𝐋𝐄𝐌𝐄𝐍𝐓 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant